60,00 

cartes de Jacques Lin, Gisèle Durand,
Marie-Dominique Vasseur, Thierry Bazzana,
Jean Lin, Dominique Lin, Marie-Rose Aubert…

légendes des cartes rédigées par Sandra Alvarez de Toledo
d’après des entretiens avec les auteurs des cartes

postface de Bertrand Ogilvie

416 pages, 177 cartes et 8 photographies (couleur)
format : 28×21,5 cm
reliure cartonnée, bloc intérieur vertical

publié avec le Centre national des arts plastiques (CNAP)

ISBN : 978-2-9541059-0-1
date de parution : avril 2013

 

collectif

Cartes et lignes d’erre
Traces du réseau de Fernand Deligny, 1969-1979


édition établie par Sandra Alvarez de Toledo

Description

 

En 1968, Fernand Deligny fonde un réseau de prise en charge d’enfants autistes dans les Cévennes, à Monoblet. Quelques années plus tard (1975-1976), il consacre trois numéros de la revue Recherches, fondée par Félix Guattari, à cette expérience qu’il mène en marge des institutions éducatives et psychiatriques. Deligny n’est pas psychiatre. Il parle d’ailleurs plus volontiers d’enfants mutiques qu’autistes. À une époque où la prise en charge de l’autisme infantile est encore mal assurée, il propose un milieu de vie organisé en aires de séjour dans lesquelles les enfants vivent le coutumier auprès d’adultes non diplômés (ouvriers, paysans, étudiants). À ces éducateurs qui n’en sont pas – il les appelle les présences proches –, il propose de transcrire les déplacements et les gestes des enfants. Dans chacune des aires de séjour – situées à une quinzaine de kilomètres les unes des autres – et durant dix ans, au jour le jour (le soir ou le lendemain, parfois plusieurs jours après), les adultes tracent des cartes sur lesquelles ils reportent leurs propres trajets puis, sur des calques, les lignes d’erre des enfants. « Pour rien, pour voir, pour n’avoir pas à en parler, des enfants – , pour éluder nom et prénom, déjouer les artifices du IL dès que l’autre est parlé. » Ces cartes ne servent ni à comprendre ni à interpréter des stéréotypies ; mais à « voir » ce qu’on ne voit pas à l’œil nu, les coïncidences ou chevêtres (lignes d’erre qui se recoupent en un point précis, signalant qu’un repère ou du commun se sont instaurés), les améliorations à apporter à l’aménagement de l’espace, le rôle des objets d’usage dans les initiatives des enfants, leur degré de participation à telle tâche coutumière au fil des jours, l’effet sur eux du geste pour rien d’un adulte (un signe, un repère supplémentaire), etc.

 

 

Le livre rassemble près de deux cents cartes retrouvées dans les archives en 2010 par Gisèle Durand et Jacques Lin, compagnons de route de Deligny. Il se compose de onze chapitres ou sections, ordonnés chronologiquement et par aires de séjour. D’un lieu à l’autre, les mains qui tracent ne sont pas les mêmes : le « style » de Jacques Lin et Gisèle Durand n’est pas celui de Marie-Dominique Vasseur, Thierry Bazzana ou Nicole Guy. Les modes de transcription changent également : avec le temps, le vocabulaire graphique s’enrichit, devient très ou trop abstrait (à l’image du haut degré spéculatif de la recherche de Deligny), puis revient à un tracer plus simple et plus lisible. Ce sont pourtant les mêmes principes qui inspirent les auteurs de ces cartes : se déprendre d’eux mêmes dans une forme d’écriture, et enregistrer les traces de l’humain de nature que Deligny voit persister là où le langage se retire.

La superposition des calques fait apparaître un territoire centripète, à l’intérieur duquel les enfants circulent en tous sens, attirés par des présences, des gestes ou des objets, des foyers de vie. De la trame des trajets et des lignes d’erre se dégagent des points constants où les enfants reviennent se poster, des lieuxchevêtres où se conjuguent la présence d’un adulte et une tâche en train de s’accomplir. Des objets émaillent le territoire : objets pour rien, que les enfants transportent à travers l’espace ou mettent en mouvement ; objets quotidiens désaliénés de leur fonction d’usage ; objets qui servent de purs repères, au même titre que les personnes. L’aire de séjour se présente donc comme un appareil à repérer, un espace cohérent et rythmé. Le principe de l’« objet bloc » permet à la fois de feuilleter, de « battre les cartes » (la formule est de Deligny) et de lire en vis-à-vis, plus haut, la description correspondante. Ces descriptions minutieuses, rédigées à partir d’entretiens avec les auteurs des cartes, ont une visée explicite, voire polémique : elles entendent montrer concrètement ce que furent les lignes d’erre, insister sur ce qui fut une pratique, fondée dans une approche spéculative du langage et de l’humain certes, mais mise en œuvre dans le contexte d’une organisation matérielle extrêmement précise. Manière de dissuader les approches d’emblée théoriques qui ont commencé à fleurir, en particulier dans le sillage de la pensée du rhizome de Gilles Deleuze et Félix Guattari.

La redécouverte de ces cartes relance moins la question de l’autisme que celle de l’invention institutionnelle d’un espace commun (voir à ce sujet l’essai de Bertrand Ogilvie), d’un terrain d’échange (voire de jeu) par-delà les règles sociales et les catégories du normal et du pathologique. L’étrangeté radicale de ces enfants là, qui « habitent le monde sans l’habiter […], ne font pas pacte avec notre monde », a donné lieu à ces objets au statut indéfinissable, qui assurèrent pendant dix ans la liaison entre des territoires tout en gestes et en circulations muettes, et les spéculations de Deligny, entre un monde hors langage et sa tentative d’élucidation dans le travail sans fin de l’écriture.

L’ouvrage est bilingue et comporte également un glossaire où sont définis les mots du vocabulaire de Fernand Deligny.

 

extraits

 

voir quelques doubles-pages


Postface de Bertrand Ogilvie – extraits 

« […] Comme la lente émergence de l’image dans le bain du révélateur des photos argentiques, comme le dessin de la monnaie qu’un enfant fait peu à peu apparaître en grisant d’une mine de plomb le papier mince dont il a recouvert sa pièce, le tracer de ces cartes fait surgir la géographie de ce monde parallèle où ces enfants vivent, dont Deligny ne se demande pas d’abord comment il se fait qu’ils ne parviennent pas à en sortir, mais au contraire comment il se fait que nous n’y figurons pas. D’où le projet original de chercher comment y figurer, sous quel déguisement y apparaître à part entière. La carte constitue le chemin qui nous mène vers ce site insoupçonné où se tient l’enfant mutique et où l’adulte va pouvoir alors se tenir à son tour dans l’espoir de se transformer lui-même en signe et de devenir l’occasion d’une relation, d’un agir. Dans Ce Gamin, là, il dit ainsi : « lui, ne s’y mettait pas dans l’eau / il regardait / et nous y avons pensé / puisque d’autre / il n’y en avait pas / pour lui / comment faire / pour nous faire eau à ses yeux ».

Tout le projet des cartes est là : il s’agit de dresser la carte à la fois infiniment plastique, mouvante, fluide et pourtant faite de repères fixes, répétitive et obsédante, du monde de ces enfants qui ont comme trait d’essence, en quelque sorte, d’être d’abord et avant tout ici, d’être passé par ici, par là, puis de transporter sur leurs passages les activités communes des adultes, êtres de langage dont les trajets sont au contraire toujours littéralement faits de mots c’est-à-dire de projets, de finalité, d’intentions et de volontés de faire. Ainsi, comme par une sorte d’invite ou de provocation chorégraphique, s’entremêlent peu à peu ces pistes et ces trajets, ces errances et ces parcours, jusqu’à ce que, en des points imprévisibles, des danses communes apparaissent, triviales et sublimes à la fois, nouées autour des gestes les plus élémentaires et les plus indispensables de la vie. Peu à peu les enfants autistes se mêlent aux activités communes. Mais ces activités en apparence identiques exigent d’être nommées différemment selon celui qui les accomplit. Qu’elles soient communes, effectuées en commun, ne veut pas dire qu’elles sont identiques. Laver, préparer, dresser, couper, cuire, distribuer, ramasser : faire ouagir ? Deligny va jusqu’à se refuser à nommer ce qui se passe alors (imitation ? dressage ? intentionnalité naissante ? automatisme inexplicable ?) décidant de laisser grande ouverte la porte ainsi franchie, sans la réduire à un progrès, une guérison, une « sortie de l’autisme ». Le terme d’agir employé pour les enfants, par opposition au faire des adultes, lui permet de ne pas trancher cette question. À la fois l’usage de l’infinitif élude la question du sujet. Comme le dit Nietzsche, nous sommes victimes du préjugé de la grammaire selon laquelle tout verbe exige un sujet. L’écriture de Deligny se défait délibérément de ce préjugé qui a partie liée avec cette autre manie de penser qu’il n’y a d’humain que dans la maturation temporelle d’une conscience qui se fait sujet par ses progrès langagiers : ici c’est l’espace, l’espace des images, des configurations, des dispositions d’objets, ce qu’il appelle lessimulacres, qui déclenche les agir. Mais en même temps il ne s’agit pas non plus d’une domestication, qui opposerait les mutiques et les parlants, car les adultes aussi ont droit à leur infinitif, le faire, qui les renvoie à leur part secrète de spatialité, à ce qu’on pourrait appeler la prégnance de leur « civilisation matérielle », à la domination souterraine, chez eux aussi, des objets et des places. Des agir ne sont pas tout à fait des faire… mais les faire ne sont-ils pas aussi parfois hantés par de secrets agir ?

[…] Présentées dans un ordre chronologique qui fait apparaître à la fois leur dimension de recherche sans cesse remise en chantier et la pluralité des mains et des regards qui les ont tracées, ces cartes reflètent assez clairement la multiplicité d’expériences sensibles et de rencontres toujours singulières qui se produisaient entre les adultes et les enfants selon l’idiosyncrasie des uns et des autres. Depuis les premières cartes jusqu’aux dernières, depuis les relevés de traces jusqu’aux instantanés de gestes, depuis les dessins réalistes et naïfs jusqu’aux graphismes les plus abstraits, les plus épurés, on voit bien la variété des approches.

Il ne faut donc pas voir là une méthode, mais un esprit de recherche diffracté dans une myriade de tentatives d’aller là où ces enfants sont, chacun à leur manière, et de trouver moyen de créer un pont, une passerelle sans jamais croire que ce rapport est établi une fois pour toutes. Par opposition aux protocoles de prise en charge théoriques (en fait très empiriques) qui partent de représentations toutes faites et de diagnostics institués, il s’agit de mettre en œuvre une sensorialité qui substitue au temps programmé du soin normalisant une attention permanente à l’espace dans lequel ces corps d’enfants se repèrent à partir des formes, des couleurs, des odeurs et des rythmes. Spatialité que Deligny désigne comme un septième sens (outre les cinq traditionnellement répertoriés auquel il ajoute, pour l’humanité parlante, le sens de l’histoire, de la grande et de la petite, « la sienne propre »). L’espace de ces lieux de vie dans lesquels ne domine plus l’échange langagier, écarté parce que violent pour ces enfants sommés de répondre à ce qui leur reste étranger, est donc un espace bruissant de signes, d’objets, de places et de déplacements qui sont pour eux autant d’occasions d’agir, c’est-à-dire d’entrer dans la danse de la vie commune, de laisser dériver leur errance vers des parages où ils finissent par entrer en consonances, en harmoniques, passives ou actives, contemplatives ou industrieuses, avec les faire de ces homo faber classiques qui les entourent et veillent attentivement sur eux.

[…] L’originalité de Deligny est à la fois de faire passer la question « que faire ? » (« avec eux » et non pas « d’eux ») avant celle de savoir qu’en penser, et de tirer aussitôt de ce « faire » quelque chose à penser : une anthropologie alternative, qui se tient à égale distance de la psychiatrie et de la psychanalyse et qui est avant tout une anthropologie politique puisque les jeunes autistes se présentent à lui comme ceux à partir desquels va devoir être repensé et effectué non pas un rapport social, ou un lien social (ces termes renvoient toujours à une pseudo évidence qui déguise tant le « malaise » que la conflictualité) mais une communauté politique élargie d’autant, redéfinie d’y inclure la figure par excellence de l’exclusion.

Or cette pensée sous-jacente du commun, Deligny se refuse à l’exprimer une fois de plus dans un discours convenu et bien-pensant, programmatique et vain. Il comprend qu’elle requiert une autre médiation, qui la rende effective : c’est la fabrication de ces images, objets-concepts, calques, proliférante iconographie translucide, qui « font » au lieu de dire, mieux encore : qui écrivent autrement et autre chose. En ce sens ces cartes doivent être encore rapprochées de ce que Bataille aussi bien que Deleuze appellent des « dramatisations » , c’est-à-dire des manières de faire apparaître sans cesse, selon les termes de Deleuze, « sous le logos » le « drama », c’est-à-dire de montrer comment le discours est toujours sous-tendu par un monde de gestes et d’actes non conscients qui en sont le véritable horizon.

[…] Ces cartes nous reviennent aujourd’hui, presque un demi-siècle après qu’elles aient été tracées, portées par la parole et la mémoire incertaine et forcément approximative et défaillante de témoins vivants : il ne s’agit pas d’un compte rendu arrêté et immuable, d’une cartographie objective, d’une photographie aérienne, mais d’une parole « adressée » qui trouve son sens dans l’attention de celui qui l’écoute et qui rend compte d’une expérience confrontée à la plasticité du vivant et à son imprévisibilité ainsi qu’à l’incertitude de son interprétation. Leur intérêt ne provient donc pas de leur « exactitude ». C’est en cela qu’elles sont aux antipodes d’un régime de panoptique dont certains commentateurs parfois les rapprochent. Cette heureuse fluidité, cette indécision salutaire permet de se tourner vers l’essentiel : ces cartes sont la trace d’une activité très singulière d’invention permanente, de tentatives dont aucune n’a de valeur absolue mais dont l’intérêt réside justement dans la perpétuelle fonction d’adaptation à de nouvelles circonstances. Ainsi le détail de ces descriptions trouve tout son sens dans la globalité de la démarche et l’effectivité de la transformation du regard qu’il entraîne. Ces cartes se lisent comme un texte, un ensemble dont le sens et la portée ne se dégagent que de la totalité de sa présence, à l’inverse d’un de ces protocoles expérimentaux qui caractérisent aujourd’hui une grande partie de la recherche expérimentale en psychologie cognitive, dont l’obsessionnalité n’a d’égal que l’arbitraire et la gratuité, l’incapacité à former un monde de sens. En revanche, la portée scientifique des cartes de Deligny (car on peut considérer qu’elles en ont une) vient précisément de cette capacité à donner accès à la totalité d’une expérience à travers des « formes » qui ne sont pas des médiations neutralisées mais qui en constituent en même temps la chair et le lieu : les cartes font partie de la vie duréseau, elles en rythment le cours, elles en déplacent en profondeur les perceptions quotidiennes ; la mise en œuvre et les déplacements successifs des styles de gestes qui les tracent sont directement liés à l’activité manuelle qui préside à la réorganisation permanente du territoire et des bâtiments, des trajets et des objets.

En un mot il ne s’agit pas de radiographier des « objets » d’expérience mais de donner forme à la rencontre d’êtres vivants qui, pour n’être pas des sujets n’en sont pas moins des présences dont la vérité se donne à voir comme forme. La forme n’est pas moyen mais horizon et création. Dans ces tracés, c’est la main de celui qui les trace qui se révèle aussi, dans sa tentative de croiser les trajets de ces enfants qui sont tout entier présences singulières dans l’espace. Ce qui signifie essentiellement qu’ils ne sont pas abordés à partir de leur « déficience » mais à partir de leur présence. Et leur manière d’être a l’immense intérêt de faire apparaître l’énigme même de la présence humaine, présence qui n’est jamais simplement physique, ni seulement sensorielle, ni seulement signifiante, mais affrontement et articulation sans cesse à reconstruire d’une présence « pour rien » et d’une présence « pour », d’une ouverture indéterminée et d’une institutionnalisation finalisante.

Dans le débat contemporain sur l’autisme Deligny pose une question tout à fait autre, que les «thérapies » ne résolvent pas, n’abordent même pas : quel lien social nouer avec l’être sans parole ? Position anti normative de sa part, qui peut faire scandale et être discutée, mais pas à partir d’une position normative simple. On sait maintenant qu’il n’y a pas d’autiste « en général », que si l’autisme est une maladie biologique (comme cela semble de plus en plus avéré), cela n’exclut pas, au contraire, que l’autiste puisse être aussi psychotique, ou névrosé (on le serait à moins), et que la démarche psychanalytique, par exemple, n’intervient pas pour guérir l’autisme mais pour permettre une réorganisation psychique qui permette de vivre avec, et de supporter des parents et des adultes en général qui ne supportent pas la situation qu’ils vivent. Deligny se situe au-delà de ces problématiques : sa question ne concerne ni l’étiologie (il pencherait presque plutôt pour la génétique que pour la psychogenèse), ni la rééducation (qu’il écarte parce que faisant violence à la manière d’être de l’enfant au nom de normes qui ne sont pas les siennes), mais l’invention d’une vie commune, qui est loin d’être sans effets sur la « réalisation » ou « l’épanouissement » des enfants. Question politique et vitale, « topique » donc, plutôt qu’utopique… […]»

expositions

 

Vues d’expositions

30e Biennale de Sao Paulo, The Imminence of Poetics, 7/09/12 – 9/12/12

 

Palais de Tokyo, Paris, 27/09/12 – 7/01/13.

 

Kolumba Museum, Cologne, 7/05/14 – 25/08/14

about

 

Maps and Wander Lines

In 1968, Fernand Deligny created a network to care for autistic children at Monoblet in the Cévennes. A few years later (1975-1976), he dedicated three issues of the journal Recherches, which had been created by Félix Guattari, to describe this experiment, which he conducted at the margins of educational and psychiatric institutions. Deligny was not a psychiatrist. In fact, he preferred to call the children mute rather than autistic. At a time when the treatment of infantile autism remained under-developed, he offered a milieu de vie (a living environment) organized into aires de séjour (living areas) where the children lived the coutumier(the customary) in the presence of non-professional adults who included workers, farmers, and students. He invited these educators/non-educators, whom he calledprésences proches (close presences) to transcribe the children’s movements and gestures. In each aire de séjour–which were approximately fifteen kilometers apart—and for ten years, day after day (in the evenings or the following day, sometimes several days later), the adults traced maps on which they marked their own journeys and then, on tracing paper, the children’s lignes d’erre (wander lines): “For nothing, for seeing, so as not to have to talk about them, those children—there, to elude first and last names, to thwart the artifices of the ‘HE’ as soon as the Other is spoken.” These maps did not help to understand or interpret stereotypies, but to “see” what could not be seen with the naked eye, the coincidences or chevêtres(lignes d’erre that intersected at a precise point, indicating that markers, and a commons, had developed), the improvements needed to the arrangement of the space, the role of usual objects in the children’s initiatives, their degree of participation in each customary task as the days passed, the effect of an adult’sgeste pour rien (a gesture “for nothing”—a sign or an additional marker, for example) on them.

 

 

The book assembles nearly two hundred maps that Gisèle Durand and Jacques Lin, Deligny’s fellow travelers, found in the archives in 2010. It comprises eleven chapters or sections, organized chronologically and by aires de séjour. From one place to another, different hands did the tracing: Jacques Lin’s and Gisèle Durand’s styles are not the same as those of Marie-Dominique Vasseur, Thierry Bazzana, or Nicole Guy. The modes of transcription also change: over time, the graphic vocabulary becomes richer and highly—at times perhaps too highly—abstract (as did the high degree of speculation of Deligny’s research), then returns to a simpler, more legible tracing. Still, the same principles inspired the maps’ authors: becoming freed of themselves through writing, and recording the traces of l’humain de nature(the human by nature) that Deligny saw as persisting wherever language was withdrawn.

Superimposing tracing paper caused a centripetal territory to appear inside which the children circulated in every direction, drawn by presences, gestures, objects, or nodes of life. The outline of the journeys and lignes d’erre suggest that there were particular locations to which children kept returning to post themselves or lieux chevêtres (intersections), places where the presence of an adult was conjoined to a task in the process of being performed. Objects were interspersed throughout the territory: objects pour rien (for nothing) that the children transported through the space and put into motion; daily objects distanced from their usual functions; and objects that served purely as markers, in the same way as people. The aire de séjour thus resembles something like an appareil à repérer (a spotting apparatus), a coherent, rhythmic space. The principle of the “object notebook” makes it possible to leaf through the pages or “shuffle the cards ” (in Deligny’s words) while also reading the corresponding description higher on the page. These minutely detailed descriptions, based on interviews with the maps’ authors, have an explicit, even polemical purpose: They are intended to show concretely what the lignes d’erre were, to emphasize a practice founded on a speculative approach to language and to the human, of course, but also establish this practice in the context of a highly specific material organization. This was a means of dissuading the instantly theorized approaches that began to flourish, in particular in the wake of Gilles Deleuze’s and Félix Guattari’s notion of the rhizome.

The rediscovery of these maps raises the question of autism but even more importantly that of institutional invention within a common space (see Bertrand Ogilvie’s essay on this subject), of a terrain for exchange (and even of play) that lies outside of the social rules and categories of the normal and the pathological. The radical strangeness of these particular children, who “inhabit the world without inhabiting it […], do not come to terms with our world,” has given rise to these maps whose status is indefinable and which ensured over a period of ten years the bond between territories entirely made of gestures and mute circulations, and Deligny’s speculations, between a world outside of language and his attempt to elucidate it through the unending work of writing.

The book is bilingual and includes a glossary in which Fernand Deligny’s vocabulary is defined.

 

extracts

 


Essay by Bertrand Ogilvie – extracts 

[…] Like the image slowly surfacing as a photograph develops in its chemical bath, or like the impression of a coin that appears progressively when a child deter­­mi­nedly rubs a pencil over its relief onto a thin sheet of paper, the tracing of these maps conjures up the geography of the parallel world in which these children live, and about which Deligny does not at first ask himself why they are unable to escape, asking instead why we are not present in it. From whence the initial project which was of seeking a way to be represented in this world, to find a disguise to appear in it in one’s own right. The map constitutes the path that leads us to this unsuspected place in which the mute child stands, and where the adult will be able to stand in turn, hoping to transform himself into a sign and become an opportunity for a relationship, an act. In Ce Gamin, là, he says, for example: “him, he didn’t go into the water / he was watching / and we thought about it / since there was no other / for him / what can we do/ to become water in his eyes”.

This is what the entire project of the maps is about: tracing a map that is simultaneously infinitely versatile, moving and fluid, yet made of fixed markers, repetitive and obsessive, a map of the world of these children whose essential feature is to be in some way above all therehere, to have been here, and there, and to carry as they moved along the common activities of adults, languaged beings whose journeys are on the contrary always literally made of words, meaning plans, finality, intentions, and wills to do. This is how, through a sort of choreographic invitation or provocation, paths and journeys, roamings and routes interweave until shared dances, both trivial and sublime, unpredictably appear around the most basic and essential gestures of life. Little by little, the autistic children join in the common activities. However, these seemingly identical activities must be named differently depending on who carries them out. The fact that they are shared, carried out in common, does not mean that they are identical. Washing, preparing, planning, cutting, cooking, distributing, and collecting: to do or to act? Deligny goes so far as to refuse to name what is happening then (imitation? training? emerging intentionality? inexplicable automatism?), in a decision to leave the door that was just passed through wide open, not reducing it to progress, healing, or an “exit from autism.” The term to act used for children, as opposed to adults’ do, enables him to leave the matter unresolved. Using the infinitive form also eludes the problem of the subject. As Nietzsche says, we are trapped in the prejudice of grammar that every verb requires a subject. Deligny’s writing deliberately eliminates this prejudice, which has to do with another habit of thought according to which what is human exists only through the temporal development of a consciousness that becomes a subject through its linguistic progress. In which case, it is space, the space of images, configurations, the arrangements of objects, what he callssimulacra, that trigger acts. But at the same time, it is not a matter of domestication, either, which would oppose the mute to those who speak, since the adults also have their infinitive, the do, that relates to their secret share of spatiality, to what might be called the pervasiveness of their “material civilization,” to the underlying domination, for them too, of objects and places. Acts are not quite dos… but aren’t dos also at times haunted by secret acts?

[…] The chronological order of presentation of the maps reveals both the aspect of continual research, always in progress, and the plurality of hands and eyes that traced them. They are a relatively clear reflection of the multiplicity of sentient experiences and always singular encounters that occurred between adults and children depending on each other’s idiosyncracies. One can get a clear view of the variety of approaches, from the earlier to the later maps, from the survey of tracings to the rapid sketching of gestures, from the realistic and naïve drawings to the more abstract, uncluttered ones.

This should therefore not be seen as one method, but rather as a spirit of research that is diffracted through myriad attempts to go where these children are, each in their own way, and to find a means of creating a bridge or a passage-way without ever believing that the relationship is established once and for all. As opposed to theoretical (indeed highly empirical) care protocols that are based on ready-made representations and instituted diagnoses, the goal was to implement a sensoriality that substitutes for the scheduled time of normalizing care an enduring attention to the space in which these children’s bodies locate themselves using forms, colours, smells, and rhythms. Deligny defines spatiality as a seventh sense (in addition to the five generally identified senses, to which he adds, for speaking humanity, the sense of history, the great history and the small, “one’s own history”). The space of living areas where language is no longer the dominant form of exchange, where it is dismissed because of the violence that it represents for children who are commanded to respond to what remains alien to them, is thus a space humming with signs, objects, places, and displacements that provides them with as many opportunities to act, in other words to join the dance of common life, to let their roaming drift towards environs in which they eventually enter into passive or active, contemplative or industrious consonances, harmonics, with the dos of the typicalhomo faber that surround and look after them with great attention.

[…] Deligny’s originality lies both in raising the question of “what is to be done?” (“with them” and not “about them”) before the question of knowing what to think of them, and to immediately turn this “doing” into something to be thought: an alternative anthropology, equally distant from psychiatry and psychoanalysis, and that is first and foremost a political anthropology, since the autistic young people appeared to him as requiring rethinking and implementing not a social relationship or a social bond (terms that always suggest a pseudo-obviousness that conceals both the “uneasiness” and conflictuality), but an extended political community that is redefined to include the figure par excellence of exclusion.

However, Deligny once again refused to express this underlying thought on thecommons within conventional self-righteous, programmatic, and vain discourse. He understood that this thought requires a different mediation in order to be effective: it is the production of these images, concept-objects, tracings, and a proliferating translucent iconography, which “do” rather than say or, even better, which write otherwise and other things. In that sense, the maps have more in common with what Bataille, as well as Deleuze, call “dramatizations,” or ways to continuously reveal, in Deleuze’s words, the “drama” that lies “beneath the logos,” in other words to show how underlying a discourse there is always a world of unconscious gestures and acts that constitute its veritable horizon.

[…] Deligny raises a wholly different question in the contemporary debate on autism, a question that “therapies” do not answer and do not even address: what kind of social bond can be established with a speechless being? He expresses an anti-normative position that may cause a scandal and be hotly debated, but he does not do so from a simple, normative position. We now know that the autistic individual “in general” does not exist, that if autism is a biological disease (as increasingly appears to be the case), this does not exclude, on the contrary, the possibility that the autistic person may also be psychotic or (understandably) neurotic, or that the psychoanalytic approach, for example, does not seek to cure autism but to enable psychic reorganization that allows an individual to live with the condition, to tolerate parents and adults who generally do not themselves tolerate the situation in which they are living. Deligny situates himself beyond such problems: his question does not address etiology (he would be more inclined towards genetics than psychogenesis), nor rehabilitation (which he dismisses as a form of violence against a child’s ways of being in the name of norms that are not his or hers), but rather the invention of a shared life, which is far from having no effect on the children’s “realization” or “flourishing.” A vital political issue, and thus a “topic,” rather than a “utopic” matter…

[…]

(Tous droits réservés)

presse

 

Charlotte Nordmann, entretien avec Sandra Alvarez de Toledo et Bertrand Ogilvie, La Revue des livres, mars-avril 2013. Lire

Emmanuel Laugier, Le Matricule des anges, mai 2013. Lire

Michel Plon, La Quinzaine littéraire, mai 2013. Lire

Gwilherm Perthuis, entretien avec Sandra Alvarez de Toledo, Hippocampe, novembre 2013. Lire