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avec des textes de Hervé Joubert-Laurencin,
Marlon Miguel, Jean-Louis Comolli, Anaïs Masson,
Alexandra de Séguin, Sandra Alvarez de Toledo
et Cyril Béghin

392 pages, 305 images (couleur et noir)
format : 28 x 21,5 cm
couverture souple avec rabats

publié avec le soutien du Centre national du livre (CNL),
de ArTeC et de la CFCUL

ISBN : 978-2-37367-017-2
date de parution : 4 juin 2021

 

Fernand Deligny

Camérer. À propos d’images


édition établie par Sandra Alvarez de Toledo,
Anaïs Masson, Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

Description

 

Camérer. À propos d’images : dans « camérer » on entend caméra et donc cinéma et filmer, mais d’abord l’impérative nécessité d’étrangéiser les mots ou de se réapproprier leur signification en en passant par un autre réseau linguistique. « À propos d’images » indique le déplacement du sens de gravité de l’ouvrage : du cinéma – le mot et la pratique – soumis à la question, on s’achemine vers le vaste monde des images, « l’autre monde », « tout un monde », que Deligny investit avec l’intention d’en trouver le plus de sens possibles, avec et contre le langage. On aura compris que ce livre n’est pas un livre sur le cinéma, ni un essai de phénoménologie ou d’esthétique sur l’image, mais tout ceci à la fois, et autre chose encore, venant d’un écrivain en contact étroit avec le régime de perception d’enfants autistes.

L’intérêt de Deligny pour le cinématographe (plus pour le « graphe » que pour le « ciné », dit-il) n’est pas nouveau. Trois des films tournés dans les Cévennes – Le Moindre Geste, magnifique ovni collectif, joué par un « débile profond », Yves G., Ce gamin, là et À propos d’un film à faire réalisés par Renaud Victor – ont été édités en DVD, plusieurs textes ont paru dans ses Œuvres, et le cinéma constitue l’un des fils rouges, pour ne pas dire l’un des points de fixation de la Correspondance des Cévennes, 1968-1996. La re-découverte récente par Jacques Lin d’une série de films en super 8 et en vidéo tournés dans le réseau dans les années 1970 et 1980 témoignait de ce que du cinéma avait eu lieu sur un mode quasiment permanent dans les aires de séjour. Au même moment, Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet extrayaient de deux grandes malles de manuscrits en vrac un corpus de textes inédits sur l’image… dont nous avons tiré un livre, fait à quatre têtes et huit mains.

La publication des Œuvres et de la Correspondance des Cévennes montrait déjà avec une évidence troublante la place du cinéma dans la pensée de Fernand Deligny et dans la vie du réseau d’enfants autistes fondé à la fin des années 1960 dans les Cévennes. La découverte, dans les archives, d’un corpus de textes spécifiquement consacrés au cinéma et à l’image à partir de 1978 nous a convaincus de la nécessité d’en faire un livre. Les textes de Deligny s’organisent en trois parties chronologiques dont les titres, « Camérer », « Film fossile », « IMAGEs », dénotent le déplacement du centre de gravité de sa réflexion, de l’outil (caméra) – et donc du faire – à l’image qui ne se voit ni se prend, image autiste, image d’espèce, image versus langage…

Le mot « camérer » apparaît sous sa plume en 1977, comme une alternative à « filmer ». Sous sa forme infinitive, il privilégie la primauté du processus sur la visée de l’objet-film (camérer / camerrer). Il désigne bien une pratique, mise en œuvre dans les aires de séjour : des films se tournent (Ce gamin, làProjet NÀ propos d’un film à faire), des vues sont prises en super 8 (à destination des parents des autistes), puis en vidéo ; les projets sont nombreux, notamment avec l’INA. Mais « camérer » est également un concept, un outil de déstabilisation, une boîte à questions sans réponses. À la même époque Deligny forge « mécréer » (l’anagramme à une lettre près de camérer) : ne pas y croire, décevoir, ne pas filmer… En cela il est le contemporain de Marguerite Duras, de Jean-Luc Godard, ou de Chantal Akerman, et l’héritier d’André Bazin (dont il fut l’ami).

La deuxième partie de l’ouvrage achemine Deligny vers l’image, qu’il joue pour commencer contre le langage et la domestication symbolique, puis en symbiose avec lui. Il est l’« écrivant » qui s’adresse au « camérant », Renaud Victor (son interlocuteur principal en cinéma). Il se donne le rôle du canevassier, il cherche des alternatives au « scénario ». Puisque les images ne se prennent pas, dit-il, elles sont « sauvages » : ici se logent sa critique de l’humanisme occidental et son jeu avec l’éthologie : il se pourrait que l’image soit du règne animal, et qu’elle loge dans la « mémoire d’espèce » …

La troisième partie, « IMAGEs », ouvre la boîte de Pandore. Cherchant l’image, il en trouve une myriade, « tout est image ». Le cinéma s’éloigne, Deligny revient sur la symbiose impossible entre l’image et le langage prédateur. Autrement dit, les images se cachent, elles sont retenues dans le tain du miroir. Il recourt à Wittgenstein, dont il fait comme de tout une lecture intéressée : « je prends le mot image et je le jette au-delà les bornes du langage. » Dans quelques notes magistrales de la fin de sa vie, il fait remonter les images, dont quelques-unes, logées dans les marais de sa mémoire, « s’entretuent et se dévorent ».

L’iconographie du livre fait coexister toutes les formes d’images : pas de cinéma sans cartes, pas de cartes sans tracer ni manuscrits ; un lien pensé mais sans secret, les fait circuler et coïncider. En tout, plus de 300 images…

Le recueil des textes de Deligny est complété d’un ensemble d’essais inédits (sauf celui de Jean-Louis Comolli) par les meilleurs connaisseurs de son œuvre : il y est question des possibles points de contact entre la pensée de Bazin et Deligny (Hervé Joubert-Laurencin), de la place du cinéma militant dans les tentatives de Deligny avant les années 1970 (Marlon Miguel), de la façon dont le Moindre Geste touche au paradoxe de « camérer » : faire du cinéma contre le cinéma, échapper au programme et au cadre (Jean-Louis Comolli), de l’analogie entre image et « repère », pensée du point de vue de l’éthologie (Anaïs Masson) et du point de vue de l’espace envisagé dans la clinique psychiatrique psychiatrique (Alexandra de Seguin), d’une image introuvable – dans la tête de Janmari ? – , que Deligny jetterait en pâture à Renaud Victor contre l’arsenal du cinéma (Sandra Alvarez de Toledo), de la contemporanéité de sa réflexion avec celle des cinéastes pour qui image et langage se situent dans l’intervalle « d’une chose commune que ni l’un ni l’autre n’accomplit » (Cyril Béghin).

extraits

 

voir quelques doubles-pages

lire l’avant-propos

 

 

« Mais où sont les images ? »

« Camérer, ça serait les prendre, ces images, parce qu’on ne sait jamais, parce qu’on verra bien. »

« Camérer, c’est peut-être mettre dans la caméra, dans la boîte, des éclats d’humain et c’est tout ce qu’on peut en retrouver, de l’humain commun, des éclats. »

« Où se voit que camérer, c’est s’en prendre au temps, qu’il s’agisse du “pousser” de la tige de blé, ou de “l’accueillir” de ce milieu qui tente d’admettre cet autre dont le désarroi est tel que la mémoire ethnique lui fait défaut. »

« Mais allez donc filmer un infinitif. »

« Il se pourrait que camérer cherche à effacer cette frontière inéluctable entre ce que l’homme perçoit de ce qui lui semble être la réalité et le réel souvent situé comme étant le néant. On peut s’étonner de l’extravagante envergure d’un tel projet. »

« Camérer, il y va d’autre chose qui peut s’écrire camerrer, comme si un certain point de voir errait dans une tentative. Cette tentative serait-elle de faire un film ? Pas du tout. Une tentative a lieu(x), avec une caméra pour ainsi dire incorporée dans son coutumier. Il n’y a donc pas de mise en scène ? Non. Nous ne sommes pas au théâtre. »

« De l’image se forme sans cesse. Elle serait myriade s’il était possible de compter les images comme on peut compter les mots. »

« Personne ne fait les images. »

 

sommaire

 

I. Écrits de Deligny 1978-1996

 

Camérer (1978-1981)

introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« Camérer # 1 »
« Camérer # 2 »
« Camérer # 3 »
« Camérer # 4 »
« Camérer # 5 »

« Atelier INA. Esquisses de quelques projets possibles »
« La peau du rôle »
« La peau du rôle / le point aveugle »
« “Le point aveugle”, c’est le point aveugle de l’Histoire »

« Notes pour “Mécréer” »
« Mécréer »
Échange de lettres avec Robert Kramer

 

Film fossile (1982)

introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« L’algue et le champignon »
« La voix du fleuve »
« Les fossiles ont la vie dure. À propos d’images »
« Les fossiles ont la vie dure »
« Malabur et Pipache »
« Acheminement vers l’image »

 

IMAGEs (1988-1996)

introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« i comme image. De CARTE en IMAGE »
« Notes sur l’image »
« Le propre de l’IMAGEs »
« Filmer le vent… »
« Un prof »

 

II. Essais

« Cinéma et forme de vie. André Bazin et Fernand Deligny »
Hervé Joubert-Laurencin

« Mettre la vie en œuvre : autour de “La caméra outil pédagogique” »
Marlon Miguel

« L’évadé. À propos du Moindre Geste »
Jean-Louis Comolli

« Note sur l’éthologie et l’image chez Deligny »
Anaïs Masson

« Légendes de l’image »
Alexandra de Séguin

« L’image contre le cinéma »
Sandra Alvarez de Toledo

« La butée et l’intervalle. Jeter le mot image au-delà des bornes du langage »
Cyril Béghin

 

presse

 

Pierre Eugène, « Fernand Deligny. Cinéma permanent », Cahiers du cinéma, novembre 2021

Marianne Dautrey, « Faire corps commun avec Deligny », Le Monde des livres, vendredi 2 juillet 2021. Lire

événements

 

– 2-4 décembre 2021 : présentations à Bruxelles en partenariat avec l’Académie royale des beaux-arts, la librairie Tropismes et les éditions La Part de l’Œil. Jeudi 2 décembre à la librairie Tropismes : soirée de présentation-lecture autour de Fernand Deligny, Camérer. A propos d’images. Vendredi 3 décembre (ouvert aux étudiant·e·s de l’ArBA uniquement) : Deligny, un parcours, des films. Samedi 4 décembre – à partir de 9h30 (ouvert au public) : Deligny et l’image. En présence de Sandra Alvarez de Toledo, Dirk Dehouck, Sami El Hage, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Martín Molina et Marina Vidal-Naquet…

– 28-29 octobre 2021, ICI Berlin : un atelier intitulé « Assembling Milieus. Working the camera after Fernand Deligny », organisé par Marlon Miguel à l’Institut for Cultural Inquiry (ICI), Berlin. Présentation, programme et inscription : https://www.ici-berlin.org/events/assembling-milieus/

– mercredi 13 octobre 2021, 20h : présentation du livre à la librairie L’Atelier, Paris 20e, en même temps que le livre de Catherine Perret, Le Tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny, paru au Seuil en 2021.

– vendredi 18 juin 2021, 18h : présentation du livre à l’atelier de L’Arachnéen, 10 rue Saint-Luc, Paris 18e

– mercredi 9 juin 2021, 18h : présentation du livre dans le cadre du séminaire doctoral de cinéma de Paris-Nanterre organisé par Hervé Joubert-Laurencin à l’INHA (2, rue Vivienne, 75002, Paris), RdC, salle Fabri de Pereisc.

Livres associés à l’auteur :

Correspondance des Cévennes

Fernand Deligny
2018

Cartes et lignes d’erre

collectif
2013
Fernand Deligny
2007 / rééd. 2017