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VAGABONDES_COUV_descriptif
25 €

 

176 pages
65 photographies noir et blanc
35 documents administratifs
Format : 25,5×18 cm
Couverture rigide
ISBN : 978-2-3736700-2-8
Date de parution : 19 novembre 2015

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Vagabondes
Les écoles de préservation pour les jeunes filles de Cadillac, Doullens et Clermont
Photographies du studio Henri Manuel (1929-1931) et documents des archives départementales de Gironde, Somme et Oise (1909-1934)

Texte de Sophie Mendelsohn

 

Extraits


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«Des filles coupables»
par Sophie Mendelsohn

Ce qu’il y a de plus difficile dans le relèvement des enfants,
c’est le relèvement des filles.
Ce qu’il y a de plus difficile dans le relèvement des filles,
c’est le relèvement de celles qui sont tombées jusqu’à la prostitution publique.

(Rapport d’inspection)

Énoncée au début du XXe siècle par un directeur d’école de préservation pour les jeunes filles, cette maxime pourrait n’être rien d’autre qu’une variante ad hoc de la devise “qui s’y frotte s’y pique”… Qui ose s’approcher de ces filles risque en effet d’être aspiré dans l’abîme de ce sexe qu’on ne saurait regarder sans être soi-même attiré dans le vice et la débauche dont il est naturellement porteur. Il n’y a pas d’enfant qui tienne ici, quand bien même il s’agirait de se préoccuper de la nation et de ses forces vives, quand la Grande Guerre les aura décimées ; car on n’est jamais assez prudent quand on a affaire à des filles. La méfiance est de mise, et l’emploi des mesures nécessaires à en réduire l’obscure puissance, requis. La brutalité de cet énoncé ne parvient cependant pas à masquer tout à fait son envers, laissant apercevoir autre chose que ce qui s’affirme ouvertement : jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’État s’était bien gardé de se frotter à ces filles, dont il déléguait la garde à des congrégations religieuses, loin de ses propres services ; mais l’avènement de la IIIe République et la laïcisation qui s’ensuivit amenèrent à proposer aux filles perdues un autre horizon que celui du salut religieux. Laisser dans l’ombre du clocher une partie de la population, fût-elle réputée ingouvernable, aurait constitué un manquement inacceptable à l’ambition d’un État dont le pouvoir se vérifie au fait qu’il a les moyens de quadriller administrativement son territoire et de contrôler les populations qui y vivent, minorités invisibles comprises ; mais prétendre s’occuper des vagabondes, ces filles que les aléas de leur histoire familiale et les contraintes de leur classe sociale ont amenées à chercher leur propre chemin au gré des hasards et des rencontres, bonnes ou mauvaises, prétendre les réformer et les relever par une discipline capable de se passer de l’alibi du secours divin, c’était s’exposer à révéler sa propre impuissance. Ce qui ne manqua pas d’arriver. […]