Sur la page ouverte d’un atlas, par Emmanuel Fouché
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D’une frontière l’autre, le 15 avril, les troupes d’Assad rompaient une fois de plus la trêve internationale en bombardant des villages du sud d’Idleb, et les drones israéliens violaient l’espace aérien libanais pour frapper un officiel du Hezbollah. We Exist, un réseau de 25 organisations de la société civile syrienne présentes en Europe et dans les pays limitrophes de la Syrie, a produit un long rapport relatant avec précision les effets du virus sur la situation des Syriens, qu’ils vivent dans les zones contrôlées par le régime, dans les camps massés à la frontière turque, ou dans les camps libanais. Ces quelques éléments que nous donnerons s’inscrivent dans la continuité d’un texte paru sur le site GuitiNews le 6 mai 2020, et qui donne un aperçu vertigineux de la situation sanitaire sur place. Si le virus semble relativement bien contenu pour l’instant, son appréhension du point de vue des populations éreintées par neuf années de guerre et livrées au cynisme des mécanismes de protection internationale permet d’entrevoir un nouvel affaissement de la réalité. Il n’y a pas de liberté sur cette terre [16] Dans un pays où « tout porte le nom du président » comme le dit le jeune Amir dans Le fil de nos vies brisées [17], il n’est pas étonnant de voir que les autorités du pays ont cherché à inscrire le virus dans le champ tragico-politique du « bacharland ». C’est la pâle fiction, redondante, amère, des dictatures : celle qui ment sur le nombre de contaminés, manipule les chiffres, emprisonne les voix qui débordent le cours du récit sanitaire légitime, bref, musèle tout ce qui pourrait contrevenir à la qaoumiyé, le récit héroïque de la dynastie Assad, ce bloc de marbre tâché du sang de 500.000 personnes. Évidemment, il serait comique d’attendre quoi que ce soit d’un pays qui a organisé la mise à mort d’une partie de sa population, du point de vue du soin et de la prévention médicale. Après avoir détruit 64 % des hôpitaux, réduit en poussière plus de la moitié des centres de premiers secours, et occasionné le départ de 70 % du personnel médical, ne peuvent rester debout que la propagande et la peur de voir perdre ce qui reste de soutiens dans la population. Une médecine en lambeaux réservée à une élite décadente [18] et meurtrière, dans un pays à l’agonie, voilà à quoi le virus pourrait mesurer son potentiel de transmission. Alors que le temps des moissons arrive, que l’air chargé de poussière augmente les pathologies respiratoires, que la population habituée à prendre des médicaments lourds a vu sa santé durablement éprouvée et fragilisée, l’auto-organisation, comme toujours, a pu suppléer aux carences. Mais toutes les initiatives locales sont visées par le régime, en tant que forme de sédition : à Lattakié, la jeunesse mobilisée pour anticiper la catastrophe a été réprimée par les forces de sécurité. Comme ce rapport nous l’apprend, sachant que 80% du salaire d’un travailleur informel passe dans l’achat de produits de première nécessité, qu’une journée de 12/h ramène un salaire équivalent à 1,10 euros, on se doute bien que la pharmacie n’est pas prioritaire dans l’économie des familles les plus pauvres. Pire encore, et en vertu du principe selon lequel le diable se loge dans le détail, beaucoup de gens malades ont peur de dévoiler leur symptôme de peur d’être réprimés. Un appel à la délation a d’ailleurs été organisé publiquement par le régime : « Si vous connaissez une personne qui montre les symptômes, informez les installations sanitaires les plus proches. Pour les protéger. Pour protéger votre pays. [19] » Cette menace à peine voilée – qui correspond à l’éternel rictus de mort de la Sécurité Intérieure – est collée sur une image qui montre une chambre d’hôpital « tout confort », image pieuse, hallucinatoire, plus glaçante encore que ce défilé ininterrompu de documents vus ces dernières années, ces chambres d’hôpitaux inlassablement laminées par les bombardements. Il s’agit d’une course : diffuser la peur plus vite que ne le virus ne se diffusera lui-même. C’est avec cet État meurtrier que l’OMS collabore, refusant de travailler avec les régions, et légitimant par là le couteau au dépend de la victime. Une occasion manquée dans la construction d’un rapport inédit entre le singulier et le mondial. Cette étude, au détour de quelques témoignages, met à nu le délitement psychique caractéristique de ceux à qui l’on ne peut demander un nouveau sursaut, un nouvel élan protecteur, quand quasiment toutes les limites de la destruction ont été franchies sans que personne ne s’en soit ému : « Les gens sont tellement désespérés et ont enduré de si terribles traumatismes qu’ils ne sont pas sensibles à la crise du virus. Pour eux, c’est juste une autre manière de mourir » Ou encore : « Nous mourrons de toute façon, si ce n’est du coronavirus, cela se fera par le froid, la faim, les bombes. Le virus n’est qu’un moyen de plus de mourir ». Un reportage d’Arte [20] montrant l’action préventive de l’ONG Violet dans les camps, rapportait les propos de l’une de ses membres : « Certains pensent que c’est dieu qui a envoyé le coronavirus pour les soulager de toutes ces souffrances », c’est le retour de ce dieu qui protège les hommes en les protégeant des hommes. Cette asthénie apparente signe la continuité d’une expérience de la destruction, sa circularité transversale. En miroir, ces paroles obsédantes du ministre de la santé Nizar Yaziji, qui résumait la stratégie du gouvernement pour lutter contre le virus : « Je voudrais assurer à tous les Syriens, en pleine crise du virus, que l’armée Arabe Syrienne a nettoyé le sol syrien de tous ses germes », phrase qui signe l’accomplissement d’un processus de nettoyage ethnique érigé en modèle de l’auto-immunité de groupe. Les guerres d’extermination sont marquées par la biologisation du lexique qui n’assimile pas un groupe à une bactérie, mais qui la produit comme telle [21]. Pour dire à quel point l’Assadie a su si bien visser la mort dans les esprits, et faire de son pays un grand vautour aux aguets passant le col des frontières, nous lisons dans ce rapport un fait particulièrement significatif. Il s’agit de la grande peur qui a pu courir chez certains réfugiés syriens au Liban : peur de se voir reconduit de force en Syrie dans le cas d’une contamination par le virus, bien que les tests et les traitements s’appliquent, paraît-il, sans discrimination. On préfère échapper à ces tests qui pourraient conduire à la déportation. Plutôt mourir de ça que mourir là-bas, plutôt mourir que mourir. À Akkar, mu par cette angoisse des plus légitimes, un patient contaminé a préféré quitter sa chambre de soin. Il a été ensuite rattrapé et conduit à l’hôpital de Beyrouth. Ceux qui s’improvisent diplomates, qui professent qu’un retour au pays des Syriens en exil sera envisageable à partir du moment où Assad aura récupéré l’entièreté de son territoire, devraient s’informer de cette peur-là, et de toutes les peurs, et de cette vie qui résiste, depuis le fond, et qui témoigne de cet humain infatigable. De cet humain qui traverse les murs, et qui rêve aussi la frontière.***
« Et encore des jours et des jours interminables sur le bateau immobile. Un mot mystérieusement chuchoté : “quarantaine”, qui devait donner une explication à cette situation d’impasse, à ce statu quo qui assombrissait le visage des adultes. » Ces phrases nous les lisons dans un texte méconnu de la poétesse Kumiko Muraoka, Mémoires d’une somnambule [22], un texte qui bouillonne comme la surface des flots, dont le geste inaugural est l’ouverture d’un atlas sur la ville d’Harbin. Nous sommes ramenés au temps de l’« État des 5 nations ». Le Mandchoukouo, c’est cette médaille de terre gagnée par l’empire du Japon sur la Chine, un pays resté en enfance (1932-1945), qui fut aboli par les soviétiques, un État « fantoche » qui n’était reconnu par personne, ou presque. La poétesse est fille de ce pays perdu. Depuis cette mémoire hantée par l’exil et prenant la forme du rêve, elle s’entremet dans le souvenir d’Harbin avec la célérité de la lumière, épousant la vision qui la sépare d’elle-même. C’est par l’espace qu’elle devait sortir de cette prime enfance, en 1946, alors qu’un bateau ramenait les mandchous-japonais dans l’empire du Soleil Levant, ce pays rouillé pour qui elle n’éprouvait que « rancune », « peur » et « révolte ». À bonne distance des côtes, le navire qui déchire le tissu du temps, est soumis à un confinement en règle. Les passagers sont pris dans un sas de l’histoire, sur une mer vue comme le « palimpseste de l’espace, de la distance, du temps », telle la mémoire... Dotée de cette force-enfant [23] bien figurable dans le film que Chris Marker lui a adressé [24], ce texte déploie l’énergie spécifique d’Harbin, modèle d’une vie cosmopolite, une Babel en papier de riz, comestible, une ville primitive, utopique et violente, une « interminable succession de spectacles », un carnaval sans carême, un « brouhaha » des langues : « Les rues de Harbin avaient deux noms : le nom russe et le nom chinois. Et ce nom chinois, les Japonais le prononçaient à la japonaise. Ils avaient accès à l’écriture chinoise introduite au Japon quinze siècles plus tôt. Ils pouvaient lire et comprendre le sens la plupart du temps, mais ils prononçaient souvent si différemment que cela faisait comme trois noms pour chaque rue. (…) Tchourine, le grand magasin russe se trouvait au croisement de Guishu gaï et de Daitchoku gaï, mais pour les chinois il se trouvait au croisement de Yizhou jie et de Dazhi jie, et pour les Russes, celle de Novotorgovaïa oulitsa et Bolchoï prospekt. » C’est depuis le fond de cette ville enfouie que ressurgit le modèle reconnaissable de la ville moderne, faite d’une langue-mosaïque percluse de mots comme de petits clous rares, fixés ici dans le bois du texte. C’est une langue ouverte au comique de situation, ce comique qui peut-être nous fait un peu plus défaut que les autres, quand on finit par se situer dans les rets d’une seule langue qui accapare toutes les situations, et qui n’aboutit plus – en fin de règne, à bout de souffle – qu’à sa propre coquille. À l’instar de cette maison de poupées japonaise en shoji dans laquelle Kumiko se glisse pour la première fois avec l’appréhension des géants, où la poudre du soleil ne pénètre pas, où elle mesure comme « l’espace a été renversé », le fil des Parques qui déroule ce texte est noué autour d’un vide primitif, d’un rapt, d’un espace « incroyablement précaire, sans axe, sans repère, sans mur », qui n’est pas celui de la communauté perdue telle la maison invivable, mais peut-être le rayonnement fossile de toute communauté, dont la mémoire-somnambule produit les vibrations. « Contre quoi m’appuyer ? contre le vide ? » Question qui montre la chute ou le suspens, mais aussi la motilité de la poétesse élevée dans la culture de l’exil, et dont la part d’idéalisation qui lui est indissociable peut être comprise à l’aide de cette formule antique : « les aveugles ont oublié leur ténèbres et les bossus leur bosse », puisqu’il en va de retrouvailles avec un corps perdu. Nous nous prenons à rêver avec elle depuis cette fosse des langues, et dans le nœud d’une tradition vieille comme Héraclite qui nous montre que l’on peut être unis par la distinction et la pluralité, quand on a rompu l’enchantement de l’un avec le sortilège de l’autre ; cette différence qui ne s’énonce pas dans « le langage universalisant du pouvoir » [25], mais dans le tissu vivant de la cosmopolis ; en pensant aussi, qu’il en allait de l’enfance d’un pays fauchée en plein vol, dans ses premiers balbutiements, condition pour passer du royaume au chant, à la poésie. Écoutons-la encore un peu formuler le matériau de la fuite : « Nous étions perpétuellement environnés des langues des autres, différentes de la nôtre et différentes aussi les unes des autres. Oui, à Harbin, il y avait dans l’air de perpétuels bruissements de plusieurs langues : différents sons, différentes tonalités, différentes mélodies. Nous les entendions, nous les respirions, nous les vivions, nous évoluions à travers ces langues, ces musiques, les musiques du quotidien. Nous comprenions ces langues que nous ne comprenions pas. Nous parlions ces langues que nous ne parlions pas. La langue parsemée de mots pris à toutes les langues, à tous les peuples, à toutes les sources, à toutes les imaginations ; la langue sortie d’une tête que l’on s’était creusée (le derniers recours !), une langue d’ignorance effrontée, pétrie de tous les ingrédients imaginables et possibles, une langue hybride, anarchique, chaotique, langue badigeonnée à outrance de couleurs, d’accents, de mélodies inattendues. Désastreuse ! Mais elle circulait, s’envolait comme des milliers de papillons bariolés, hardis, joyeux, insouciants. Elle désignait, elle indiquait, elle négociait, marchandait, et elle obtenait tout ce dont elle avait besoin. Elle dégotait même l’introuvable. » Peut-être faut-il se garder de confondre le pays perdu avec celui de l’enfance, ou de la communauté, mais pour se donner la possibilité de « dégoter l’introuvable », comme par un voyage autour de soi qui a pu, à un moment, recouper celui d’un voyage dans le monde, encore fallait-il avoir pu trouver refuge quelque part, d’avoir pu déchirer la frontière, en rêvant sur les cartes. Notes [1] https://www.infomigrants.net/fr/post/12951/desespere-un-migrant-somalien-detenu-en-libye-s-immole-par-le-feu [2] Dans Exterminez toutes ces brutes ! un voyage à la source des génocides, Les Arènes, 2007, Sven Lindqvist rappelle que « le mot « Europe » vient d’un mot sémitique qui signifie précisément « obscurité ». [3] https://alarmphone.org/en/2020/04/16/twelve-deaths-and-a-secret-push-back-to-libya/ [4] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/10/06/launch-ebcg-agency/ [5] Cette analogie est devenue un lieu-commun. Régis Debray en fait l’armature conceptuelle de son Éloge des frontières, Gallimard, 2013. [6] Stig Dagerman, Automne allemand, Actes Sud, 1980. [7] https://www.mediapart.fr/journal/international/110520/migrants-au-pays-d-orban-ces-prisons-maternelles-remplies-d-enfants [8] Karine Parrot, Carte Blanche. L’État contre les étrangers, La Fabrique éditions, p.72. [9] https://esprit.presse.fr/article/jean-yves-pranchere-et-justine-lacroix/pour-une-politique-de-l-egaliberte-entretien-39479 [10] Johan Huizinga, Homo Ludens. Essai sur la fonction du jeu, Gallimard, 1951. [11] Mouloud Mammeri, L’opium et le bâton, La Découverte, 1992. [12] Achille Mbembe, Politique de l’inimitié, La Découverte, 2016 [13] Edward W. Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Seuil, 1978. [14] Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes !, op. cit. [15] Roberto Esposito, Communauté, Immunité, biopolitique, Les Prairies ordinaires, p. 95. [16] Orwa Al Mokdad, 300 Miles, 2016, 95 minutes. [17] Cecile Hennion, Le Fil de nos vies brisées, Points, 2020 [18] https://www.liberation.fr/planete/2020/04/25/cadeau-a-27-millions-d-euros-pour-asma-al-assad-scandale-en-syrie-apres-des-accusations-russes_1786315 Peut-on se demander ce qu’un criminel de masse peut bien trouver dans le tableau de David Hockney ? L’idéal d’un monde sans témoin, où les guerres ne sont que des bigger splash à peine plus réelles que ces jets laiteux vaguement électriques ? Ou plus simplement le désir d’intégrer ce que la bourgeoisie inculte produit comme modèle d’appartenance à partir de quelques fétiches, ce qui ne peut-être regardé au-delà de quelques secondes, l’irregardable…En tout cas, le marché est bien ce milieu de vie où peut se déployer ce type de relations barbares. [19] www.sana.sy [20] https://www.arte.tv/fr/videos/097002-000-A/syrie-idleb-la-course-contre-l-epidemie/ [21] On se souvient d’un passage du grand poème Holocaust de Reznikoff où les nazis nommaient « chien » le déporté et « homme » leur chien. [22] Nous pouvons lire ce texte en ligne : https://www.persee.fr/doc/slave_0080-2557_2001_num_73_2_6722 [23] Nous volons cette formule à Pasolini. [24] Le Mystère Koumiko, 1965, 46 minutes. En réalité, c’est elle qui a offert ce film à Marker. [25] Ne crois pas avoir de droits. La librairie des femmes de Milan, La Tempête, 2017.Béliers, par Florian Fouché et Adrien Malcor
Le 31/05/19, par Florian Fouché et Adrien Malcor
À l’occasion d'un chantier de restauration des boiseries de l’église d’Ahun et de l’abbaye de Moutier-d’Ahun (Creuse), La Métive et la DRAC Nouvelle-Aquitaine ont invité Florian Fouché à mener un projet artistique avec les élèves de la classe de CM2 de l’école d’Ahun (trois séquences d’une semaine chacune). L'expérience s'est conclue par l'exposition Béliers, présentée à La Métive du 3 au 14 mai 2019. Florian Fouché s'est entretenu avec Adrien Malcor le soir de l'ouverture, dans l'exposition.
Schwarze Spiegel, par Yves Belorgey et Lana Damergi
Le 04/01/19, par Yves Bélorgey et Lana Damergi
Entretien d’Yves Bélorgey par Lana Damergi*, à l’occasion de son exposition Schwarze Spiegel, qui aura lieu du 26 janvier au 17 mars au Kunstverein d’Heilbronn.
Furia, par Violette Astier
Le 03/12/18, par Violette Astier.
À propos de FÚRIA, mis en scène par Lia Rodrigues, dansé et créé en étroite collaboration par : Leonardo Nunes, Felipe Vian, Clara Cavalcanti, Carolina Repetto, Valentina Fittipaldi, Andrey Silva, Karoll Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier (théâtre national de Chaillot, 30 nov.-7 déc.)
Francisco de Goya, Los Desastres de la Guerra, n°39, Grande hazaña! con muertos!, 1810-1815. Gouache, gravure, pointe sèche sur papier, 15,6 x 20,8 cm, Museo del Prado.
« Ce qui s’est produit hier soir au théâtre Chaillot n’était pas un spectacle de danse mais la mise en corps du cortège de l’immondice, le grand retour des reines noires assassinées, poudrées et parées pour la vengeance.
Le sol est vivant. Dans le sillage d’un porteur de drapeau (GREVE), un gros tas d’ordures amoncelées dans un coin de l’espace, s’anime, et amorce une lente ascension cassée. Des groupes et des êtres se distinguent, ils se remettent d’une violente cuite. Une rumeur croissante, approche la troupe invisible des chevaux décapités et contremaîtres stériles, bruits sourds de sabots claquant au sol et claquements de langue, cadence du travail esclave. OCO CAVALO LOCO. On les entend parcourir les vastes terres volées. Le son de la cavalcade ne cessera plus de rythmer la longue succession des apparitions nocturnes. Un clochard, les yeux rivés au sol, traîne à ses pieds un gros nuage échoué. Somptueuse, une petite tour de manège rouge le précède. C’est là qu’il commence à prendre forme le vilain cortège. La gaité féroce illumine de l’intérieur ces figures naissantes. Sur le visage d’une petite diablesse se fige l’affreux rictus moqueur : yeux écarquillés sans pupilles, touffe de cheveux noirs rugueux, de nature BOMBRIL pour vous ripper la face. Les globes oculaires sont des dents et le féminin de GOYA est GOIABA. Il est venu ici pour partager sa haine le vieux maître sourd (avec les couleurs de sa jeunesse). Il n’y a ni danse ni danseurs, Béatrice est une multitude noire. Les visions se succèdent : sexes béants, viols, supplices. Méthodiques, jouissives et répétées mises à mort : QUI A TUÉ MARIELLE FRANCO ? disent chacun de ces gestes. ALE C. TO TI SIPH ONÉ MÉG È RE, roulent leurs yeux diaboliques, fières furies à dos de mulets, tour à tour dominatrices et suppliciées. Cirque magnifique et violent d’enfants furieux. Chairs rousses, culs cambrés, têtes chevalines, danse de tables de cuisine et cuisses peintes pour Ku Klux Kan Kan. Antéros aux seins bleus. Les dents de dragons sont des pétards qui explosent joyeusement sur le sol stérile. Passe Sa Majesté, femme de manège à la couronne-balai, sur son valet de chambre, porteur indigne ; puis un petit général qui empoigne sa jument par les cheveux. Un homme pris dans un filet s’agite désespérément, le piège est l’aura de son âme prisonnière. Les cercles de l’enfer, les bracelets à la cheville du prostitué en transe. La Ménine torse nue, dans une robe d’apparat noire en sac poubelle, tourne et tourne, hautaine, autour des corps malades d’inquiétude, pris de folie, ne pouvant plus s’arrêter de vibrer, de trembler : QUI A TUÉ MARIELLE FRANCO ? Plus vous nous écraserez et plus nos corps renaîtront forts beaux luisants. Nous sommes tenaces et immortels comme la race des cafards et des comètes. Tout s’incorpore, tout se digère et même la haine abjecte de l’ennemi. Nous nous transformerons pour l’accueillir. Nous nous referons encore et encore et avec nous la terre. La ménine fait sa ronde autour du vide, on n’entend plus que le frottement de la robe royale contre le sol. Silence maintenant pour un suicidé. Il est sa propre potence, Francisco de Golado. Le noir sans visage invente une langue entre deux morts, la crache, langue rapiécée de trous badours, vulgaire et majestueuse. »
Henrik Olesen, par Adrien Malcor
Le 02/08/18, par Adrien Malcor.
« Mettez un tigre dans votre corps-machine. » Deux ou trois réflexions sur l’exposition parisienne d’Henrik Olesen (6 or 7 new works, galerie Chantal Crousel)
Ce jour de mai j’entre galerie Chantal Crousel accompagné de trois amis artistes : il s’est avéré bon de pouvoir discuter dans l’exposition, la première d’Henrik Olesen à Paris. Il apparaît vite en effet que nous sommes entrés dans une exposition, et non dans une installation ou un quelconque display marchand comme un peu partout ailleurs ce jour-là dans le Marais.
Je la décris vite, en donnant les titres. On voit réparties dans la plus grande salle six tables de bureau sur lesquelles sont disposées et collées de petites boîtes d’emballage peintes à la main (Hand-painted surfaces) : beaucoup de boîtes de médicaments, plus ou moins connus (je ne sais pas ce qu’un pharmacien pourrait repérer, et je n’ai pas cherché les psychotropes), mais aussi des packs de lait, entre autres emballages alimentaires, et quelques boîtes d’objets (j’ai vu des stylos Pilot). Toutes sont peintes par facettes, plus ou moins complètement, d’une à trois couleurs souvent vives et acides, sans logique apparente. Sur trois des murs sont fixés avec des équerres une dizaine de parallélépipèdes de verre de formes variées, sortes d’aquariums assez sales et rayés, disposés en longueur, parfois par paires (As yet untitled). Au fond à droite, Breakfast packaging, quatre boîtes aplaties de céréales Frosties de Kellog’s (Frosties, c’est le tigre). Au coin à gauche un bâton scindé – une des signatures d’Olesen – intitulé Anthropocene monument.
De l’autre côté (à droite en entrant), une plus petite salle contient deux boîtes en verre peintes en noir, opaques : les Depression. Dans le couloir adjacent, deux grandes toiles peintes d’un mystérieux bleu turquoise clair et recouvertes d’impressions contrecollées viennent introduire la batterie théorico-littéraire de l’artiste (Wallpaper, big et Wallpaper, small). Des feuilles d’arbre scannées, juxtaposées comme sur des planches d’herbier, relient portraits photographiques et couvertures de livres et de magazines. Il y a une délicate mise en abyme (les images-feuilles de papier « cueillies » et étalées comme des feuilles d’arbres), une analogie entre portraits et couvertures (en surimpression souvent, avec jeux de matières et de couleurs) et surtout une volupté et une légèreté toutes picturales. La plupart des références sont à vrai dire assez attendues : icônes gay (Brad Davis), figures du panthéon homo-intellectuel (ou leurs livres), classiques de la science-fiction (les prix Hugo d’Ursula Le Guin, auteure en odeur de sainteté aujourd’hui ; Dhalgren du sulfureux mais célèbre Samuel R. Delany)... C'est là le point faible de l’artiste, à moins qu’il ne se propose aussi d’enregistrer des modes intellectuelles, ou que nous n’ayons pas trouvé la clé du montage. Enfin, il y a quelques exceptions : les portraits des poètes René Crevel (dont Olesen a adapté Monsieur Couteau et mademoiselle Fourchette) et Roger Gilbert-Lecomte, peu lus aujourd’hui...
L’expo reste assez sèche et il faut vite partir à la recherche d’indices. L’artiste en a disséminé ou laissé déposer dans les boîtes de verre : ici le mot « ARM » (« bras », en anglais comme en danois) écrit sur un bout de sparadrap, là un ticket de caisse froissé... Ces traces, comme le geste de peinture ou l’état du verre, disent la présence-absence d’un corps vivant, quotidien. Olesen travaille un de ses grands sujets : la recomposition d’un corps décomposé, qu’il pense souvent comme celle d’un volume éclaté en plans (Hand-painted surfaces – surfaces et non volumes). La poétique du corps-boîte (Antonin Artaud) est ici aplatie dans le quotidien du corps industrialisé contemporain (biochimique). Un jeu d’oppositions simples (opacité/transparence, vide/plein, surface/volume, contenant/contenu, substance/idée...) déploie l’espace mental ad hoc, où se répercutent les questions.
Les deux « papiers peints » n’expliquent a priori pas grand-chose, mais ils répètent la partition et l’orientation de l’espace. C’est une exposition en longueur, et un sens finit par s’en dégager, ou plutôt un axe interprétatif : avec à un bout les boîtes noires et à l’autre les boîtes de Frosties, elle se polarise, disons, entre dépression hermétique et santé standardisée. Mais cet axe paraît moins critique qu’existentiel, et ne court-circuite pas les lignes de fuite associatives. Anthropocene monument introduit le temps géologique, la perspective globale et la verticale (l’humain, anthropos). Peinte aux couleurs du tigre, cette antistatue nous rappelle peut-être que l’individu industriel (domestiqué) est désormais, au même titre que les ex-superprédateurs qu’il a exterminés et qui le fascinent, une espèce menacée.
On a vu la tête de Foucault sur le grand Wallpaper et on peut bien sûr penser à Mike Kelley, qui avant Olesen avait lié biopouvoir et constructivisme (ou élémentarisme). Mais il n’y a pas parodie, ni même fiction, et l’exposition n’est pas un décor. D’où une densité énigmatique spéciale, que la relative simplicité du système associatif vient étoffer, et non dissiper. De plus, quand Kelley s’explique et cite abondamment, Olesen ne nous donne pas, comme on dit, tous les éléments. Un galeriste disponible, intéressé et intéressant – tout est encore possible – nous apprend par exemple que l’artiste s’est renseigné sur ce qui fut la croisade anti-masturbation de John Harvey Kellogg, médecin américain fondateur de la firme Kellog’s : le rituel du petit déjeuner en famille devait enrayer l’onanisme infantile. Le regardeur peut l’ignorer, et se contenter de noter qu’il y a justesse à singulariser ainsi ces boîtes de céréales : ne sont-elles pas, de toutes les boîtes d’emballage industrielles, celles que nous avons le plus regardées ?
Nous apprenons d’ailleurs – autre info du galeriste – qu’Olesen a travaillé dans la salle à dissocier ses boîtes peintes de l’idée de geste enfantin, qui aurait indûment « réchauffé » l’exposition. Il y est très bien arrivé, et on vérifie son tact. Là encore, sur l’enfance, la différence avec Kelley est intéressante : Olesen n’historicise pas et ne psychologise pas (il ne joue pas comme Kelley du lien abstraction/refoulement). La logique citationnelle des Wallpapers s’interrompt dans les objets ; tout au plus la galerie de portraits renforce-t-elle le je-ne-sais-quoi de lyrisme toxique qui imprègne l’exposition. Si les boîtes de verre évoquent immédiatement Paul Thek, les problèmes du (post)minimalisme ne viennent pas à la suite. Le regardeur est contraint à penser formellement, mais l’expo n’a rien de formaliste ni d’antiformaliste. Jean-François Chevrier a bien vu que la veine « antiplastique » d’Olesen passait par une logique « infraconstructive » : comme si le bricolage de l’identité n’avait même plus ses briques de base. La couleur est un marqueur vague : « couleur mentale », charte privée, signalétique d’états d’âme...
Un pas est franchi, peut-être. Sans soutien des utopies ou des primitivismes, les grandes pensées constructives du XXe siècle se décantent. Un artiste en retient le strict nécessaire, qui hante (c’est-à-dire anime) son conceptualisme à l’os, fait main, pour aujourd’hui. Le rapport à l’histoire est intense mais non didactique. Il y a là une percée stimulante – et rassurante – pour les amateurs d’art moderne que nous sommes. Je sortais moi-même d’une décevante plongée dans la littérature française contemporaine et je respirais : nous avons décidément besoin de l’art, des objets, de ces espaces raréfiés dont il faut encore se demander à quelles régions de l’esprit ils s'abouchent.
On peut se dire pour l’instant qu’Olesen a atteint une sorte d’onde quantique qui le porte simultanément : 1) aux frontières de l’humain, voire du vivant (Turing comme homme-machine du futur) ; 2) à la pointe du processus de civilisation occidental, pointe sur laquelle l’individu surautonomisé s’effile ; 3) sur le front militant de la subculture gay. Posthumain, individu atomique-atomisé ou gay revendicatif : le regardeur ne peut régler la focale, qui est ici affaire d’échelles et non de rôles. L’artiste a tout à la fois dédramatisé, universalisé et « communautarisé » le projet d’Artaud, la reconstruction du corps-boîte. Le rectum est-il une tombe ? se demandait un autre lecteur d’Artaud, Leo Bersani. Tous des corps sans organes ? Tous des Artaud sans mythe – si ce n’est celui, apocalyptique, de notre autonomie individuelle, de notre puissance d’autocréation.
Je relis le texte d’Ariane Müller proposé aux visiteurs. L’auteure y passe du mot allemand ticht aux nombres transcendants : elle est peut-être partie de l’indétermination numérique – 6 or 7 – du titre de l’expo. L’approche est absurdement oblique, d’autant que le regardeur, s’il a un peu de mémoire visuelle, peut faire ici une hypothèse autrement solide et féconde. Nous mettrons nous-mêmes quelques mois à rapporter les Hand-painted surfaces au dernier plan de Deux ou trois choses que je sais d’elle (Godard, 1967), où l’on voit des boîtes d’emballage (produits ménagers et paquets de cigarettes surtout) disposées sur une pelouse en une sorte de maquette de ville nouvelle. Il ne serait pas si surprenant qu’Olesen, en France, ait voulu passer d’Apollinaire et Schwitters à Godard, il le serait un peu plus de voir l’artiste intégrer et chiffrer ainsi le motif urbain (et le cinéma, ou la prostitution). Toujours est-il que nous pouvons, à notre tour, ajouter une couche : entre le corps-machine et le corps-monde, il y a le corps-ville. Ce vertige des échelles définit l’Anthropocène, c’est aussi – déjà – le sujet de Deux ou trois choses..., d’où la maquette. La voix off qui accompagne cette ultime image vient confirmer l’enjeu, en nous rappelant au passage que les firmes du tigre sont toutes plus dangereuses les unes que les autres : « J’écoute la publicité sur mon transistor. Grâce à E... S... S... O, je pars tranquille sur la route du rêve et j’oublie le reste, j’oublie Hiroshima, j’oublie Auschwitz, j’oublie Budapest, j’oublie le Vietnam, j’oublie le Smig, j’oublie la crise du logement, j’oublie la famine aux Indes. J'ai tout oublié, sauf que, puisqu’on me ramène à zéro, c'est de là qu'il faudra repartir. »
Adrien Malcor (RADO)
Photographies de l'exposition : Maxence Rifflet (RADO)
Ci-dessous : Hand-painted surfaces ; photogramme du dernier plan du film de Godard, Deux ou trois choses que je sais d'elle (1967) ; et photo de tournage.
Flamenco, par Sandra Alvarez de Toledo et Urbain Gonzalez
Le 28/08/15, par Urbain Gonzalez et Sandra Alvarez de Toledo.
Extrait d'un film de Lennart Olson, Flamenco, encuentros con los gitanos españoles, 1962 (Biblioteca Nacional de Suecia).
Action (praxis), par Urbain Gonzalez
Le 10/10/14, par Urbain Gonzalez.
Action (praxis) de Dimitris Kordalis, Athènes, mars 2014. Photographies: Urbain Gonzalez. Pour désigner ce type d’événement, Dimitris Kordalis emploie le mot grec praxis, qui a autant le sens d’« action » que de « pratique » ; ici, l'action politique (geste produisant du discours) est liée à la pratique d’un territoire (rapport intime d’un corps à un lieu).
À qui veut, par Sandra Alvarez de Toledo
Le 01/07/14, par Sandra Alvarez de Toledo.
Comme à toute formule qui vient à l’esprit sans qu’on y pense, on y repense.
« À qui veut ! » résonne à mes oreilles comme « une bouteille à la mer ».
Et de bouteille à la mer il en est question dans le texte d’Ossip Mandelstam,
« De l’interlocuteur », que m’a fait connaître Claude Mouchard.
« De l’interlocuteur » commence ainsi :
« Dites – qu’est-ce qui chez le fou produit sur nous la plus forte impression de folie ? Les pupilles agrandies, sans expression, qui ne fixent sur rien et demeurent vides ? Les discours insensés parce que lors même qu’il s’adresse à vous l’insensé ne tient pas compte de vous et de votre existence, comme s’il ne voulait rien en savoir, et ne s’intéresse nullement à vous ? Nous avons surtout peur de cette horrible et totale indifférence qu’un aliéné nous témoigne. Rien de plus terrible pour un homme qu’un autre homme qui ne se soucie absolument pas de lui. »
Fernand Deligny, à propos de Janmari, l’enfant autiste qui déterre les sources et vibre aux éclats de l’eau – demande :
« lui/ne s’y mettait pas dans l’eau/ il regardait/ et nous y avons pensé/ puisque d’autre/ il n’y en avait pas/pour lui/ comment faire/ pour nous faire eau/ à ses yeux » ?
Question de regard, question d’adresse, d’interlocuteur.
Revenons à la bouteille à la mer.
Mandelstam :
« Tout homme a des amis. Pourquoi le poète ne s’adresserait-il pas à des amis, à des gens qui lui seraient proches d’une façon naturelle ? A la minute critique, le navigateur jette dans l’océan une bouteille cachetée qui enferme son nom et les relations de son sort. Des années plus tard, errant par les dunes je la trouve dans le sable, lis la lettre, apprends la date de l’événement, la dernière volonté du disparu. J’en avais le droit. Je n’ai pas décacheté une lettre adressée à un autre. La lettre cachetée dans la bouteille est adressée à qui la trouve. Je l’ai trouvée. C’est donc moi qui suis son mystérieux destinataire. » (De la poésie, traduit par Christian Mouze, éditions La Barque, 2013).
(La limite entre destinataire et interlocuteur se brouille).
« À qui veut ! » serait cette bouteille à la mer. Libre à celui qui la trouve d’en faire ce qu’il veut, d’y répondre ou pas. À qui voudra lire, donc, mais aussi à qui voudra écrire, donner des images, des citations, des montages, quoi que ce soit que L’Arachnéen se donne le privilège de retenir, ou pas, dans sa toile (le site n’est pas interactif). Ceux qui veulent donner quelque chose écriront à : editions.arachneen@free.fr
Pour commencer, donc : une bouteille à la mer. Un très petit tombeau pour un immense artiste, Mike Kelley, qui s’est donné la mort le 31 janvier 2012. Deux photographies prises dans son atelier durant l’été 1991, à Los Angeles.
Lui : réservé, réticent. Dans l’atelier : tous ses plus beaux dessins noirs de l’époque et le début des stuffed animals. L’Arachnéen se fait l’honneur d’ouvrir son « À qui veut ! »par ces images, d’associer son nom à cette œuvre comme à un diapason.
(15 déc 2012- 1 avril 2013) qui s’est ouverte sans lui, et dont celle du Musée national d’art moderne (2 mai-5 août 2013) était un très modeste avatar. Le catalogue du Stedelijk s’achève avec cet entretien, conduit par Eva Meyer-Hermann et enregistré le 7 novembre 2011 dans son atelier de Los Angeles, et revu aux deux tiers par Mike Kelley.
Autre note, autre hommage, autre disparu rayonnant. À l’occasion de la visite de l’exposition Formas Biograficas (organisée par Jean-François Chevrier et Élia Pijollet au Museo Reina Sofia à Madrid), revu il y a quelques mois au Prado les peintures de la Quinta del sordo de Goya. Debout parmi les touristes, à côté de soi, on croit voir Sigmar Polke regardant les peintures noires ; apparaissent alors, à côté d’Asmodée (Vision fantastique ou Asmodée), tel triptyque (Ohne Titel, 1982), dont les figures penchées di sotto in su sont les fantômes de celles des fresques de Goya de la coupole de l’église de San Antonio de Florida…
De retour de San Antonio, nous avions rejoint la foule de la « Manifestation pour la dignité » marchant en provenance de toute l’Espagne vers la place Atocha. Côté Nouvel, trois gardes interdisaient l’entrée du Museo Reina Sofia. Côté Calle de Santa Isabel, la place était envahie. Penchés aux fenêtres des étages supérieurs, les visiteurs-spectateurs du Musée assistaient à l’abri aux mouvements de foule, recevant (peut-être) les échos affaiblis des percussions de ceux qui avaient marché et demandaient un logement, du travail, et du pain.
Salut à vous, Anka et Isabela, Marc et Chantal, Adrien, compagnons de ces jours !
À vous et « à qui veut ! »
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