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Akerman-Descriptif-Presse

En librairie le 5 avril

69€ les 3 volumes
prix de lancement : 59€

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3 volumes réunis dans un coffret
1584 pages, 250 images
format : 23 x 17 cm
couverture souples

vol. 1 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1968-1991, 640 pages, 180 images
vol. 2 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1991-2015, 752 pages, 70 images
vol. 3 : édition établie par Cyril Béghin : présentation,
notices, chronologie, films, installations, livres,
textes et entretiens, 192 pages

ISBN : 978-2-37367-022-6

Publié en partenariat avec la Fondation Chantal Akerman / Cinematek,
et avec le soutien du Centre national du livre, du Centre national du cinéma
et de l’image animée, de la Région Ile-de-France et de Radio France.

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

édition établie par Cyril Béghin

 

– Cyril Béghin est l’invité de Mathilde Wagman dans Le Book Club, l’émission de Marie Richeux sur France Culture, 18 avril 2024
Ecouter l’émission

– Tiphaine Samoyault, “Née trouée”, Le Monde des livres, 18 avril 2024.
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– Fabienne Bradfer, “Tout Chantal Akerman en 1600 pages”, Le Soir, 10 avril 2024.
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– Marianne Dautrey, “Chantal Akerman, un exil dans l’Histoire”, Les Cahiers du cinéma, avril 2024.
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Akerman – in english

available the 5th of april

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3 volumes enclosed in a box
1584 pages, 250 images
format: 23 x 17 cm
soft covers

above :
vol. 1: Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée, 1968-1991, 640 pages, 180 images
vol. 2: Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée, 1991-2015, 752 pages, 70 images
vol. 3: edition established by Cyril Béghin: presentation, notes, chronology,
films, installations, books, texts, and interviews, 192 pages

ISBN: 978-2-37367-022-6

Published in partnership with the Chantal Akerman Foundation / Cinematek,
and with the support of the National Center for the Book,
the National Center for Cinema and Animated Image,
the Ile-de-France Region, and Radio France.

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

edited by Cyril Béghin

 

Between her first short film, “Saute ma ville” (1968), and “No Home Movie” (2015), Chantal Akerman (1950-2015) directed over forty films. The impact of “Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles,” a 3-hour and 20-minute masterpiece she filmed at the age of 25 with Delphine Seyrig, ensured her immediate fame. The role that women play in her work led to her being identified as a feminist filmmaker, a description she welcomed but with reservation, like any form of labeling. From the 1990s onwards, Chantal Akerman was also the first filmmaker to explore contemporary art spaces: her installations have regularly been exhibited in galleries and museums in Europe, the United States, Israel, Latin America, and Japan.
Her cinematic work is complemented by a significant body of written work, nearly 1600 pages which we are publishing almost entirely. The editing has been entrusted to Cyril Béghin. This collection is presented in the form of three volumes housed in a box set: two chronological volumes (1968-1991 and 1991-2015), dedicated to Akerman’s texts, and a third that gathers the critical edition. This choice allows the filmmaker’s writing to develop with its own articulations and rhythm, without external intervention. The two Akerman volumes include not only screenplays, synopses, intentions notes, texts for the voiceovers of her films, but also mostly unpublished interviews and working documents. They include four books published during Akerman’s lifetime: a play, “Hall de nuit” (1992), two narratives, “Une famille à Bruxelles” (1998) and “Ma mère rit” (2013), and an autobiography, “Le frigidaire est vide. On peut le remplir” (in “Autoportrait en cinéaste,” 2004).
Through their rhythm, their punctuation, the freedom of syntax she uses and the “rehashing” that she herself claims as being both a quirk and a constructive principle, her texts bear the mark of her voice: the work is both written and spoken (she gave numerous readings of her narratives). The first two volumes are accompanied by a largely unpublished iconography. The third gathers Cyril Béghin’s presentation, a chronology, as well as his notes on Akerman’s texts, the exhaustive list of the filmmaker’s films and installations, and a selection of her published books, texts, and interviews.

—-
Cyril Béghin writes on cinema for journals, catalogs, and collective works. He was an editor at Cahiers du cinéma from 2004 to 2020 and a member of its editorial board from 2009 to 2020. He directed the edition of Dialogues by Marguerite Duras and Jean-Luc Godard (Post-éditions, 2014) and Notes from the Fortress by Robert Kramer (Post-éditions, 2019). From 2003 to 2013, he co-directed monographic works published by Magic Cinéma (Bobigny), including one dedicated to Chantal Akerman, about whom he has published numerous texts and interviews in journals and catalogs.

 
 
 
 
 

“Sécurité sociale prélude”, exposition de Florian Fouché, du 10/03 au 1/04/24

SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE,
une exposition de Florian Fouché

10 mars – 1er avril 2024
Vernissage le dimanche 10 mars 2024 de 15 h à 21 h
Ouverture de 14 h à 19 h, et sur rendez-vous (0678131075)
OUVERTURE DURANT TOUT LE WEEK-END DE PÂQUES
Entrée libre directement depuis la rue
Rampe d’accès PMR

SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE

0. Passage de l’Â.M.E.

SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE est une exposition d’atelier.
SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE est une exposition d’urgence.
Dans le cadre d’une enquête perceptive, presque documentaire, sur la VIE ASSISTÉE (1), l’exposition aborde des phénomènes actuels et inactuels :

– le problème (français) de l’Â.M.E. (2)
– les fermetures simultanées d’un EHPAD et d’un MNAM en 2025 à Paris (3)
– la prise en charge de sculptures assistées, hors institution

(1) Nous sommes tous·tes à la fois des assisté·es et des assistant·es.
L’exposition se veut aussi un hommage à l’artiste Pope.L (28 juin 1955 – 23 décembre 2023) et à sa formule : A NOTION IS AN OCEAN.

(2) L’aide médicale d’État (AME) est un dispositif permettant aux personnes étrangères en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. La pérennité de ce dispositif est discutée dans le cadre de la loi d’immigration. Dans ce contexte, « l’Académie nationale de médecine (ANM) tient à réaffirmer les recommandations qu’elle avait émises en 2017 en faveur d’une facilitation des procédures d’accès aux soins pour les personnes en situation de précarité » (communiqué de l’Académie nationale de médecine du 28 novembre 2023). Dans l’exposition, cette actualité donne lieu à un passage clouté / poème concret : Passage de l’Â.M.E.

(3) EHPAD : Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
MNAM : Musée national d’Art moderne (situé à Paris dans le Centre Georges-Pompidou).

www.florianfouche.com

Grâce à l’assistance particulière de
Sandra Alvarez de Toledo (atelier, Saint-Luc, esprit)
Yannik Denizart (bricolage, esprit)
Martin Molina Gola (camérer, esprit)
Béryl Coulombié (conversation, esprit)
Adrien Malcor (conversation, esprit)
Philippe Fouché (acteur, père, esprit)
Jérôme Sother (résidence Gwinzegal, esprit)
Anaïs Masson (conversation, esprit)
Emmanuel Fouché (frère, esprit)
Jean-Robert Mazaud (stockage, esprit)
L’asile d’en bas (esprit)

La liste des acteurs et actrices assistant·es assisté·es sera communiquée sur place.

Florian Fouché, février 2024

Quelques textes récents :
– présentation de Florian Fouché par Adrien Malcor commandée par la galerie Parliament à l’occasion du solo show Hemiplegic Space/Cross-Eyed Camera à Liste Art Fair Basel 2023 (en français et en anglais) telecharger-le-pdf
– introduction au Manifeste assisté par Florian Fouché sur le site du CRAC Occitanie : https://crac.laregion.fr/Manifeste-assiste
– entretien avec Adrien Malcor : https://www.florianfouche.com

Actu 157 – Akerman

à partir de mars 2024


Plusieurs événements liés à Chantal Akerman, dont la sortie d’Œuvre écrite et parlée édité par Cyril Béghin, une exposition à Bozar (Bruxelles) puis au Jeu de Paume (Paris), des rétrospectives, des rencontres etc.

Plus-d'informations-ici

Actu 156 – Virreina

18 nov. 23 – 14 avr. 24


Exposition “Fernand Deligny. Elogi de l’asil”, à la Virreina – Centre de la Imatge (Barcelone), conçue par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson et Martín Molina Gola.

Plus-d'informations-ici

Akerman-Descriptif-events

En librairie le 5 avril

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vol. 1 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1968-1991, 640 pages, 180 images
vol. 2 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1991-2015, 752 pages, 70 images
vol. 3 : édition établie par Cyril Béghin : présentation,
notices, chronologie, films, installations, livres,
textes et entretiens, 192 pages

ISBN : 978-2-37367-022-6

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

édition établie par Cyril Béghin

 

– jusqu’au 21 juillet 2024 à BOZAR (Bruxelles) : Chantal Akerman : Travelling, une exposition rétrospective conçue par Laurence Rassel, Céline Brouwez et Alberta Sessa. Avec en ouverture, le 14 mars à 20h, “D’Est de Chantal Akerman en musique”, un concert de Sonia Wieder-Atherton et Sarah Rothenberg.
https://www.bozar.be/fr/calendrier/chantal-akerman-travelling

– jusqu’au 21 juillet 2024 à la Cinémathèque royale de Belgique (CINEMATEK) (Bruxelles) : rétrospective intégrale des films de Chantal Akerman, accompagnée d’une carte blanche et d’une série de conférences et de rencontres (programme à venir).
https://cinematek.be/fr

– le jeudi 18 avril 2024 de 15h à 16h, Cyril Béghin est l’invité de l’émission de Marie Richeux, Le Book club, sur France Culture.

– le mercredi 24 avril 2024 à 19h30, L’Arachnéen et Cyril Béghin présentent Œuvre écrite et parlée à la librairie L’Atelier (2 bis rue du Jourdain, Paris 20e). Entrée libre.

– le jeudi 25 avril 2024 à 19h, le Centre national du livre (CNL) organise une rencontre autour d’Œuvre écrite et parlée avec Tiphaine Samoyault, Claire Atherton et Cyril Béghin (modération : Laurent Delmas) (53 rue de Verneuil, Paris 7e). Entrée libre. Réservation obligatoire auprès du CNL.

– le vendredi 31 mai 2024, Laurent Evrard et la librairie Le Livre, à Tours, invitent Cyril Béghin à présenter Œuvre écrite et parlée

– le mercredi 5 juin 2024 de 18h à 20h, présentation du livre à l’INHA dans le cadre du séminaire IDEC (Institut d’étude critique), co-organisé par Hervé Joubert-Laurencin, Antoine de Baecque, Cécile Sorin et Marc Cerisuelo, et consacré aux écrits de cinéma, sur le cinéma, ou suscités par le cinéma, en présence de Cyril Béghin, Sandra Alvarez de Toledo et Anaïs Masson.

– le vendredi 7 juin 2024 à 18h, la librairie Ombres blanches, à Toulouse, organise une rencontre avec Cyril Béghin, suivie, à 21h, de la projection de Toute une nuit (à confirmer) à la Cinémathèque de Toulouse.

– du 28 juin au 7 juillet, le festival La Rochelle cinéma (52e édition) programme une douzaine de films de Chantal Akerman. Une rencontre avec Cyril Béghin, Claire Atherton, Aurore Clément et Stanislas Merhar, animée par Charlotte Garson, aura lieu le 5 juillet.

– du 27 septembre 2024 au 19 janvier 2025 au Jeu de Paume (Paris) : version adaptée et réduite de l’exposition Chantal Akerman : Travelling , conçue par Laurence Rassel et Marta Ponsa

– à partir du 25 septembre 2024 : une rétrospective des films d’Akerman est organisée par les éditions Capricci. Premier cycle (années 1970/1980) à partir du 25 septembre ; second cycle (années 1990/2000) à partir du 23 octobre.

– le 23 octobre 2024 : parution de l’intégrale Akerman (coffret de blue ray) aux éditions Capricci.

 
 
 

Akerman-Descriptif-vol3

En librairie le 5 avril

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vol. 3 : édition établie par Cyril Béghin : présentation,
notices, chronologie, films, installations, livres,
textes et entretiens, 192 pages
ISBN : 978-2-37367-022-6

Publié en partenariat avec la Fondation Chantal Akerman / Cinematek,
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et de l’image animée, de la Région Ile-de-France et de Radio France.

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

édition établie par Cyril Béghin

 

Cyril Béghin écrit sur le cinéma pour des revues, catalogues et ouvrages collectifs. Il a été rédacteur aux Cahiers du cinéma de 2004 à 2020 et membre de son comité de rédaction de 2009 à 2020. Il a dirigé l’édition des Dialogues de Marguerite Duras et Jean-Luc Godard (Post-éditions, 2014) et de Notes de la forteresse de Robert Kramer (Post-éditions, 2019). Il a codirigé de 2003 à 2013 les ouvrages monographiques édités par le Magic Cinéma (Bobigny), et notamment celui consacré à Chantal Akerman, à propos de laquelle il a publié de nombreux textes et entretiens dans des revues et des catalogues.
Passages de la parole (extrait de la présentation)

Pourquoi faire un livre, quand on écrit ? En 1974, dans Je tu il elle, son premier long métrage, Chantal Akerman joue elle-même une jeune femme qui, d’abord enfermée seule dans une maison, y passe de longues journées à écrire des lettres sur des feuilles dispersées. L’un des plans séquences du film la montre aligner ces pages en plusieurs rangées par terre et en punaiser quelques-unes sur le parquet avant de s’allonger sur un matelas derrière elle. Voilà composé un livre minimal et expérimental, où l’écrit inégalement fixé forme un sol à partir duquel il est possible de partir, comme la jeune femme va le faire bientôt. « […] j’ai punaisé consciencieusement chaque page sur le sol, j’ai eu un tapis où mes pieds aimaient se frotter. » Il faut donc que la lettre soit figée pour qu’un départ soit possible. « Et je suis partie » sont les premières paroles dites off dans le film, et les premiers mots du texte qui lui a servi de scénario.

Pourquoi faire un livre, quand on écrit ? Chez Chantal Akerman, il semble que ce qui est écrit peut aussi bien se dire, s’envoyer, se perdre, devenir un film, se projeter, se jouer, et tant d’autres possibilités encore. Mais le livre n’entrerait dans cette grande variation qu’à une sorte de condition tacite et contradictoire, qui le rapprocherait du cinéma. Au détour d’un bref paragraphe du dernier récit publié par Akerman, Ma mère rit, la narratrice raconte comment, après avoir lu des livres, elle les pose « à l’arrêt de bus pour que quelqu’un d’autre les lise. […] Et les livres disparaissaient », de même que le regard ne retient pas un film, dans le moment même où il le partage avec d’autres regards. C’est toujours autre chose que l’on retient. « Je me suis dit un jour que je devrais me poster en face de l’arrêt de bus pour voir qui prenait les livres, qui s’intéressait à ces livres mais je ne l’ai jamais fait. »
Pas de possession ni de bibliothèque, aucune résidence stable du texte. La disparition à l’arrêt de bus esquisse l’imagination d’une circulation ouverte et anonyme, d’une échappée sans retour. Il y a là sans doute une morale générale : les œuvres ne se capitalisent pas. Pourtant le livre aurait un privilège. Est-ce qu’en s’y fixant l’écrit ne se libère pas, est-ce qu’il n’entrerait pas ainsi dans une forme de nomadisme symbolique, aussi triviales et fragiles en soient les apparences ? En un raccourci fulgurant, l’anecdote de Ma mère rit rappelle des intuitions plus complexes qu’Akerman exprime pour la première fois en 1998 dans un projet de documentaire sur le Moyen-Orient : « la terre qu’on traverse et qu’on ne prend pas fait penser au livre ». Elle le répète dans un entretien de 2011 : « le livre peut être une terre sans sang ». Ces formules, qui empruntent à Edmond Jabès et à Maurice Blanchot, renvoient à l’histoire et à la culture du « peuple du Livre » dont Akerman, de famille juive polonaise, était issue : « j’ai plus d’admiration quand même pour les écrivains [que pour les cinéastes], mais bon c’est sans doute lié à la fois à des choses d’enfance, et à la fois, bien que je ne sois pas religieuse, quelque chose qui est lié à ça, puisqu’il y a le premier Livre, enfin, il y a la Bible ». L’idée est aussi élémentaire qu’hermétique : les livres n’appartiennent à personne. Ou bien, dans les termes de l’exégèse juive, « l’histoire du livre est l’histoire de son effacement. […] Effacement particulier qui n’est pas nécessairement effacement du texte puisque – paradoxe – cet effacement a lieu par l’ajout de paroles, de textes supplémentaires. Il y a plutôt effacement de la maîtrise du discours, de la violence portée par le discours. » Ainsi le livre peut-il être une terre qu’on traverse et qu’on ne prend pas.

[…]

 

Akerman-Descriptif-vol2

En librairie le 5 avril

69€ les 3 volumes
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3 volumes réunis dans un coffret
1584 pages, 250 images
format : 23 x 17 cm
couverture souples

ci-dessus :
vol. 2 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1991-2015, 752 pages, 70 images
ISBN : 978-2-37367-022-6

Publié en partenariat avec la Fondation Chantal Akerman / Cinematek,
et avec le soutien du Centre national du livre, du Centre national du cinéma
et de l’image animée, de la Région Ile-de-France et de Radio France.

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

édition établie par Cyril Béghin

 

Sommaire

tant qu’il en est encore temps

D’Est
« En guise de préface » (Anna Akhmatova)
« A propos de D’Est », note d’intention (1991)

Le Déménagement
récit (1991-1992)
monologue (1991-1992)

Hall de nuit
pièce de théâtre (1992)

« Angles de vues »
entretien avec Chantal Boiron, Les Lettres françaises (1992)

Les Gens d’en haut
scénario (1993)

« Mentir d’amour »
récit (1993-1994)

« Du Moyen-Orient »
note d’intention (1996-1997)

« La vingt-cinquième image »
voix (1995)

c’était des très grandes toiles

épigraphe
texte d’ouverture du livre Un divan à New York (1996)

« Mensonge, mensonge »
récit pour Un divan à New York (1994)

Chantal Akerman par Chantal Akerman
voix (1996)

Le jour où
voix (1997)

Une famille à Bruxelles
récit (1998)

Entretien radiophonique
avec Alain Veinstein, Du jour au lendemain (1999)

« Autobiographie – Autoportrait »
note d’intention pour l’installation Selfportrait/Autobiography (1997-1998)

Entretiens radiophoniques
avec Chantal Akerman et Sonia Wieder-Atherton, montage d’extraits de plusieurs émissions (1999-2004)

Sud
note de production (1998)

un film obsessionnel sur une obsession

Contre-chant érotique
scénario (2000)

La Captive
synopsis (1999)
scénario (1999)

Entretien
avec Marie Anne Guerin et Stéphane Bouquet (2000, inédit)

L’Homme chaste
scénario (2001-2005)

Woman Sitting After Killing
présentation (2001)

tout est visible

De l’autre côté
« Sonora », note d’intention (2001)
« De l’autre côté », texte du dossier de presse (2001)
« Début de portrait en creux de la Mexicaine », notes (2001)

From the Other Side
présentation (2002)

Une voix dans le désert
présentation (2003)

« Un écran dans le désert »
entretien avec Cyril Béghin, Mathias Lavin, Anne Lété et Frédéric Borgia, Balthazar (2003)

« L’innocence par l’installation »
entretien avec Dominique Païni, Art press (2002)

il n’y a rien à dire disait ma mère

Marcher à côté de ses lacets dans un frigidaire vide
extrait du journal de Sidonie Ehrenberg (1921)
présentation (2004)
conversation entre Chantal et Natalia Akerman (2004)

Demain on déménage
synopsis (2003)
note d’intention (2002-2003)

« Le frigidaire est vide. On peut le remplir »
récit autobiographique publié dans Autoportrait en cinéaste (2004)

« Narration Israël »
texte préparatoire pour Là-bas (2005)

« Là-bas ou ailleurs »
entretien avec Laure Vermeersch, Pierre Zaoui et Sacha Zilberfarb, Vacarme (2007)

entre l’éden et la Catastrophe

« Children’s Book »
montage de photographies et de textes, Artforum (2008)

« A propos des Femmes d’Anvers »
présentation (2008)

Tombée de nuit sur Shanghai
présentation (2009)

Maniac Summer
présentation (2009)
entretien radiophonique avec Corinne Rondeau (2011, inédit)
« Résidus – été maniaque à Belleville », montage de photographies et de textes (2009)

La Folie Almayer
note d’intention (2010)
« Réflexions après repérages » (2010)
scénario (2010)
entretien pour le dossier de presse (2011)

« The Pajama Interview »
entretien avec Nicole Brenez, Vienna International Film Festival (2011)

« Pas d’idolâtrie et se défaire de tout ce qui vous a réduit en esclavage »
entretien avec Elisabeth Lebovici, Mousse Magazine (2011)

Maniac Shadows
montage de 96 photographies (2012)

comme on parle d’art brut

Ma mère rit
récit (2013)

No Home Movie
synopsis et note (2015)

Now
présentation (2015)

Lod
note d’intention (2015)

 

Akerman-Descriptif-vol1

En librairie le 5 avril

69€ les 3 volumes
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1584 pages, 250 images
format : 23 x 17 cm
couverture souples

ci-dessus :
vol. 1 : Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée,
1968-1991, 640 pages, 180 images
ISBN : 978-2-37367-022-6

Publié en partenariat avec la Fondation Chantal Akerman / Cinematek,
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et de l’image animée, de la Région Ile-de-France et de Radio France.

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Chantal Akerman
Œuvre écrite et parlée

édition établie par Cyril Béghin

 

Sommaire

le « je » du récit pourrait être une adolescente

Saute ma ville
note (1968)

La Chambre
voix (1972)

« Je vais vous raconter un hôtel »
fragment d’une note d’intention pour Hotel Monterey (1972)

« Hanging out »
scénario pour Hanging Out Yonkers (1972-1973)

Je tu il elle
« Histoire » (1968)
note d’intention (1973)
éléments sonores (1974)
entretien du dossier de presse (1975)

tout est écrit

Elle vogue vers l’Amérique
scénario (1974)

Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles
synopsis (1975)
scénario (1974)

« Chantal Akerman Interview, Chicago, 1976 »
entretien avec B. Ruby Rich (1976), Film Quarterly

« La vie, il faut la mettre en scène »
entretien avec Marie-Claude Treilhou, Cinéma 76 (1976)

News from Home
voix (1976)
extrait du dossier de presse (1977)

« Entretien avec Chantal Akerman »
entretien avec Danièle Dubroux, Thérèse Giraud et Louis Skorecki, Cahiers du cinéma (1977)

Les Rendez-vous d’Anna
présentation (1978)
scénario (1978)
entretien du dossier de presse (1978)

« Rencontre avec Chantal Akerman »
entretien avec Caroline Champetier, Cahiers du cinéma (1978)

le désir de tourner une grande fresque romanesque

« Entretien sur un projet » 
conversation avec Jean-Luc Godard, Ça cinéma (1980)

Le Manoir et Le Domaine
documents visuels
note d’intention (1979)

Le Manoir
scénario (1979-1980)

Le Domaine
scénario (1979-1980)

Lettre à Isaac Bashevis Singer (1980)

Entretien radiophonique
avec Claude Jean Philippe et Caroline Champetier, Le Cinéma des cinéastes (1981)

remplacer l’amour par les gestes

La Galerie
note d’intention (1982)
montage de photographies et de textes (1980-1982)

Hôtel des Acacias
scénario (1981-1982)

« L’enfance. La naissance du sentiment amoureux »
notes (n. d.)

Toute une nuit
note d’intention (1982)
relevé des dialogues (1982)
attitudes (1981-1982)
description (1981-1982)
séquences (1982)

Entretien radiophonique
avec Claude Jean Philippe et Caroline Champetier, Le Cinéma des cinéastes (1982)

Les Années 80
extrait du dossier de presse (1982)

L’Homme à la valise
scénario (1982-1983)

« Lettre de Chantal »
voix pour Lettre de cinéaste (1984)

Golden Eighties
scénario (1984-1985)

Chicago
– note d’intention (1987)
– récit (1987)

« Avec Sonia Wieder-Atherton »
introduction (2011)

lost paradise

« Face à l’image »
note pour l’exposition Passages de l’image (1988-1989)

Histoires d’Amérique
« Projet autour de I. Bashevis Singer » (1987-1988)
note de travail (1988)
scénario (1988)
« Souvenirs d’un tournage » (1989)

Entretien radiophonique
avec Serge Daney, Microfilms (1989)

« Un regard »
hommage à Samy Szlingerbaum (1989)

Trois strophes sur le nom de Sacher
note d’intention (1989)

Les Trois Dernières Sonates de Franz Schubert
document de montage (1989)

Nuit et jour
récit (1989)

« Autoportrait en huit images »
commentaire de photographies, Télérama (1991)

« Comme un couteau dans le cœur »
entretien avec Philippe Elhem, Cinéjournal (1991)

 

Catalogue Akerman

Couv_Cartes
Œuvre écrite et parlée
Chantal Akerman
2024 (3 vol.)

en-savoir-plus

Actu 158 – Filmoteca

6 – 14 fév. 2024


Cycle Deligny à la Filmoteca de Barcelone, avec une rencontre avec Sandra Alvarez de Toledo et Martín Molina Gola.

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Actu 157 – Filmi PortoVecchio

18-22 oct. 2023


Filmi d’ottobre à Porto-Vecchio. Rencontres et projections autour de André Bazin, Fernand Deligny et Pier Paolo Pasolini.

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Actu 155 – CRAC

11 fév.-28 mai 2023


Fernand Deligny, légendes du radeau. Exposition au CRAC de Sète, en parallèle à l’exposition de Florian Fouché, Manifeste assisté. Communiqué de presse en pièce jointe.

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“An/harkie”, par Sophie Mendelsohn et le Collectif de Pantin, 14/05/22

Présentation de Sophie Mendelsohn (psychanalyste, membre du collectif de Pantin)

le samedi 14 mai à 15h30
Séance ouverte dans la limite des places disponibles ; prière de s’annoncer en écrivant au mail suivant : 10ruestluc@gmail.com

L’Arachnéen se réjouit d’accueillir le Collectif de Pantin pour une rencontre autour du projet An/harkie conçu par Sophie Mendelsohn, avec Giulia Fabbiano. Avec la participation de Zahia Rahmani et Todd Shepard, de Salima Boutebal pour les lectures, et Christophe Montaucieux pour les images. Dans le cadre d’un partenariat du Collectif de Pantin avec le programme allemand dirigé par Sandra Noeth, Bodies, unprotected : program series on Bodies, Art, and Protection.

« Inscrites dans le nœud de contradictions juridiques et politiques qui caractérise le moment de la décolonisation de l’Algérie et ses prolongements postcoloniaux, les trajectoires de vie de ceux que le gouvernement français dénomma les “harkis” ne se résument pas à cette catégorie produite par l’État, débordant ce qui en a été raconté et se raconte encore dans les commémorations du temps présent.
En se rendant disponibles à ce qui peut s’en dire dans un entre-deux, dans l’écart entre les dispositifs officiels et les vies réellement vécues, on peut entendre d’autres voix et d’autres récits ; on peut, aussi, détourner les archives d’un usage qui les voue à entretenir une mémoire en forme d’oubli.
Le projet An/harkie s’inscrit dans la recherche des traces fragmentaires de ces expériences à partir desquelles peut se dessiner un contre-champ. Il se veut une esquisse cartographique d’un territoire où l’on a cherché à capter les conflits subjectifs auxquels donne lieu une construction politique en impasse, mais d’où émergent des propositions à partir desquelles il pourrait devenir possible d’habiter l’histoire autrement. »

D’après une photographie prise au camp de Bourg-Lastic, 1962 (DR)

Pour une présentation des activités du Collectif de Pantin :
https://www.collectifdepantin.org/

“Hommage à Beyrouth”, conférence de Maroun El-Daccache, 22/04/2022

Conférence de Maroun El-Daccache, architecte à Beyrouth.

le vendredi 22 avril à 18h30
Séance ouverte dans la limite des places disponibles ; prière de s’annoncer en écrivant au mail suivant : 10ruestluc@gmail.com

L’architecte Maroun El-Daccache, qui dirige actuellement le département d’architecture et de design de la Lebanese American University de Beyrouth, nous fait le très grand plaisir de venir présenter trois de ses projets menés au Liban, dont le dernier en cours, intitulé “Le Cri de la Ville”, porte sur la reconstruction après l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020.

Vous trouverez ci-joint quelques repères concernant la biographie de Maroun El-Daccache et un résumé de son intervention.
telecharger-le-pdf

Maroun El-Daccache, Hommage à Beyrouth, 4 août 2021

“Histoire potentielle de François Tosquelles. La Catalogne et la peur”, par Mireia Sallares et Joana Masó, le 2/04/2022

Projection d’Histoire potentielle de François Tosquelles. La Catalogne et la peur, un film de Mireia Sallares, co-écrit avec Joana Masó, 2021, 150 min.

le samedi 2 avril à 17h
En présence de Joana Masó et Mireia Sallares.

Séance ouverte dans la limite des places disponibles ; prière de s’annoncer en écrivant au mail suivant : 10ruestluc@gmail.com

« Entre documentaire expérimental et fiction spéculative, Histoire potentielle de François Tosquelles. La Catalogne et la peur raconte une série d’expériences en partant des traces qu’elles n’ont pas laissé, comme l’écriture de la lettre à Staline ou le travail avec les prostituées et les coopératives catalanes. Sans distinguer le passé du présent, la vie de la mort, la prise de conscience de l’inconscient, il propose de faire l’”histoire potentielle” d’un médecin qui, à la faveur des crises traversées par le XXe siècle, a politisé la psychiatrie et bouleversé ce qui était notre relation à la normalité et à la folie. La Catalogne y est mise en demeure de recouvrer sa mémoire. »

Pour mémoire, Joana Masó est l’auteure du livre récemment paru à L’Arachnéen : François Tosquelles. Soigner les institutions.

 

Films surprise autour du mot “camérer”, par Federico Rossin, les 12 février, 19 mars, 23 avril

films surprise autour du mot “camérer”, par Federico Rossin

les samedi 12 février, 19 mars, 23 avril, à 17h
Les séances sont ouvertes dans la limite des places disponibles ; prière de s’annoncer en écrivant au mail suivant : 10ruestluc@gmail.com

L’Arachnéen a proposé à l’historien, critique de cinéma et programmateur indépendant Federico Rossin* d’organiser une série de projections dans notre atelier – au 10, rue Saint-Luc, Paris 75018 – autour du mot “camérer” forgé par Fernand Deligny (et qui a donné lieu au livre Camérer. À propos d’images paru à L’Arachnéen en juin dernier).

Films surprise (y compris pour nous) !
Le titre du film ne sera annoncé qu’au moment même de la projection.

* Pour mémoire, Federico Rossin est aussi l’éditeur du livre/DVD Journal d’un maître d’école, que nous avons publié en 2019.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 

Actu 154 – Deligny Bruxelles

2-3-4 décembre 2021


“Deligny & l’image”. Week-end de rencontres organisé par l’ArBA-ESA de Bruxelles, en partenariat avec les librairies Tropismes, Parchemins, Tulitu, et le centre thérapeutique Parhélie. Programme détaillé en pièce jointe.

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Actu 153 – CitéPhilo

20-21 novembre 2021


“La question des pédagogies alternatives, leur histoire et leur présent en Europe”. Week-end de cinéma organisé par Cité Philo à Lille. Projection de Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école de Vittorio de Seta en présence de Sandra Alvarez de Toledo.

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Actu 152- Lib Atelier- Tosquelles

19 novembre 2021


Présentation du livre de Joana Masó : François Tosquelles. Soigner les institutions, en sa présence et le jour de la parution du livre, à la librairie L’Atelier (Paris 20è), 20h.

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Actu 149 – ICI Berlin

28-29 octobre 2021


Un atelier intitulé “Assembling Milieus. Working the camera after Fernand Deligny”, organisé par Marlon Miguel à l’Institut for Cultural Inquiry (ICI) à Berlin.

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Actu 150 – Librairie Atelier-Camérer

13 octobre 2021


Présentation du livre des écrits sur le cinéma et l’image de Fernand Deligny, Camérer. A propos d’images, par Sandra Alvarez de Toledo, Marina Vidal-Naquet et Anaïs Masson ; et du livre de Catherine Perret, Le Tacite, l’Humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny.

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Actu 151 -Festival Blois Diario

6-7 octobre 2021


En ouverture des Rendez-vous de l’histoire, projection des 4 épisodes du film Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école de Vittorio de Seta (1973), en présence de Federico Rossin et Maîté Peltier. Le lendemain, conférence de Federico Rossin.

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Tosquelles-Descriptif-Evenements

35 €



 


Livre de 400 pages
avec 220 images (noir et blanc)
Format : 24 x 16,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-018-9
Date de parution : 19 novembre 2021

Une coédition L’Arachnéen / Arcàdia.
Avec le soutien du Centre national du livre (CNL)
et de l’Institut Ramon Llull.

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François Tosquelles

Soigner les institutions
Textes choisis et présentés par Joana Masó

 

Évenements et articles de presse :

Samedi 29 octobre 2022, de 15h à 18h30, rencontre avec Joana Masó au Centre Joë Bousquet et son Temps (Carcassonne), dans le cadre de deux journées intitulées “L’acte créateur”.
Programme

Vendredi 30 septembre 2022, 20h, projection au Cinématographe (Nantes) : Histoire potentielle de François Tosquelles. La Catalogne et la peur. Un film de Mireia Sallares, co-écrit avec Joana Masó, 2021, 150 min. En présence des réalisatrices. Séance proposée par Catherine Jourdan et Florence Frappart avec le soutien de l’association Intension Psychanalytique.
Programme

Ludovic Lamant, « Avec le psychiatre catalan Tosquelles, pour “penser avec les pieds” », Mediapart, jeudi 11 août 2022, chroniques “Au détour des livres”. Lire le PDF
ou en ligne (pour les abonnés)

Article d’Anne Querrien, paru en juin dans la revue Chimères. Lire

Samedi 2 avril, 17h, projection à L’Atelier du 10 rue St-Luc (Paris 18è) : Histoire potentielle de François Tosquelles. La Catalogne et la peur. Un film de Mireia Sallares, co-écrit avec Joana Masó, 2021, 150 min.

Vendredi 4 février 2022, de 18h à 19h30, rencontre avec Joana Masó à la librairie Ombres blanches, Toulouse.
https://www.ombres-blanches.fr

Yann Diener, Charlie Hebdo, mercredi 19 janvier 2022.

Marianne Dautrey dans les brèves critiques “essais” du Monde des livres, jeudi 23 décembre 2021. Lire

Eric Favereau, “Une expo sur François Tosquelles ? Sans déconner !”, Libération, p. 24, jeudi 16 décembre 2021

Vendredi 19 novembre 2021, 20h : présentation du livre à la librairie L’Atelier, Paris 20e, en présence de Joana Masó.

Abel Cutillas, “Tosquelles, l’absent”, site Paris-Barcelone culture, 7 décembre 2021, https://www.paris-barcelona.com/fr/tosquelles-labsent-2/

                            
 
                            
 

 

Tosquelles-Descriptif-Sommaire

35 €



 


Livre de 400 pages
avec 220 images (noir et blanc)
Format : 24 x 16,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-018-9
Date de parution : 19 novembre 2021

Une coédition L’Arachnéen / Arcàdia.
Avec le soutien du Centre national du livre (CNL)
et de l’Institut Ramon Llull.

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François Tosquelles

Soigner les institutions
Textes choisis et présentés par Joana Masó

 

Note de l’édition française, par Sandra Alvarez de Toledo

Présentation, par Joana Masó

Les vies de François Tosquelles, chronologie établie par David Fontanals

Chapitre I.
Les institutions dans la petite Vienne.
Reus et Barcelone / 1929-1936

par Joana Masó
avec des textes de François Tosquelles, Josep Solanes et Jean Oury

François Tosquelles 
« La fonction de l’État est d’empêcher qu’il y ait des institutions »
« La psychanalyse dans l’Église, à l’école ou chez les gendarmes »
« C’est le destin de la folie qui est l’essence de l’homme »

Chapitre II.
Expériences thérapeutiques en temps de guerre.
Reus, le front d’Aragon, l’armée d’Estrémadure et le camp de Septfonds / 1936-1939

par Joana Masó
avec des textes de François Tosquelles , Josep M. Roig, Joan Navais, Frederic Samarra et Montserrat Duch, Max Hodann, Antoni Subirana

François Tosquelles 
« La guerre d’Espagne »
« Le sens des consignes du POUM »
« Fonction poétique et psychothérapie. Une lecture d’“In memoriam” de Gabriel Ferrater », suivi du poème de Ferrater
« L’école de la liberté » (I)

Chapitre III.
La vie matérielle : une révolution psychiatrique.
Saint-Alban / 1940-1962

par Joana Masó
avec des textes de François Tosquelles, Lucien Bonnafé, Frantz Fanon, Hervé Bazin, Agnès Masson, Marie Rose Ou-Rabah, Georges Sadoul, Georges Canguilhem, Paul Éluard, Cécile Agay, Tristan Tzara, Jean Oury, Éric Fassin et Joana Masó, Antonin Artaud, Gilles Deleuze, Ginette Michaud, Félix Guattari, Josée Manenti, Fernand Deligny, Roger Gentis

François Tosquelles 
« L’école de la liberté » (II)
« Que faut-il entendre par psychothérapie institutionnelle ? »
« Le Vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval »
« La Résistance : Saint-Alban »
« Sur la psychothérapie collective »
« Invalidité et travail. À propos des mutilés de guerre »
« Perspectives et mirages »
« Les limites de la structure libérale de la médecine »
« Frantz Fanon et la psychothérapie institutionnelle »

Frantz Fanon et Jacques Azoulay 
« La socialthérapie dans un service d’hommes musulmans : difficultés méthodologiques »

Chapitre IV.
Le retour. Un corps étranger.
Reus / 1967-1994

par Joana Masó
avec des textes de François Tosquelles, José García Ibáñez et Antonio Labad

François Tosquelles 
« À propos des difficultés de la pratique et de l’enseignement de la psychiatrie (une orientation qui nous vient de loin : Arnau de Vilanova) »
« Faire un club »
« Que dire ? Comment le dire ? »
« Émergences des crises vitales humaines »

 

Tosquelles-Descriptif-Extraits

35 €



 


Livre de 400 pages
avec 220 images (noir et blanc)
Format : 24 x 16,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-018-9
Date de parution : 19 novembre 2021

Une coédition L’Arachnéen / Arcàdia.
Avec le soutien du Centre national du livre (CNL)
et de l’Institut Ramon Llull.

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François Tosquelles

Soigner les institutions
Textes choisis et présentés par Joana Masó

 

Voir quelques doubles pages de chacun des quatre chapitres du livre.
 

FRANÇOIS TOSQUELLES :

« Avec le travail, non pas avec le travail scolaire d’apprendre les montagnes et les rivières, mais le travail que chaque enfant a à faire, fatalement, pour constituer son filet, pour y attacher des choses, comme toutes les araignées. […] Ce qu’elles font, les araignées, c’est d’accrocher une ficelle à droite et une autre à gauche. Sans ça il n’y aurait pas de filet. Le travail intime, que disait Freud, c’est un travail pour attacher les bouts de fils à quelque chose qui apparaît comme plus ou moins solide, comme peut l’être le coin d’une maison, le père, le chien, le chat, le cheval ou la voiture, c’est tout. Mais c’est ce travail intime qu’on ne fait pas à l’école. Et quand on dit qu’il faut tenir compte de la personnalité des enfants, on est foutu parce que la personnalité est un concept juridique, de propriétaire. » (1)

« La phobie de la mort et de la folie est très généralisée. Tout le monde doit mourir et tout le monde est fou, grâce à Dieu. L’homme naît de la folie, et l’éliminer au bénéfice du corps de l’homme arrive à produire de bons vétérinaires mais pas de bons médecins. Nous l’avons déjà dit: il faut tenir compte du corps érotique comme du corps social, en plus du corps matériel. Il n’y a rien de plus sot que de dire: vous êtes fou mais on vous guérira. Face à la question déjà mentionnée, la réponse est conditionnée par l’idée que l’on se fait de la folie. Si on en a une idée négative on ne fera qu’augmenter la résistance à être fou. Le métier de psychiatre peut être commode, tranquille: “Moi je ne le suis pas, le fou c’est le client.” Le premier contact avec le malade doit nous amener à rechercher comment on peut vivre en tirant profit de la folie. » (2)

« Quand on se promène dans le monde, ce qui compte c’est pas la tête, c’est les pieds. Savoir où est-ce que tu mets les pieds. C’est le pied qui est le grand lecteur du livre du monde, de la géographie. La marche, c’est pas avec la tête, il faut que je sache où est-ce que je mets le pied, vous comprenez ? C’est tout. Le pied c’est l’appareil, le lieu de réception de ce qui deviendra le tonus. C’est pourquoi une mère, la première chose qu’elle fait, c’est faire des chatouilles aux pieds. Parce qu’il s’agit de tenir debout. » (3)

« Quel rôle jouent les étrangers dans l’histoire concrète de la pratique psychanalytique? […] Nous sommes pleins et archi-pleins de l’étranger que nous portons en nous, et alors le processus analytique aide. Lorsque sont arrivés à Barcelone ceux qui ne parlaient qu’allemand, tchèque, ou hongrois, c’est alors qu’il a commencé à y avoir de l’analyse concrète comme expérience vécue, parce qu’ils étaient étrangers. Je voulais dire cela pour établir un lien avec la frontière. » (4)

« C’était en 1930 ou 1931 à l’occasion de la crise qui opposa Staline et les siens au petit noyau qui s’était constitué péniblement dans la clandestinité, pendant la première dictature, sous le nom de Fédération communiste catalano-baléare. Un groupe dont je fis partie pendant mes études à Barcelone. Les copains du “Bloc ouvrier et paysan” qui naquit de cette crise politique, me demandèrent de profiter des vacances pour porter quelques textes et informations à Reus où il y avait quelques militants: Oliva, Hortoneda et quelques autres que j’ai oubliés. À Barcelone, on pouvait croire qu’avec les illusions légitimes qu’avait fait naître la révolution russe, les militants de Reus risquaient de suivre les directives des agents du Parti, qui pour Staline devait être la chose de Moscou ou de Madrid. Une chose dirigée contre les républicains, les socialistes et les anarchistes, autant ou plus que contre les monarchistes et la droite. Il fallait, disait-on, défendre une seule tactique qui se résumait dans la formule: “Tout le pouvoir aux soviets.” Avec humour l’un d’entre nous a dit que chez nous on pouvait traduire ça par “tout le pouvoir aux penyes [cercles de café]” – car de soviet il n’y en avait pas un seul dans toute l’Espagne. […] Je me rappelle qu’[Oliva] me proposa de dire à Quim [Joaquim Maurín], que si les choses allaient mal à Reus, les gens du BOC se garderaient les marrons pour eux. “Le groupe de Reus ne servira de tramway ni pour la Russie de Staline, ni pour les succursales des matamores d’Hitler.” » (5)

« La psychanalyse de clientèle est celle que vous faites, vous autres. Bon, j’ai pas mal d’expérience dans les psychanalyses didactiques. Depuis 1943 je n’ai accepté aucun type qui me dise vouloir être psychanalyste. Je lui dis: “Allez voir un psychanalyste.” Je fais de la psychanalyse didactique avec des personnes qui veulent rentrer dans le cadre, qui feront de la psychanalyse publique. Les autres ne m’intéressent pas, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Élever des corbeaux qui t’arracheront les yeux. Je ne dis pas que la clientèle privée ne devrait pas exister, mais ce n’est pas ma vocation. Disons que ça ne m’intéresse pas. » (6)

« […] nous étions dans un coin perdu, dans un hôpital où il n’y avait rien, avec une tradition psychiatrique du siècle dernier qui s’était éteinte. Cet hôpital – celui de Saint-Alban – a été créé en 1820 par un antipsychiatre, un type de Saint-Jean de Dieu qui s’appelait Hilarion Tissot et qui a créé le premier asile libre. Il en a fondé vingt-cinq en Belgique avant la loi de 1838. Si l’État français a fait, avec le Parlement, la loi de 1838, c’est la conséquence de toute l’agitation que cet homme avait produite dans cette tâche créative qui impliquait les gens du village. À Montauban, j’ai rencontré des types qui étaient les fils des fils des fils des deux premiers infirmiers psychiatriques qu’il y eut en France et qui étaient soignants à Saint-Alban. » (7)

« Je ne sais pas si vous savez que l’institut Politècnic de la rue urgell était pratiquement entre les mains de l’union socialiste de Catalogne. Ils étaient vingt-cinq à travailler avec Capdelans et Mira, même avec Comorera, qui venait du Parti socialiste de Catalogne, qui travaillait comme enseignant et ne se préoccupait pas des problèmes psychiatriques. Les deux premiers instituts de formation professionnelle ont été fondés à Barcelone et à Chicago, et c’est Mira qui a fait ça. C’est pourquoi quand je lui ai demandé d’étudier les fous à Barcelone, Mira m’a dit: “Viens étudier les gens normaux.” » (8)

« Quand je vivais à Reus, à un coin du carrefour il y avait le lycée et, à l’autre, l’institut Pere Mata. Comment peut-on ne pas deviner que mon enfance était institutionnelle! Tout ça m’a fait réfléchir au problème de ce que peut bien vouloir dire l’institution. et ce qu’on appelle des institutions, c’est précisément le manque d’institution. Ce sont des “établissements”, ça se dit en français, des établissements. Ce qu’ont fait les psychiatres, c’est de convertir les établissements en institutions. C’est pareil avec le mariage parce que se marier c’est s’établir, et le problème c’est de convertir le fait de “s’établir” en institution, parce que si l’on est à la maison et que l’on baise parce que c’est vendredi, ce n’est pas une institution, c’est un établissement. Et ensuite on passe de l’établissement à l’état permanent. C’est pour ça que j’ai toujours été partisan de la nation permanente et non pas de l’état permanent. » (9)

« Il y a un projet, que je ne peux pas qualifier de mythique – parce que ce n’est pas ça, le mythe –, un projet presque délirant, à savoir que les gens, médecins et non médecins, croyaient que les personnes “folles” pourraient guérir si on les traitait bien. Même isolées. Si, comme disaient les philanthropes, on les mettait dans une cage de luxe, avec du confort, de l’air – ça c’était une idée française, que les malades puissent respirer –, s’ils avaient le droit de manger tranquillement, de respirer tranquillement et aussi de se laver, de se purifier avec de l’eau… ainsi, s’ils étaient bien traités, avec toute l’ambiguïté de ce terme, les malades trouveraient le calme, la tranquillité, la paix et, comme le dit l’anagramme IPM, l’intelligence brillerait à nouveau – flammabo iterum –, l’intelligence, le feu de l’âme, l’esprit, s’allumerait de nouveau… C’est une idée simple, qui revient tout au long de l’histoire de la psychiatrie, aujourd’hui encore… » (10)

« J’aime beaucoup le titre de votre revue parce que si on dit “occurrences” ça ne veut rien dire, si on dit “association libre” ça fait très intellectuel… Le mot acudit me plaît beaucoup parce que c’est un condensé de “oreille” – acoustique – et de “dit”. Je l’ai souvent utilisé avec Oury. Je lui raconte des choses en catalan, je pense que si l’on ne parle pas catalan on ne comprend aucune langue. Si Freud avait su le catalan au lieu du castillan, il aurait fait mieux. Il aurait parlé d’acudit, comme j’en parle dans mon livre : oreille et dit s’assemblent, et il en sort acudit. Ça vaut mieux que chiste, on dirait que l’on s’en fout ; l’acudit peut être très sérieux, mais ce qui compte ce n’est pas cet acudit, ou un autre, c’est le fil rouge, comme disait Freud, le lien avec une chose qui a à voir avec la fonction poétique du langage que j’étudie dans mon livre.
Ah, si Freud avait joué au juif et au Catalan, au lieu de dissimuler qu’il était tchèque et juif ! Certains de ses confrères de Budapest ont eu des problèmes avec lui parce qu’ils étaient séparatistes et qu’ils ne voulaient rien savoir des Autrichiens, tandis que Freud était pour l’Autriche, il disait qu’il était Autrichien. Il écrivait très bien l’allemand mais il ne savait pas le tchèque, et quand il se met à écrire en tant que juif il se goure. […] Si Freud connaissait un peu l’histoire des juifs et, en particulier, celle des juifs des contrées catalanes… ou un autre Aragonais qui écrivait en catalan, Arnau de Vilanova. Il a écrit la meilleure étude sur le rêve – elle est presque aussi bonne et par certains côtés meilleure que celle de Freud –, mais voilà, Freud ne connaissait que les chevaux espagnols qui passaient dans Vienne avec les militaires… il a lu La vida es sueño de Calderón… » (11)

« Quand j’étais tout petit déjà, vers l’âge de 10 ans ou 11 ans, j’ai décidé de faire le psychiatre sérieusement. Alors je savais plus ou moins que ce dont il s’agissait en psychiatrie c’est les problèmes qui ont été effleurés dans la connaissance de l’homme par la pratique de la psychanalyse, par la pratique de Freud. Tout ce qu’on me racontait des hommes, de la psychologie des hommes, des trucs comme ça, qu’on racontait à l’école, cette bêtise des lycées : intelligence, volonté, mémoire, je ne sais pas quoi, et fonction de l’âme, ça me semblait complètement idiot. Et c’est même à partir de ça que l’enseignement de Mira, que je connaissais déjà quand j’avais 10 ans, était évident, parce qu’il rejetait toute la psychologie classique, avec deux ponts curieux : d’un côté la valeur que pourrait avoir une psychologie expérimentale, le truc du test, non pas le test d’intelligence, mais tous les tests de comportement, toute la psychologie expérimentale, qui est une activité riche de conséquences, et d’un autre côté cette situation expérimentale qu’est la psychanalyse, qu’est l’expérience de la naissance de la parole, de la renaissance du souvenir. Et ça, pour savoir quelque chose de votre façon d’être et comment vous vous êtes fabriqué, de votre construction comme sujet, il n’y a qu’un seul chemin. C’est à travers les mensonges et les erreurs, et les dissimulations de la mémoire, ce que vous pouvez recréer de nouveau à votre sujet, que quelque chose de votre vérité va apparaître. C’est ça la psychanalyse. Pas de psychanalyse sans parole, et pas parole comme un dialogue : je parle, tu me réponds, tu parles, je te réponds, à voir qui est-ce qui gagne ou qui est-ce qui se cache le mieux. La découverte de Freud, progressive d’ailleurs, c’est d’abandonner le dialogue, pour ne laisser que les évocations, les mises en parole, “evocare”, du client – je ne dis pas du malade –, de n’importe qui,
qu’il puisse suivre… pas même un monologue, parce que dans la situation analytique on n’attend pas que le type allongé sur le divan condamné à répondre comme une partie de tennis tac tac… je te demande, tu me réponds, etc. Eh bien, à partir de ce moment-là, il y a une sorte de glissement et on assiste à la création du sujet, la création de lui-même. Donc c’est tout ça qui est mis en faille, en échec on peut dire, dans la soi-disant maladie mentale, ou dans ce qui est au moins à l’origine du mal-être des personnes. » (12)

« Donc nous nous intéressions beaucoup à de Clérambault, à cause de l’histoire de la complexité… une phrase de de Clérambault parlait de “délire autoconstructif”. Il faut prendre ça au pied de la lettre. Vous êtes un délire autoconstructif impersonnel, vous vous êtes construit vous-même. Vous êtes une architecture, vous avez piqué des histoires à votre père, à votre mère, à votre cousin germain, au chien qui passait dans la rue, et même peut-être à monsieur de Gaulle. Mais avec ces morceaux, avec ces briques, vous avez construit votre belle architecture, ça avec plusieurs niveaux logiques. Il y a plusieurs logiques en vous-même, je ne dis pas plusieurs personnages, mais en lavant votre complet, on trouve la logique de votre peau avec ses trous, et avant la peau on trouve une autre logique, et vous êtes le résultat de la superposition et des interférences entre ces plusieurs logiques. » (13)

« Si l’homme n’est pas fou c’est qu’il n’est rien. Le problème c’est de savoir comment il soigne sa folie. Si vous n’êtes pas folle, comment voulez-vous que quelqu’un soit amoureux de vous ? Pas même vous, vous comprenez. Ce qui ne veut pas dire que si vous ne savez pas être folle alors on va vous foutre à l’hôpital psychiatrique, parce que les fous qu’on met dans les hôpitaux psychiatriques, c’est des types qui ratent leur folie. L’important de l’homme c’est de réussir sa folie. Lacan parle sérieusement, il dit mieux, il parle de “situation limite”, de “liberté”, ça fait très joli, mais en réalité c’est comme ça. Enfin madame, je vous dis bien “si vous n’êtes pas folle vous êtes foutue”, parce que vous n’aurez aucun accès à vous-même et vous ne pourrez donner rien de vous à l’autre, à l’autre que vous aimez. Tout le monde sait que l’amour est une folie. C’est une folie non seulement agréable, mais… qui découvre, précisément. L’amour ce n’est pas vous foutre à poil pour voir votre viande, c’est pour découvrir votre être ! Vous ne pouvez vous découvrir que dans la folie, et dans la folie qui est pour l’autre, c’est-à-dire que si vous n’êtes pas follement amoureuse d’un idiot, comme moi ou n’importe qui, vous ne saurez jamais qu’est-ce que vous êtes. C’est clair ça ? C’est le destin de la folie qui est l’essence de l’homme. Si un type rate sa propre folie, si tout le monde et lui-même le premier, il dénie sa folie – c’est la fonction du déni, dans la dénégation de Lacan, ou de Freud – alors à partir de ce moment-là c’est foutu, c’est zéro quoi. » (14)

« Ce que j’en dirai ne vient pas seulement de mon expérience personnelle. Je le tiens aussi, et surtout, de ce qui se dit peu à peu, au cours de longs dialogues psychanalytiques, quand, dans le silence de l’analyste, celui qui parle en vient à évoquer progressivement son expérience intime de la mort. Devant la mort, les gens, grands et petits, d’emblée ou peu à peu, en arrivent à évoquer et à retourner dans leur esprit une «nouvelle évidence», plus surprenante encore que la mort elle-même. Ils se rendent compte que les épaisses brumes des sentiments ou de la guerre ne parviennent jamais à effacer l’espèce de déception ou de désillusion que la mort de l’autre rend évidente: on se rend compte qu’on a vécu pendant des années avec cette personne et qu’en fait, on ne la connaissait guère. Quelque chose de plus ou moins caché disparaît avec elle. On se rend à l’évidence, qu’il ne suffit pas d’être témoin d’actes concrets, ou de se rappeler les paroles dites par quelqu’un, pour connaître ses pensées, et encore moins ses rêves, sa manière d’élaborer ses désirs toujours plus ou moins frustrés ou non réalisés. Le mort que nous aimons s’en va dans l’au-delà en emportant ses rêves, et, si nous l’aimons encore, nous lui demandons de nous en faire don. Quelqu’un qui, au cours de son analyse, me racontait sa présence inopinée à l’enterrement d’un inconnu, me dit de façon significative, même si au début c’était sur le ton de la plaisanterie: “Qui sait qui était réellement ce mort, qui sait de quoi il rêvait !… Vous n’avez jamais analysé un mort !… vous ne savez donc pas de quoi ils rêvent !… Moi ça m’est arrivé une fois où je suis resté plusieurs heures à côté d’un mort… C’était mon père… Je me suis endormi et j’ai rêvé. Mais ce n’était pas mon rêve, c’était le sien, j’en suis sûr. Les pères se débrouillent toujours pour nous laisser leurs rêves en héritage !” » (15)

« Comme je connais un peu les histoires des gamins, je peux dire ici que les gens de Reus auraient tort de croire que cette affaire de guerre civile et de révolution n’est qu’un passage, ou une imbécillité plus ou moins tragique, due à des gens inadaptés, songe-creux ou trouble-fête. Il s’est ouvert dans notre monde un vide qu’on ne pourra jamais combler avec des philosophies à l’eau de rose ni avec des leçons bien ou mal apprises. Ni en Catalogne, ni en Espagne, ni ailleurs dans le monde.
Les événements auxquels nous assistons rompent la continuité apparente du simple cheminement de la vie ; ils creusent des fossés définitifs dans l’histoire du monde et de chacun de nous. Chacun s’y retrouve partagé. Il s’agit d’un clivage qui, au moins pour les habitants des bords de la Méditerranée et pour les Européens, sera plus profond que ceux produits par la Révolution française et par la Révolution russe. Ce ne sont pas des événements dont nous pourrions nous abriter où que ce soit, car il s’agit de la vie concrète des hommes eux-mêmes. Les militants du POUM qui vous ont parlé y ont pensé depuis longtemps et en ont pesé les conséquences. Je ne sais pas si ça servira à quelque chose. Je crois cependant qu’il faudrait prendre la mesure du fossé ou du vide qui s’est ouvert dans l’histoire de chacun et dans l’histoire des peuples afin d’assumer les choix que nous aurons tous à faire, ensemble et chacun pour son propre compte. » (16)

« On sait que les gens, souvent à l’unisson de ce que proclament les porte-voix les plus tonitruants de chaque culture, rejettent tout ce qui peut se cacher ou se découvrir dans le champ de l’aliénation. Les fous sont toujours les premiers à en payer les pots cassés. La mort et la folie représentent encore deux formes de tabou que presque personne n’ose regarder en face. Il ne s’agit pas seulement d’une peur, mais d’une véritable phobie ou d’un interdit persistant. On n’en parle que sous forme de plaisanterie ou on tourne autour du pot avec des discours anonymes ou des élaborations philosophiques, ou encore avec des productions littéraires qui ne servent la plupart du temps que d’échappatoire. » (17)

« Avec l’exemple et l’aide des autres malades plutôt qu’avec le contact personnel du médecin, ce qui est médical doit se projeter, depuis le premier contact jusqu’au moindre élément de la vie et de la responsabilité hospitalière. Il s’agit d’apprendre au malade à déchiffrer le sens général de l’hôpital. De stimuler sa compréhension et son effort à ce sujet ; il faut lui prêter cette clé dès les premiers contacts ; même si ceci apparaît inutile ou inutilisable sur le moment. Les techniques d’accueil ne doivent pas se limiter au premier acte, comme l’écrit dans sa thèse mon élève le docteur Bidault. L’accueil se prolonge inlassablement au cours du séjour et constitue la disponibilité de base qui permet la rencontre du malade et de l’institution. » (18)

« Il y a en effet une fâcheuse confusion autour des termes: ergothérapie, socialthérapie, thérapeutique de groupe et thérapeutique institutionnelle. Notre secrétaire général a raison de demander de bien préciser le sens des mots. Daumézon a importé d’Amérique l’expression de thérapeutiques institutionnelles pour qualifier la forme de thérapeutique de groupe qui s’établit – souvent – à l’insu du médecin dans les hôpitaux psychiatriques du fait de l’organisation matérielle, des interactions psychologiques et sociales entre malades et entre les malades et le personnel. II est évident qu’une thérapeutique – si thérapeutique il y a –, même lorsqu’elle est faite à l’insu du médecin et sans ses directives, peut prétendre être une vraie thérapeutique. La thérapeutique institutionnelle n’existe, justement, qu’au niveau de cette prise de conscience, et je dirais, au niveau de l’acquisition du pouvoir et de la maîtrise dans le maniement médical de “l’institution” à travers tout ce qu’elle a à la fois de matériel et de vivant. » (19)

« […] quand je suis arrivé plus tard en France, sain et sauf, j’avais développé une conviction profonde : avec l’aide et la participation de gens ordinaires – des avocats, des curés de campagne, des fous, des paysans, des peintres – en un court laps de temps, il était possible de créer de bons services psychiatriques. Seuls ces gens avaient une position naïve devant le fou, tandis que ceux qui avaient subi une déformation professionnelle – les “maîtres”, les spécialistes des fous qui avaient été formés à l’école de la psychiatrie classique – ne servaient à rien, étaient plutôt des obstacles. En outre, pendant la guerre, le personnel psychiatrique a été constitué pour ainsi dire de “volontaires coactés”, tandis que les civils étaient des volontaires qui avaient choisi de participer par affinité particulière. Parmi ces bénévoles, j’ai pris soin d’écarter ceux qui croyaient avoir une expertise psychiatrique, choisissant plutôt ceux qui étaient dotés d’aptitudes naturelles à être avec les autres. Parce que sinon on perd beaucoup de temps à transformer les gens en quelqu’un qui sait comment être avec les autres ! » (20)

« J’ai continué à travailler même après, mais à Saint-Alban, tout prit fin en 1952. La mort de l’expérience a coïncidé avec son baptême, quand Daumézon l’a nommée “psychothérapie institutionnelle”. En fait, à cette époque, nous avions un certain pouvoir, même au niveau des structures étatiques. Je me suis même investi par des visites à l’ENA. Je faisais des cours pour la fabrication de futurs préfets, pour influencer le dispositif ! Tout cela a duré jusqu’en 1953, 1954, puis tout a été terminé. Ce fut l’occupation des hôpitaux et du secteur par la psychiatrie classique et l’administration. Du reste, le secteur n’est jamais né en France. Il n’y a qu’un seul secteur, le treizième arrondissement, qu’on ne peut même pas définir comme un secteur psychiatrique complet ; il a été formé parce qu’une entreprise privée l’a financé et parce qu’une équipe d’analystes, dirigés par Paumelle, le catholique, a commencé à s’occuper des alcooliques. Et l’État a laissé faire. » (21)

« Ainsi, les Français, quand ils veulent faire aller les enfants à l’école, ils disent : “Toi à droite, toi à gauche… Allons-y…” Mais tout ce mouvement vient de l’extérieur, tandis que la Gestaltum vient d’un sentiment d’activité propre, qui naît de l’enfant : l’enfant ressent le besoin de mettre en forme son rythme. Et ainsi, par exemple, quand il s’agit de la perte du sentiment d’activité, en ce qui concerne les perturbations dans la schizophrénie, cela ne veut pas dire que le schizophrène ne se déplace pas, n’est pas actif. Au contraire, cela signifie qu’il bouge comme un poids mort que nous faisons aller à droite, à gauche. Cela signifie que le schizophrène ne perçoit pas ses rythmes comme la source de son mouvement, et qu’il les attribue alors à une force extérieure: “C’est l’hallucination qui me fait faire telle chose ou est-ce mes ennemis qui m’obligent à… ?” En bref, nous avons tous en nous la source des rythmes, cardiaques, du système nerveux… Tout procède par rythmes et par rythmes divers. Et ces rythmes, qui en eux-mêmes ne veulent rien dire, sont la base de ce qui va aboutir à la mise en forme. La Gestalt est précisément le résultat de votre propre rythme. » (22)

(1) François Tosquelles, rushs non montés du film de François Pain, Une politique de la folie, 1989.
(2) François Tosquelles, « Que dire, comment le dire ? », conférence inédite du 18 décembre 1987. Traduit du catalan par Pascale Bardoulaud.
(3) François Tosquelles dans le film de François Pain, Une politique de la folie, 1989.
(4) François Tosquelles, Histoire de la psychanalyse dans les pays catalans, 1986. Traduit du catalan par Pascale Bardoulaud.
(5) François Tosquelles, Funció poètica i psicoteràpia: una lectura d’«In Memoriam» de Gabriel Ferrater, Reus, Institut Pere Mata et Centre de lecture, 1985 ; traduit du catalan par Antoine Viader, Fonction poétique et psychothérapie, Toulouse, Érès, 2003.
(6) François Tosquelles, entretien avec Miquel Bassols et Rosa Maria Calvet publié dans Otium diagonal, n°4-5, 1983. Traduit du catalan par Pascale Bardoulaud.
(7) François Tosquelles, entretien avec Miquel Bassols et Rosa Maria Calvet, op. cit.
(8) François Tosquelles, entretien avec Miquel Bassols et Rosa Maria Calvet, op. cit.
(9) François Tosquelles, entretien avec Francesc Vilà, publié dans L’Acudit. Publicació de psicoanàlisi, n°1, octobre 1985. Traduit du catalan par Pascale Bardoulaud.
(10) François Tosquelles, entretien avec Francesc Vilà, op. cit.
(11) François Tosquelles, entretien avec Francesc Vilà, op. cit.
(12) François Tosquelles, entretien avec Francesc Vilà, op. cit.
(13) François Tosquelles, entretien radiophonique avec Cécile Hamsy et Jean Guir, France Culture, 4 octobre 1985, repris dans L’Interdit, n°14, 1987. Transcription revue.
(14) François Tosquelles, entretien radiophonique avec Cécile Hamsy et Jean Guir, op. cit.
(15) François Tosquelles, Fonction poétique et psychothérapie, op. cit.
(16) François Tosquelles, Fonction poétique et psychothérapie, op. cit.
(17) François Tosquelles, Fonction poétique et psychothérapie, op. cit.
(18) François Tosquelles, « L’aménagement de la structure de la rencontre psychothérapeutique en milieu hospitalier psychiatrique », IVe Congrès international de psychothérapie, Barcelone, 1958.
(19) François Tosquelles et Frantz Fanon, « Indications de la thérapeutique de Bini dans le cadre des thérapeutiques institutionnelles », 1953.
(20) François Tosquelles, « L’école de la liberté », discussion collective datant de 1987.
(21) François Tosquelles, « L’école de la liberté », op. cit.
(22) François Tosquelles, « L’école de la liberté », op. cit.

 

Tosquelles-Descriptif-Presentation

35 €



 


Livre de 400 pages
avec 220 images (noir et blanc)
Format : 24 x 16,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-018-9
Date de parution : 19 novembre 2021

Une coédition L’Arachnéen / Arcàdia.
Avec le soutien du Centre national du livre (CNL)
et de l’Institut Ramon Llull.

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François Tosquelles

Soigner les institutions
Textes choisis et présentés par Joana Masó

Avec de larges extraits (textes et entretiens) de François Tosquelles,
et des citations de Cécile Agay, Antonin Artaud, Hervé Bazin, Lucien Bonnafé, Georges Canguilhem, Gilles Deleuze, Fernand Deligny, Paul Éluard, Frantz Fanon, Éric Fassin et Joana Masó, José García Ibáñez et Antonio Labad, Roger Gentis, Félix Guattari, Max Hodann, Josée Manenti, Agnès Masson, Ginette Michaud, Joan Navais, Marie Rose Ou-Rabah, Jean Oury, Josep M. Roig, Georges Sadoul, Frederic Samarra et Montserrat Duch, Josep Solanes, Antoni Subirana, Tristan Tzara.

Présentation par Joana Masó

À l’automne 2012, certains d’entre nous ont vu au musée d’Art contemporain de Barcelone (MACBA) l’essai vidéo d’Angela Melitopoulos et Maurizio Lazzarato intitulé Déconnage, consacré au psychiatre républicain exilé en France, François Tosquelles. Dans l’entretien – réalisé par François Pain, Danielle Sivadon et Jean-Claude Polack – qui forme le cœur de cet essai, Tosquelles parle des expériences collectives de transformation des institutions qu’il a menées durant la seconde République et la guerre d’Espagne puis au cours de la Seconde Guerre mondiale dans la France occupée.
Soigner les institutions psychiatriques héritées du XIXe siècle, soigner les malades en soignant l’institution, tel fut l’impensable projet de Tosquelles – en partie inspiré des thèses du psychiatre allemand Hermann Simon. Soigner l’hôpital, soigner les établissements, les administrations, les relations et le milieu, pour remédier aux causes de la maladie mentale. Transformer l’ensemble des institutions en crise : les institutions du travail, par la mise en place d’instituts de formation professionnelle ; les institutions de maternage, par le biais des instituts de puériculture ; les institutions politiques, par l’engagement : dans le film il évoque ses années de militantisme anarcho-syndicaliste au sein du Bloc ouvrier et paysan (BOC), puis au Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) en Catalogne ; et enfin celles de sa coopération avec la Résistance française.
Dans Déconnage, Tosquelles parle de psychiatrie, des coopératives et des syndicats qui, sous la République catalane, s’organisèrent pour pallier l’absence de réseaux de santé publique. Il mentionne ses expériences de « psychiatrie amateur » pendant la guerre d’Espagne, il rappelle l’improvisation, l’urgence, la fin du monde, et la création d’un monde. Plutôt que d’analyse privée ou, comme il dit, « de clientèle », il parle de « psychanalyse de l’institution », du lien entre la pratique psychanalytique et les langues étrangères, de l’inconscient, de l’accent et de l’intonation. De la voix comme matière. De la posture du corps et de la marche. Des mères qui chatouillent les pieds de leurs enfants, puisque ce sont les pieds qui conduisent quelque part. Et d’une façon de concevoir la psychiatrie à la fois comme une forme d’anticulture et comme une pratique inscrite dans un paysage.
Mais de ce dont il était question dans Déconnage, la plupart d’entre nous n’en savaient rien. Nous ne connaissions ni le nom de Tosquelles, ni a fortiori ses expériences politiques et cliniques. Ce livre et les recherches qui l’ont rendu possible sont nés de cette ignorance. Ils sont nés de l’absence de Tosquelles dans l’imaginaire collectif, catalan comme espagnol. Nous ne savions rien de lui et nous voulions savoir, l’écouter, le lire. Nous voulions que l’héritage oublié de François Tosquelles nous parle d’un passé que nous méconnaissions, mais aussi d’une aventure collective au présent, qui parlerait de nous : de nos institutions malades et de nos malades ; de pratiques institutionnelles expérimentales qui nous permettraient d’imaginer, aujourd’hui, d’autres façons de vivre et de refaire la vie dans nos institutions sans être condamnés à y être toujours, et seulement, en guerre.

Une série d’expériences collectives conduisit Tosquelles à imaginer, à l’avant-garde de la psychiatrie, des institutions ouvertes. Des institutions qui rendent vivables les anciens espaces d’enfermement et qui humanisent les vies laissées pour compte ; des institutions traversées par des pratiques politiques en lutte contre les fascismes des années 1930 et 1940 et, dans la seconde moitié du XXe siècle, contre les nouveaux visages de la dépolitisation ; des espaces d’expérimentation artistique, littéraire et pédagogique, investis dans un esprit antiautoritaire. Aussi, et surtout, des institutions ouvertes sur des lieux où les patients puissent s’inscrire et vivre, en les transformant. Cette ouverture a permis à Tosquelles de repenser l’hôpital de campagne, le camp de réfugiés, la clinique privée comme l’hôpital psychiatrique public ; d’en redessiner les murs et les limites, le centre et les marges. Elle a créé des liens entre les pratiques politiques, médicales, artistiques et la vie matérielle dans les fermes, les jardins fruitiers et potagers, les périphéries. L’institution ouverte a donné lieu à une approche du soin par la « géo-psychiatrie », au travail autogéré, à la création de coopératives de malades et à un principe de formation perpétuelle des uns par les autres. Elle a suscité la circulation de la parole dans l’assemblée, dans les collectifs de théâtre et de cinéma ; elle fut à l’origine de la rédaction de journaux muraux, de la création de publications internes imprimées à l’hôpital, de débats sur l’art brut, son marché et les formes d’appropriation culturelle qui lui sont liées.
Cette histoire collective, qui prend à partir des années 1950 le nom de « psychothérapie institutionnelle », entend transformer ce qu’Erving Goffman appelait les « institutions totales », ces lieux d’isolement où les individus sont administrativement privés de lien social et soumis à la gestion bureaucratique de leur vie et de leurs besoins. Tosquelles associe la possibilité de cette transformation à la guerre. Il fait référence à ce propos tant à son engagement comme psychiatre dans les conflits armés – la guerre d’Espagne, la dictature franquiste, la Seconde Guerre mondiale et la France occupée – qu’à l’état de guerre comme expérience du monde. Dans les années 1970 et 1980, il va jusqu’à écrire qu’il faudrait organiser une ou deux guerres par génération : si ce n’est que la guerre tue, qu’elle produit de la souffrance, il faudrait la considérer, dit-il, comme une expérience souhaitable. Parce qu’il y a moins de névroses en temps de guerre qu’en temps dit de paix ; parce que la guerre situe, permet de s’exposer et d’agir ; parce qu’elle conduit à se demander ce qu’est une lutte et quelles sont les luttes qui comptent.
Ces propos provocateurs de Tosquelles mettent en garde contre le danger passé et présent d’un rapport dépolitisé à la vie des institutions et à leurs approches normées de la santé et de la folie ; et ceci de l’école à l’université, dans les lieux de travail comme dans les espaces de loisir, au cours de la maladie comme de la vieillesse. Faute de pouvoir identifier les dysfonctionnements des institutions ou les formes contemporaines d’autoritarisme, de paternalisme et de privation de liberté, nous souffrons d’un mal que nous sommes incapables de nommer ou transformer. Ces épisodes historiques n’appartiennent pas qu’au passé, ils ne parlent pas seulement de l’Europe des fascismes. Ils résonnent dans le malaise de l’institution en cette époque de néolibéralisme. Les pratiques collectives mises en œuvre par Tosquelles ont introduit dans le champ clinique et thérapeutique, comme dans le champ politique et littéraire la question de la vie vécue, si souvent absente de notre expérience contemporaine des institutions.
Le parcours de François Tosquelles est le plus souvent résumé à l’action qu’il a menée à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère, à partir de 1940 ; au récit légendaire d’un groupe d’hommes réunis dans ce lieu qui accueillait des résistants tandis que la France laissait mourir de faim 40 000 patients. Le psychiatre Max Lafont a parlé d’« extermination douce » pour qualifier ces morts dues à l’abandon, à la faim, au froid et à la carence généralisée de soins dans les hôpitaux français, tandis qu’à Saint-Alban on organisait la survie en mettant en œuvre des formes de coopération avec l’environnement local.
Dans la première moitié des années 1940, grâce aux liens du psychiatre Lucien Bonnafé avec l’avant-garde, la Résistance et le communisme français, l’hôpital de Saint-Alban accueillit, entre autres, le poète Paul Éluard, le peintre Gérard Vulliamy, le philosophe, médecin et historien des sciences Georges Canguilhem, l’historien du cinéma Georges Sadoul et le photographe Jacques Matarasso. Le poète et théoricien dadaïste Tristan Tzara ainsi que Jean Dubuffet s’y rendirent après la guerre – sur le conseil de Paul Éluard. Dubuffet y trouva en Jean Oury, alors jeune psychiatre, un interlocuteur privilégié. Frantz Fanon, à l’époque interne en psychiatrie, passa un an et demi (1952-1953) à travailler à Saint-Alban avec Tosquelles ; Peau noire, masques blancs venait de paraître et il était sur le point de s’engager dans la lutte de l’Algérie pour l’indépendance.
Ces noms ont été transmis au prix de l’effacement de bien d’autres. C’est le cas, en particulier, de ceux des femmes engagées dans le travail à l’hôpital : la psychiatre Agnès Masson, directrice de Saint-Alban dans les années 1930, qui fut à l’origine de la géo-psychiatrie ; la psychiatre Germaine Balvet – l’épouse de Paul Balvet, directeur de l’hôpital à l’arrivée de Tosquelles –, autrice d’une thèse sur les traitements à l’insuline, qui introduisit les soins homéopathiques aux herbes médicinales au sein de l’établissement ; Nusch, l’artiste et la compagne d’Éluard, qui prit part à l’organisation du théâtre ; ou encore la fille d’Éluard et de Gala, qui publia des textes sur les femmes de Saint-Alban dans le journal communiste Les Étoiles sous le pseudonyme de Cécile Agay. Tosquelles rappelle que Nusch et Cécile Éluard prirent même part à la psychothérapie de quelques schizophrènes. Ce silence autour de la présence des femmes trahit l’histoire collective de l’hôpital ; pour la rétablir et dire de quelle manière la subsistance a été rendue possible, il faut mentionner encore Elena Álvarez, l’épouse de Tosquelles, les religieuses de l’ordre de Saint-Régis et leur mère supérieure Théophile, le personnel soignant, les formateurs, les malades. François Tosquelles a mené de front à Saint-Alban vie familiale et travail collectif, avec Elena et leurs quatre enfants qui, à l’exception de Marie Rose (née à Reus en 1936), sont tous nés à l’hôpital et y vécurent, comme et avec les enfants des autres médecins et administrateurs.
Ce livre tente de redessiner les contours de cette histoire et de la vie matérielle à Saint-Alban en les inscrivant dans une autre constellation de noms propres, de corps et de vies vécues. Il cherche à désapprendre certains des moments emblématiques d’un récit légendaire et à le raccorder à des expériences de transformation culturelle, politique et psychiatrique, auxquelles Tosquelles avait participé plus d’une décennie avant son arrivée en Lozère : en Catalogne, entre Reus et Barcelone ; en Espagne, entre Sarinyena, Benabarre, Bujaraloz et Almodóvar del Campo ; en France, dans le camp d’internement de Judes à Septfonds.

La plupart des textes de Tosquelles écrits en catalan et en espagnol n’avaient jamais été traduits en français, et certains de ses textes en français demeuraient introuvables. Ce livre rassemble donc un ensemble de nouvelles traductions et d’essais difficilement accessibles parus dans des revues, journaux ou publications scientifiques. Il se présente sous la forme de morceaux choisis dans la vaste production intellectuelle, clinique et politique de Tosquelles, entre les années 1930 et 1990, et s’accompagne d’une importante documentation photographique et cinématographique. Cette anthologie de fragments s’inscrit en parallèle du projet d’édition de l’œuvre intégrale, intitulé Archives complètes et mené par Jacques Tosquellas aux Éditions d’une dirigées par Sophie Legrain.
J’aimerais que ce livre permette tout à la fois de se souvenir et d’apprendre, d’hériter et d’inventer, au croisement de la mémoire que nous ne possédons pas encore et de l’imagination qui nous fait défaut dans nos rapports avec les institutions contemporaines et leurs maladies.
    
    

Catalogue Tosquelles

Soigner les institutions
François Tosquelles, Joana Masó
2021

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Actu 147 – Mediapart hopital Asnières

28 sept. 2021


Article de Caroline Coq-Chodorge sur Mediapart : “À Asnières-sur-Seine, un service de psychiatrie détruit pour avoir défendu les droits des patients”

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Actu 148 – lettre ouverte Asnières

27 sept. 2021


“Lettre ouverte aux citoyen(ne)s, aux patient(e)s, aux impatient(e)s, aux usager(e)s, aux psychiatrisé(e)s et à toute personne concernée par les conditions d’accueil de la souffrance psychique en 2021” par un collectif de soignants d’Asnières

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Actu 153 – AMS expo Rein

4 sept.- 28 oct. 2021


Exposition d’Anne-Marie Schneider, La vie, à la galerie Michel Rein (Paris 3è). Voir à ce propos la monographie Anne-Marie Schneider incluant un DVD avec ses 4 films. Une salle lui est actuellement consacrée dans les collections du Musée national d’art moderne, à Beaubourg.

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Actu 146 – Extreme contemporain

2-4 juillet 2021


Rencontres de L’Extrême contemporain organisées par Julien Viteau, Alphonse Clarou et François Ballaud au Théâtre de L’Atalante (Paris 18). En ouverture : “La Ricotta” de Pier Paolo Pasolini (1963)

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Actu 145 – Camérer StLuc

18 juin 2021


Présentation de Fernand Deligny “Camérer. A propos d’images”, par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet au 10 rue St-Luc (Paris 18), avec la complicité de Sami El Hage, Florian Fouché et Violette Astier.

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Actu 144 – Sortie Camérer – INHA

9 juin 2021


Présentation du livre des écrits de Fernand Deligny, “Camérer. A propos d’images”, par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet à l’INHA (galerie Vivienne) dans le cadre du séminaire doctoral organisé par Hervé Joubert-Laurencin.

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“prière de ne pas marcher sur les pierres”, par Béryl Coulombié, les 29 et 30 avril, les 5 et 6 juin 2021

prière de ne pas marcher sur les pierres, par Béryl Coulombié
en collaboration avec Victoire Marion-Monéger

les samedi 29, dimanche 30 mai et samedi 5, dimanche 6 juin à 17h
réservation obligatoire par email : 10ruestluc@gmail.com

photographie : Romane Deal

prière de ne pas marcher sur les pierres

La main sans doigt je l’ai appelée pierre. Quelque part dans les Cévennes Fernand Deligny raconte que certaines pierres peuvent « faire repère », signes sans signifiance pour des enfants autistes mutiques. Il dit de ces enfants qu’ils sont « imperméables à l’ordre, sensibles au signe».

Je me prends d’affection pour toutes les formes qui (se) tiennent mal dans leur moule.

« Je » remplace tous ses sujets par o, la non-lettre

:

o = je
o = eux
o = Elles
o = pierre
o = Pierres
o = Pierre
o = .

o comprend : LACUNES, l’altération de la grammaire ; la défiance à l’égard du sujet, du temps qui file en ligne droite, de « se » qui désigne et de ce qui pointe, du cernes et du contour des formes, des scrupules et des mots.

Victoire donne forme au Vestiment, robe à quatre manches, objet habitacle. Monique Wittig écrit les Guérillères. De son affirmation jaillit la danse et toutes les tentatives :
« ELLES AFFIRMENT TRIOMPHANT QUE
TOUT GESTE EST RENVERSEMENT. »

Béryl Coulombié, mai 2021

photographie : Adrien Buyukodabas

 

Catalogue Camérer

Camérer. A propos d’images
Fernand Deligny
2021

en-savoir-plus

Camérer-Descriptif-Presse

39 €



 

Livre de 392 pages
avec 305 images (couleur et noir)
Format : 28 x 21,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-017-2
Date de parution : 4 juin 2021

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL),
de ArTeC et de la CFCUL.

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Camérer. A propos d’images

Fernand DelignyEdition établie par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Marina Vidal-Naquet.

Avec des textes de Hervé Joubert-Laurencin, Marlon Miguel, Jean-Louis Comolli, Anaïs Masson, Alexandra de Séguin, Sandra Alvarez de Toledo et Cyril Béghin

 

2-3-4 décembre 2021 : présentations à Bruxelles en partenariat avec l’Académie royale des beaux-arts, la librairie Tropismes et les éditions La Part de l’Œil. Jeudi 2 décembre à la librairie Tropismes : soirée de présentation-lecture autour de Fernand Deligny, Camérer. A propos d’images. Vendredi 3 décembre (ouvert aux étudiant·e·s de l’ArBA uniquement) : Deligny, un parcours, des films. Samedi 4 décembre – à partir de 9h30 (ouvert au public) : Deligny et l’image. En présence de Sandra Alvarez de Toledo, Dirk Dehouck, Sami El Hage, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Martín Molina et Marina Vidal-Naquet…

Pierre Eugène, “Fernand Deligny. Cinéma permanent”, Cahiers du cinéma, 6 pages, novembre 2021

28-29 octobre, ICI Berlin : un atelier intitulé “Assembling Milieus. Working the camera after Fernand Deligny”, organisé par Marlon Miguel à l’Institut for Cultural Inquiry (ICI), Berlin. Présentation, programme et inscription :
https://www.ici-berlin.org/events/assembling-milieus/

Mercredi 13 octobre 2021, 20h : présentation du livre à la librairie L’Atelier, Paris 20e, en même temps que le livre de Catherine Perret, Le Tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny, paru au Seuil en 2021.

Marianne Dautrey, “Faire corps commun avec Deligny”, Le Monde des livres, vendredi 2 juillet 2021
Lire

Vendredi 18 juin 2021, 18h : présentation du livre à l’atelier de L’Arachnéen, 10 rue Saint-Luc, Paris 18e

Mercredi 9 juin 2021, 18h : présentation du livre dans le cadre du séminaire doctoral de cinéma de Paris-Nanterre organisé par Hervé Joubert-Laurencin à l’INHA (2, rue Vivienne, 75002, Paris), RdC, salle Fabri de Pereisc.

 

 

Camérer-Descriptif-Extraits

39 €



 

Livre de 392 pages
avec 305 images (couleur et noir)
Format : 28 x 21,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-017-2
Date de parution : 4 juin 2021

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL),
de ArTeC et de la CFCUL.

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Camérer. A propos d’images

Fernand Deligny

Edition établie par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Marina Vidal-Naquet.

Avec des textes de Hervé Joubert-Laurencin, Marlon Miguel, Jean-Louis Comolli, Anaïs Masson, Alexandra de Séguin, Sandra Alvarez de Toledo et Cyril Béghin

 
« Mais où sont les images ? »

« Camérer, ça serait les prendre, ces images, parce qu’on ne sait jamais, parce qu’on verra bien. »

« Camérer, c’est peut-être mettre dans la caméra, dans la boîte, des éclats d’humain et c’est tout ce qu’on peut en retrouver, de l’humain commun, des éclats. »

« Où se voit que camérer, c’est s’en prendre au temps, qu’il s’agisse du “pousser” de la tige de blé, ou de “l’accueillir” de ce milieu qui tente d’admettre cet autre dont le désarroi est tel que la mémoire ethnique lui fait défaut. »

« Mais allez donc filmer un infinitif. »

« Il se pourrait que camérer cherche à effacer cette frontière inéluctable entre ce que l’homme perçoit de ce qui lui semble être la réalité et le réel souvent situé comme étant le néant. On peut s’étonner de l’extravagante envergure d’un tel projet. »

« Camérer, il y va d’autre chose qui peut s’écrire camerrer, comme si un certain point de voir errait dans une tentative. Cette tentative serait-elle de faire un film ? Pas du tout. Une tentative a lieu(x), avec une caméra pour ainsi dire incorporée dans son coutumier. Il n’y a donc pas de mise en scène ? Non. Nous ne sommes pas au théâtre. »

« De l’image se forme sans cesse. Elle serait myriade s’il était possible de compter les images comme on peut compter les mots. »

« Personne ne fait les images. »

 
Voir quelques doubles pages
La mise en page a été réalisée par David Poullard.

Lire l’avant-propos


 

Camérer-Descriptif-Sommaire

39 €



 

Livre de 392 pages
avec 305 images (couleur et noir)
Format : 28 x 21,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-017-2
Date de parution : 4 juin 2021

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL),
de ArTeC et de la CFCUL.

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Camérer. A propos d’images

Fernand Deligny

Edition établie par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Marina Vidal-Naquet.

Avec des textes de Hervé Joubert-Laurencin, Marlon Miguel, Jean-Louis Comolli, Anaïs Masson, Alexandra de Séguin, Sandra Alvarez de Toledo et Cyril Béghin

 

I. Écrits de Deligny 1978-1996

Camérer (1978-1981)

Introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« Camérer # 1 »
« Camérer # 2 »
« Camérer # 3 »
« Camérer # 4 »
« Camérer # 5 »

« Atelier INA. Esquisses de quelques projets possibles »
« La peau du rôle »
« La peau du rôle / le point aveugle »
« “Le point aveugle”, c’est le point aveugle de l’Histoire »

« Notes pour “Mécréer” »
« Mécréer »
Échange de lettres avec Robert Kramer

Film fossile (1982)

Introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« L’algue et le champignon »
« La voix du fleuve »
« Les fossiles ont la vie dure. À propos d’images »
« Les fossiles ont la vie dure »
« Malabur et Pipache »
« Acheminement vers l’image »

IMAGEs (1988-1996)

Introduction par Marlon Miguel et Marina Vidal-Naquet

« i comme image. De CARTE en IMAGE »
« Notes sur l’image »
« Le propre de l’IMAGEs »
« Filmer le vent… »
« Un prof »

II. Essais

« Cinéma et forme de vie. André Bazin et Fernand Deligny »
Hervé Joubert-Laurencin

« Mettre la vie en œuvre : autour de “La caméra outil pédagogique” »
Marlon Miguel

« L’évadé. À propos du Moindre Geste »
Jean-Louis Comolli

« Note sur l’éthologie et l’image chez Deligny »
Anaïs Masson

« Légendes de l’image »
Alexandra de Séguin

« L’image contre le cinéma »
Sandra Alvarez de Toledo

« La butée et l’intervalle. Jeter le mot image au-delà des bornes du langage »
Cyril Béghin

 

Camérer-Descriptif-Presentation

39 €



 


Livre de 392 pages
avec 305 images (couleur et noir)
Format : 28 x 21,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-017-2
Date de parution : 4 juin 2021

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL),
de ArTeC et de la CFCUL.

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Présentation
Camérer. A propos d’images

Fernand Deligny

Edition établie par Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson, Marlon Miguel, Marina Vidal-Naquet.

Avec des textes de Hervé Joubert-Laurencin, Marlon Miguel, Jean-Louis Comolli, Anaïs Masson, Alexandra de Séguin, Sandra Alvarez de Toledo et Cyril Béghin

 

La publication des Œuvres et de la Correspondance des Cévennes montrait déjà avec une évidence troublante la place du cinéma dans la pensée de Fernand Deligny et dans la vie du réseau d’enfants autistes fondé à la fin des années 1960 dans les Cévennes. La découverte, dans les archives, d’un corpus de textes spécifiquement consacrés au cinéma et à l’image à partir de 1978 nous a convaincus de la nécessité d’en faire un livre.

Les textes de Deligny s’organisent en trois parties chronologiques dont les titres, « Camérer », « Film fossile », « IMAGEs », dénotent le déplacement du centre de gravité de sa réflexion, de l’outil (caméra) – et donc du faire – à l’image qui ne se voit ni se prend, image autiste, image d’espèce, image versus langage…

Le mot « camérer » apparaît sous sa plume en 1977, comme une alternative à « filmer ». Sous sa forme infinitive, il privilégie la primauté du processus sur la visée de l’objet-film (camérer / camerrer). Il désigne bien une pratique, mise en œuvre dans les aires de séjour : des films se tournent (Ce gamin, là, Projet N, À propos d’un film à faire), des vues sont prises en super 8 (à destination des parents des autistes), puis en vidéo ; les projets sont nombreux, notamment avec l’INA. Mais « camérer » est également un concept, un outil de déstabilisation, une boîte à questions sans réponses. À la même époque Deligny forge « mécréer » (l’anagramme à une lettre près de camérer) : ne pas y croire, décevoir, ne pas filmer… En cela il est le contemporain de Marguerite Duras, de Jean-Luc Godard, ou de Chantal Akerman, et l’héritier d’André Bazin (dont il fut l’ami).

La deuxième partie de l’ouvrage achemine Deligny vers l’image, qu’il joue pour commencer contre le langage et la domestication symbolique, puis en symbiose avec lui. Il est l’« écrivant » qui s’adresse au « camérant », Renaud Victor (son interlocuteur principal en cinéma). Il se donne le rôle du canevassier, il cherche des alternatives au « scénario ». Puisque les images ne se prennent pas, dit-il, elles sont « sauvages » : ici se logent sa critique de l’humanisme occidental et son jeu avec l’éthologie : il se pourrait que l’image soit du règne animal, et qu’elle loge dans la « mémoire d’espèce » …

La troisième partie, « IMAGEs », ouvre la boîte de Pandore. Cherchant l’image, il en trouve une myriade, « tout est image ». Le cinéma s’éloigne, Deligny revient sur la symbiose impossible entre l’image et le langage prédateur. Autrement dit, les images se cachent, elles sont retenues dans le tain du miroir. Il recourt à Wittgenstein, dont il fait comme de tout une lecture intéressée : « je prends le mot image et je le jette au-delà les bornes du langage. » Dans quelques notes magistrales de la fin de sa vie, il fait remonter les images, dont quelques-unes, logées dans les marais de sa mémoire, « s’entretuent et se dévorent ».

L’iconographie du livre fait coexister toutes les formes d’images : pas de cinéma sans cartes, pas de cartes sans tracer ni manuscrits ; un lien pensé mais sans secret, les fait circuler et coïncider. En tout, plus de 300 images…

Le recueil des textes de Deligny est complété d’un ensemble d’essais inédits (sauf celui de Jean-Louis Comolli) par les meilleurs connaisseurs de son œuvre : il y est question des possibles points de contact entre la pensée de Bazin et Deligny (Hervé Joubert-Laurencin), de la place du cinéma militant dans les tentatives de Deligny avant les années 1970 (Marlon Miguel), de la façon dont le Moindre Geste touche au paradoxe de « camérer » : faire du cinéma contre le cinéma, échapper au programme et au cadre (Jean-Louis Comolli), de l’analogie entre image et « repère », pensée du point de vue de l’éthologie (Anaïs Masson) et du point de vue de l’espace envisagé dans la clinique psychiatrique psychiatrique (Alexandra de Seguin), d’une image introuvable – dans la tête de Janmari ? – , que Deligny jetterait en pâture à Renaud Victor contre l’arsenal du cinéma (Sandra Alvarez de Toledo), de la contemporanéité de sa réflexion avec celle des cinéastes pour qui image et langage se situent dans l’intervalle « d’une chose commune que ni l’un ni l’autre n’accomplit » (Cyril Béghin).

 

Catalogue Autoportrait dans l’atelier

Autoportrait dans l’atelier
Giorgio Agamben
2020

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Agamben-Descriptif-Presse

Diario_couv_def_filet_500

25 €


Livre de 132 pages
avec 85 images (couleur)
Format : 21,5 x 13,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-016-5
Date de parution : 20 novembre 2020

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL)

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Autoportrait dans l’atelier

Giorgio Agamben
Traduit de l’italien par Cyril Béghin

 

Fabien Ribery, “Autoportait dans l’atelier, par Giorgio Agamben, philosophe”, L’intervalle blog, 10 mars 2021
Lire

Anthony Collot, recension dans Art Press, mars 2021.
Lire

Jérôme Delclos, “Dans le miroir de courtoisie”, Le Matricule des anges, janvier 2021
Lire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agamben-Descriptif-Auteur

Diario_couv_def_filet_500

25 €


Livre de 132 pages
avec 85 images (couleur)
Format : 21,5 x 13,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-016-5
Date de parution : 20 novembre 2020

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL)

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Autoportrait dans l’atelier

Giorgio Agamben
Traduit de l’italien par Cyril Béghin

 

Giorgio Agamben est né le 22 avril 1942, à Rome.

Après des études de droit et de philosophie (étudiant à l’Université Sapienzia, il consacre sa thèse à la philosophe française Simone Weil), il suit à deux reprises l’enseignement de Martin Heidegger au Thor (France), à l’invitation de René Char, à l’été 1966 (Héraclite) et l’été 1968 (Hegel).

Son premier livre, L’Homme sans contenu, consacré à la question de la naissance de l’esthétique moderne, paraît en 1970.

Sa recherche – qu’il présente, empruntant les termes de Michel Foucault, comme une archéologie du présent (Signatura rerum) – se situe pour l’essentiel au croisement de trois champs disciplinaires : le droit (Le Pouvoir souverain et la vie nue, État d’exception, Stasis), la théologie (Le Temps qui reste, De la très haute pauvreté) et la philosophie (elle-même produite à la rencontre de trois traditions : la philosophie antique et en particulier l’œuvre d’Aristote ; la philosophe moderne allemande – Heidegger et Benjamin, dont il édite les œuvres complètes en italien ; et la philosophie contemporaine française – Foucault et Deleuze en particulier). Prolongeant, comme il le dit lui-même, un certain nombre des thèses de ces derniers, sa recherche se compose de catégories qui prennent naissance précisément au croisement de ces disciplines : biopolitique, exception, archéologie, puissance, usage, forme-de-vie, désœuvrement, destitution. 

En 1990, prenant part au débat initié dix ans plus tôt par la parution du livre de Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, et relancé par Maurice Blanchot dans La Communauté inavouable, il publie un de ses livres les plus singuliers et féconds, La Communauté qui vient. Théorie de la singularité quelconque.

L’Usage des corps, dernier livre de la série des neuf volumes d’Homo sacer, paraît en 2015.

Depuis quelques années et la publication d’un petit livre consacré à la figure de Polichinelle dans les derniers travaux de Giandomenico Tiepolo (Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes), la peinture occupe un rôle central dans sa recherche : il publie Autoritratto nello studio en 2017 et vient de publier Studiolo (2019).
 
 

Agamben-Descriptif-Extraits

Diario_couv_def_filet_500

25 €

Livre de 132 pages
avec 85 images (couleur)
Format : 21,5 x 13,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-016-5
Date de parution : 20 novembre 2020

Livre publié avec le soutien
du Centre national du livre (CNL)

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Autoportrait dans l’atelier

Giorgio Agamben
Traduit de l’italien par Cyril Béghin

 

Extrait de la mise en page (PDF), p.66-71.

 

« À présent tu as presque l’impression de pouvoir écouter les thèmes de la vie, comme dans une partition musicale. Les rencontres décisives, les amitiés, les amours sont les phrases et les motifs qui s’énoncent et se répondent dans le contrepoint secret de l’existence, où il n’y a pas de portée pour les noter. Et même lorsqu’ils semblent situés dans un passé lointain, les thèmes de la vie sont nécessairement incomplets, comme une mélodie ou une fugue interrompue qui attend d’être poursuivie et reprise. Essayer de les écouter – dans l’obscurité. Rien d’autre. » (p.6)

Giorgio Agamben et José Bergamín, Séville, 1976.

 

« Une légende médiévale sur Virgile, dont la tradition populaire avait fait un magicien, rapporte que, prenant conscience de sa vieillesse, il recourut à ses propres talents pour rajeunir. Après avoir donné à un fidèle serviteur les instructions nécessaires, il fut découpé en morceaux, salé et mis à cuire dans une marmite, où il avait recommandé que personne ne regarde avant l’heure. Mais le serviteur – ou, selon une autre version, l’empereur – ouvrit la marmite trop tôt. “C’est alors, raconte la légende, que l’on vit un petit enfant tout nu faire trois fois le tour de la cuve qui avait contenu les chairs de Virgile, après quoi il s’évapora, et du poète, il ne resta rien. » (…)
Mûrir et se laisser cuire par la vie, se laisser choir – comme un fruit – sans regarder où. Rester enfant, c’est vouloir ouvrir la marmite pour voir tout de suite ce qui ne devrait pas être regardé. Mais comment ne pas éprouver de la sympathie pour ces personnages de fable qui sans y réfléchir à deux fois poussent la porte interdite ? » (p.23-24)

 

« Pendant ses dernières années à Paris, Benjamin vivait dans une telle misère qu’il ne pouvait se permettre d’acheter du papier. De nombreuses notes sont inscrites aux dos de lettres, qu’il découpait pour pouvoir s’en servir, comme celle-ci, sur la moitié d’un courrier de Jean Wahl qui lui donnait rendez-vous à la Closerie des Lilas avec Lionello Venturi.
Qu’est-ce que je dois à Benjamin ? La dette est si incalculable que je ne saurais même ébaucher une réponse. Mais sûrement une chose : la capacité d’extraire et d’arracher de force de son contexte historique ce qui m’intéresse pour lui redonner vie et le faire agir dans le présent. L’opération doit être exécutée avec toutes les précautions philologiques, mais jusqu’au bout et avec détermination. Sans cela, mes incursions dans la théologie, le droit, la politique, la littérature, n’auraient pas été possibles.
En ce sens, Benjamin est le seul auteur dont j’ai voulu, dans la mesure de mes forces mais sans réserves, continuer l’œuvre. » (p.80-81)

 

« Un philosophe qui ne se pose pas de problème poétique n’est pas un philosophe. Cela ne signifie pas, cependant, que l’écriture philosophique doit être poétique. Elle doit plutôt contenir la trace d’une écriture poétique qui s’évanouit, elle doit exhiber en quelque sorte le congé de la poésie. Platon l’a fait en composant une œuvre littéraire ample et admirable, pour la déclarer ensuite privée de sérieux et de valeur et en contaminant délibérément, chaque fois, la tragédie avec le mime et la comédie. Pour nous, qui ne pouvons plus écrire de dialogues, la tâche est encore plus difficile. Si l’écriture trahit toujours la pensée et si la philosophie ne peut néanmoins simplement renoncer à la parole, alors, dans l’écriture, le philosophe devra chercher le point où celle-ci disparaît dans la voix, se mettre en chasse, dans chaque discours, de la voix qui n’a jamais été écrite – de l’idée. L’idée est le point où le langage signifiant s’abolit dans le nom. Et philosophique est cette écriture qui accepte de se retrouver chaque fois sans langue face à la voix et sans voix face à la langue. » (p.90)

 

« J’ai presque toujours vécu dans des maisons qui ne m’appartenaient pas et, de fait, j’ai souvent dû les quitter. Je me demande comment j’ai réussi et comment je réussis encore à écrire dans des ateliers différents et à habiter dans plusieurs endroits. Il s’agit sûrement d’un tribut exorbitant que je paye à l’esprit du temps, tellement privé de racines – mais je crois qu’elles composent en réalité un unique atelier, dispersé dans l’espace et dans le temps. C’est pourquoi – bien qu’il m’arrive parfois, en me réveillant, de ne plus savoir très bien où je me trouve – je peux y reconnaître, diversement disposés et à peine changés, les mêmes éléments et les mêmes objets. Des meubles et des images de l’atelier du vicolo del Giglio survivent ainsi dans celui de la via Corsini. La commode sous laquelle je conservais l’archive de mes écrits publiés est restée identique d’un lieu à l’autre, et j’ai parfois l’impression, en cherchant un livre, de retrouver des gestes des jours passés, témoignant de ce que l’atelier, comme image de la puissance, est quelque chose d’utopique, qui réunit en lui des temps et des lieux divers. » (p.91)

 

« J’ai souvent rêvé de trouver le Livre, le Livre absolu et parfait – celui que l’on a plus ou moins consciemment cherché toute sa vie en chaque lieu, dans chaque librairie, dans chaque bibliothèque. C’est un livre illustré, comme les vieux livres pour enfants de ma collection, et, en rêve, je le tiens entre les mains et le feuillette avec une joie grandissante. C’est ainsi que l’on continue à chercher pendant des années sans relâche, jusqu’au moment où l’on comprend que le livre n’existe nulle part et que la seule façon de le trouver est de l’écrire nous-mêmes. » (p.105)

 

« Si je pense aux amis et aux personnes que j’ai aimées, il me semble qu’ils ont tous quelque chose en commun que je ne saurais exprimer qu’ainsi : ce qui était indestructible en eux, c’était leur fragilité, leur capacité infinie à être détruit. Mais il s’agit peut-être de la définition la plus juste de l’humain, de cet instabilissimum animal qu’est l’homme selon Dante. Il n’a pas d’autre substance que celle-ci : pouvoir survivre infiniment au changement et à la destruction. Ce reste, cette fragilité, est précisément ce qui demeure constant, ce qui résiste à l’alternance de vicissitudes de la vie individuelle et de la vie collective. Et ce reste est la physionomie secrète qu’il est si difficile de reconnaître dans les visages changeants et caducs des hommes. » (p.113)

 

Agamben-Descriptif-Presentation

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Livre de 132 pages
avec 85 images (couleur)
Format : 21,5 x 13,5 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-016-5
Date de parution : 20 novembre 2020

Livre publié avec le soutien
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Présentation
Autoportrait dans l’atelier

Giorgio Agamben
Traduit de l’italien par Cyril Béghin

 

Donnant en ouverture les exemples de Gauguin, Tintoret ou Titien, Agamben fait tourner son Autoportrait autour des ateliers (le mot studio, en italien, signifie également bureau, tandis que l’« atelier » est, dit-il, confondu avec l’« habiter ») dans lesquels il a vécu et écrit entre Rome, Venise et Paris. Le récit louvoie d’un lieu à l’autre, d’une image et d’un personnage à l’autre, toujours fortement arrimé à une ville. Il s’ouvre et s’achève avec la grande amie, la poétesse et écrivaine Elsa Morante, Elsa et « son cercle » à Rome, Elsa qui lui fit rencontrer Pasolini, Elsa qui disait « seul qui aime connaît » et à qui il fit lire les Cahiers de Simone Weil. Cette « autohétérographie » est un livre sur les rencontres, sur l’amitié à propos de laquelle le philosophe dit n’être qu’un épigone, « un être qui ne se génère qu’à partir des autres et ne renie jamais cette dépendance » …

Au cœur du récit, Walter Benjamin, dont il ne commente pas la pensée (centrale dans son œuvre) mais qu’il évoque de manière centrifuge : via le cercle de Stefan George, la figure du poète Fritz Heinle, ou celle de Max Kommerell dont l’œuvre inspira à Agamben ses réflexions sur le geste, pour en venir à la théorie poétique d’Holderlin qui lui donne l’occasion de définir sa propre stratégie d’écriture – tension vers le nom, libération du logos. Parmi ses maîtres : Heidegger – pris dans le souvenir des séminaires au Thor, dans le Vaucluse, en 1966 et 1968 – et ses deux grands amis, le restaurateur et historien de l’art Giovanni Urbani et l’écrivain et poète José Bergamín dont « la qualité volatile et insubstantielle de son moi » plaçait chacune de leurs rencontres sous le signe de la joie et de la comédie. Dans le registre de la « plaisanterie », il redit sa passion pour Alfred Jarry, dont il traduisit Le Surmâle à vingt-deux ans.

Dans ses parages, une constellation d’écrivains et poètes, Nicola Chiaromonte, Francesco Nappo, Giorgio Manganelli (qui, comme Ingeborg Bachmann, a « vu l’enfer à travers la langue »), Giorgio Caproni, Carlo Betocchi (inédit en français, comme Nappo), Italo Calvino bien sûr, ou la poétesse Patrizia Cavalli… Il s’attarde sur l’œuvre de Giorgio Pasquali et la philologie qu’il dit n’avoir jamais pu séparer de la philosophie. La place de la théologie est ici occupée par le Moby Dick de Melville, auquel il consacre une brève et magistrale analyse. Dans un registre plus directement politique il rappelle sa rencontre (dans les années 1980) avec Guy Debord, et celle avec les « deux Julien – Coupat et Boudart –, Fulvia et Joël » dont naquirent Tiqqun et le bloom.

L’art n’avait occupé jusqu’à maintenant qu’une place marginale (ou réservée) dans l’œuvre d’Agamben. Trois de ses derniers ouvrages, Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes, l’Autoportrait et Studiolo (à ce jour non traduit), semblent l’en rapprocher. Mais dans l’Autoportrait, il est au fond moins question d’art que d’artistes, de rencontres encore, avec le sculpteur Francisco Lopez et la peintre Isabel Quintanilla, tous deux situés dans une tradition figurative, ou avec le contrebassiste Stefano Scodanibbio. Quand il écrit à propos du Supplice de Marsyas de Titien ou de l’Allégorie de la science de Serodine, c’est pour revenir, en philosophe, à l’idée.

Le thème de l’enfance a traversé l’œuvre d’Agamben. Dans Autoportrait dans l’atelier elle a plusieurs manières d’apparaître. Pour elle-même, en tant que la « condition infantile » est une espèce étrangère à celle de l’adulte ; sous la forme des livres pour enfants de sa collection, de Pinocchio au Principe Infelice de Landolfi, en passant par des abécédaires à la recherche d’une langue qui n’existe pas… Ce n’est nul hasard si ce chapitre précède immédiatement un hommage à Robert Walser, dont l’écriture semble réunir à elle seule quelques-unes des lignes poétiques tracées par sa philosophie : une manière de cheminer au bord de l’abîme, « presque à y danser », analogue à ces « pantomimes et ballets de cirque qui, comme toute pantomime, contiennent un élément initiatique. »

 

Actu 143 – Deligny IMEC

8-10 oct. 2020


Deux jours de rencontres autour de Fernand Deligny, “Écrire à l’infinitif”, à l’IMEC (abbaye d’Ardenne) dans le cadre des “Gais Savoirs”. / Covid-annulation.

Plus-d'informations-ici

“Manifeste Janmari”, exposition de Florian Fouché, du 2/10 au 21/11/20

Manifeste Janmari,
une exposition de Florian Fouché

2 octobre – 21 novembre 2020
Ouverture le vendredi et le samedi de 11 h à 19 h et les autres jours sur rendez-vous (0678131075).

Florian Fouché, Philippe, 2020. Vidéo sonore, boucle, 11 min. Actions réalisées et filmées avec Philippe Fouché.

Manifeste Janmari

Un manifeste non verbal.

Je rapproche deux personnages : Janmari et Philippe.

Janmari est l’enfant autiste rencontré par l’éducateur et écrivain Fernand Deligny en 1967, qu’il ne quitta plus jusqu’à sa mort. C’est le personnage le plus légendaire de la dernière tentative de Deligny : un réseau expérimental de prise en charge d’enfants autistes mutiques, réseau actif dans les Cévennes de 1968 aux années 1990. L’idée était de produire un milieu de vie qui permette à ces enfants une mobilité autre, entre danse et objet. Janmari apparaît dans cette histoire comme un être spécial, doué de pouvoirs particuliers, avec des gestes qui lui sont propres. Ma question de départ était de savoir jusqu’où Janmari et son monde peuvent faire modèle, ou manifeste.

Philippe, c’est mon père, Philippe Fouché. Il est devenu hémiplégique en 2015, après un accident vasculaire cérébral. Depuis, il se déplace en fauteuil roulant et vit en institution.

Janmari, Philippe, sont assistés. Comme tout le monde, comme toute puissance ou impuissance. Rien ni personne n’existe seul. Nous sommes tous à la fois des assistés et des assistants.

Trente-sept actions ont été filmées durant ces mois de pandémie, dans le lieu même d’exposition, qui se présente comme un environnement d’objets (accessoires et/ou sculptures) et une zone de visionnage. Le montage des actions filmées est présenté sur trois écrans, chacun associé à un titre : Philippe, Vie assistée, Mémoire de Janmari.

Auprès des autistes, Deligny a imaginé une « mémoire en quelque sorte réfractaire à la domestication symbolique, quelque peu aberrante, et qui se laisse frapper par ce qui ne veut rien dire, si on entend par frapper ce qui fait empreinte ». J’aime cette idée d’une mémoire « quelque peu aberrante ». L’aberration, c’est libérateur.

Florian Fouché, septembre 2020

Les actions ont été réalisées et filmées en collaboration avec Yannik Denizart et Philippe Fouché, et avec la participation de Martin Molina Gola.

www.florianfouche.com

Avec le soutien à une recherche/production artistique du Centre national des arts plastiques.

Florian Fouché, Vie assistée, 2020. Vidéo sonore, boucle, 66 min. Actions réalisées et filmées avec Yannik Denizart.

Florian Fouché, Mémoire de Janmari, 2020. Vidéo sonore, boucle, 34 min. Actions réalisées et filmées avec Yannik Denizart et Martin Molina Gola.

 

Deuxième version de la présentation de Manifeste Janmari.
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Ma colère, par Corinne Rondeau

À qui veut…

 

Le 20/05/20, par Corinne Rondeau


Velimir Khlebnikov, La loi des générations, 1914

 
Ma colère

La création à l’ordre du jour d’un syndicat d’artistes et d’auteurs [1] est une initiative nécessaire et légitime pour le statut des personnes, nul ne pouvant avoir moins qu’un autre, ce qui est le cas de beaucoup dans le champ de l’art et de la culture. Cependant, il me semble opportun de prendre le temps du détour, et penser en parallèle à l’initiative des questions comme le travail, la visibilité, la liberté.

Telle une perspective invisible, nos regards se dirigent en un point névralgique, le travail. Comme si la vision de l’espace et le sens de nos vies avaient été pris à la gorge, lentement mais sûrement, par ce mot. Avoir ou pas un travail dans une société d’économie néolibérale est une source de souffrance parce que le travail est devenu le mot de la grande entreprise gestionnaire des corps et des esprits. Une entreprise comptable qu’elle soit publique ou privée, qui organise ouvertement ou insidieusement les maltraitances en son unique faveur, profits et réductions de droits en tout genre compris. Nul besoin d’insister sur la conséquence, un champ de vision semblable à nos vies : étriqué, borné, asphyxié.

Par un effet de loupe, la pandémie exacerbe ce qui était à peine voilé, la fragilité d’un système qui avoue ses tragiques dépendances, sa violence, et la brutalité de gouvernants qui n’ont de cesse de nous replonger dans « l’urgence », autre mot qui va si bien à la vitesse délétère du temps dit « d’avant », ce qui signifie qu’on y est toujours. La dignité serait d’arrêter les florilèges sur le temps « d’après », moins pour garder raison que refuser de relancer des projets d’avenir dont on ne sait jamais de quoi il peut être fait. Toujours les effets de manches des discours et de la communication, or ce n’est pas parce qu’on l’a dit qu’on le fait, lapalissade qui vaut mieux qu’un mensonge.

Ce virus nous donne du temps, car il contamine le temps des vitesses sur lequel s’est édifié l’entreprise comptable d’une idéologie totalisante, avec son effet rouleau-compresseur qui laisse derrière lui défaitisme ou révolte. Cet organisme vivant dont la force invisible fait plonger des sociétés entières dans un désastre économique et social, pire que la mort qu’il sème, dit combien notre défaut de structure est celui d’une temporalité inadaptée aux corps et à l’esprit de ceux qui travaillent, dont la finance, qui s’arrange de tout, paraît toujours immune. Ce virus, comme tout le règne du vivant, demande qu’on procède avec un autre temps. Temps il est vrai propice à laisser resurgir rivalité, concurrence et vitesse, un vaccin ! un vaccin ! quand le HIV attend toujours le sien. En contaminant le temps, il nous somme d’être là où nous ne sommes jamais, et depuis si longtemps, au présent qui nous manque et sa durée. Le temps du virus c’est un temps contre le progrès, c’est aussi le temps de nous désenchaîner au lieu de nous déchaîner contre l’orientation flagrante du tout-contrôle sécuritaire et sanitaire. Car se déchaîner prouve seulement combien les chaînes sont à nos pieds, et puisque tout le monde – ou presque – en connait le poids, après avoir perdu trop de temps à lutter, il est temps d’ouvrir de nouveaux chemins. La solution ne serait-elle pas ailleurs et exactement à l’endroit où ça lutte : du côté de l’appétit de vivre.

Preuve des chaînes de notre temps et de la sémantique, l’urgence se décline en « état d’urgence », en « service des urgences », en « urgence économique », rien d’autre qu’une organisation technocratique des fins : politique, vie, société. Le vivant, c’est-à-dire nous, en est asphyxié, maintenu qu’il est par la menace globale des autocraties. Mais qui voudrait d’un ordre de mort, d’une organisation des fins devenue ensemble carotte et bâton, d’une mécanique de normalisation entre des luttes sans fin enterrées, d’un particularisme des droits dans une société qui se targue d’égalité, d’un capitalisme numérique pour que la maison de demain devienne l’avenir d’une prison. L’ordre de mort, qui n’est pas l’action du virus, veut balayer le réel qui est déjà pour partie sous le tapis. Mais un tapis ça se secoue. Le chaos est notre chance, et à ce compte un virus peut aussi être notre miracle. Parce que le réel, d’une incessante mobilité, est l’expérience de la résistance, le chaos doit s’ordonner selon un fatras de vivants qui résistent aux représentations de la réalité, représentations des révolutions passées comprises. Il faut secouer le tapis parce que le réel de nos vies est là, mais écrasé, affamé. Ce fatras est proprement, une liberté des alternatives, des coopérations, et la responsabilité du sens apportée aux gestes inventés.

Ainsi au temps covid-19, un nouveau syndicat voit le jour, le syndicat de travailleurs artistes-auteurs (STAA). Citoyens, ils le sont au même titre qu’un énarque, un éboueur. On entend dire que ce qu’ils font « n’est pas du travail ». L’art et la culture, pas du travail ! On ne s’étonne pas d’y être si mal rémunéré, voire recevoir l’aumône. Pas un travail, mais une économie d’artistes-auteurs bankables qui ne se posent pas la question de leur statut, la reconnaissance médiatique y suppléant, et aussi, conséquemment, la recherche pathologique de visibilité et de réussite.
La naissance d’un syndicat en cette période de crise est sans doute à l’ordre du jour, tant la diminution des droits, des revenus et des aides, là comme ailleurs, risque d’être massive, mais sous la grande arche du numérique et des réseaux sociaux, un autre chemin est possible qui n’a pas l’éclat des apparences mais garantit l’essentiel, une solitude inaliénable, l’obscurité où l’on n’obéit à personne. Que l’initiative advienne en période de régression de la sphère économique et sociale, dit effectivement qu’un syndicat est une structure de gestion, qu’on appartienne ou non au champ de la culture. Sauf que les mots de « syndicat » et « travailleurs » ne sont pas du temps d’un miracle. Je les entends plutôt, hélas, comme un pis-aller, à une époque où plus que jamais il est nécessaire et vital de lutter pour la disparition du travail tel qu’on l’exige de nous. Nos forces sont mises à rude épreuve par une gestion autocratique des vies, et la dévaluation du « métier ». Il n’y a pas toujours eu de « travail », il y a d’autres économies dans un monde de métiers qui ignorent superbement les mots de « compétence » et d’« évaluation » sans pour cela céder sur le talent. Ce qui est incroyable, c’est l’aveuglement, malgré les révoltes justifiées face à l’injustice socio-économique, à vouloir maintenir l’illusion de l’après Trente Glorieuses consécutif à la guerre, tel un système éternel. Pourquoi vouloir renverser encore une fois la table quand la doctrine de l’économie de marché a intégré la spéculation de la pauvreté depuis belle lurette ? Pourquoi choisir un syndicat dont la structure est verticale quand la coopération, condition de notre retour à une juste faim, est horizontale, tout ce qui en définitive ne relève pas d’un projet ou d’un énième programme, et rend possible le présent avec imagination. Coopérer avec imagination, seule condition de retour à la liberté et donc aux alternatives. Car c’est bien là que nous avons été enchaînés, à l’impossibilité de pratiques de liberté qui laissent les rues pleines de gens qui n’en peuvent plus, à raison. Or, il me semble qu’à brandir le mot de liberté nous faisons fausse route contre l’autocratie. L’usage des mots comme celui de lutte ou de liberté masque le présent, versant dans une nostalgie, et un certain romantisme des révolutions auxquelles le néolibéralisme, prompt à s’adapter et à réagir d’un mensonge, d’un mépris, ou d’une énième carotte, a déjà la parade. Si l’imagination ne vient pas à notre renfort, « présent » sera un simple mot de plus, et notre destin d’affamés toujours aussi affamé.
Le « métier » a disparu, et avec lui le bonheur possible du travail, pour devenir de la « professionnalisation », de l’« emploi », un cadrage d’activités qui se situe entre la spécialisation (l’expert) et le chômage (le contrat précaire, l’intérimaire). Un certain nombre d’individus occupent des places convoitées, d’autres des points de calculs de statistiques. Le syndicalisme n’a aucune raison d’échapper au professionnalisme et à la comptabilité. Le seul métier qui a intégré l’industrie culturelle, diffusé à l’envi sur tous les médias, et c’est celui de cuisinier. On nous engraisse les yeux en nous affamant, alors que les rayons de farine et de sucre des supermarchés dévalisés causent la pénurie. Comprendre que la faim n’est pas là où l’on croit.
Je n’hésite pas à dire ma haine du temps qui s’est ainsi formé en monde, notre époque. Ma crainte aussi, si un syndicat d’artistes et d’auteurs ne se donne pas d’abord pour mission de mettre fin au travail qui aliène et affame. Paradoxe ? Non.
« C’est pas du travail ! » Prenons la critique à la lettre, pas pour défendre l’étendard de la création, comme La liberté guidant le peuple, marre des clichés ! Juste pour dire qu’artistes et auteurs manifestent ce qui a été retiré du travail, le désir, le moteur de la créativité. Car qui irait contre le fait que le désir n’existe pas chez n’importe qui ? qu’il est chez tous ceux qui sont à son endroit. Vrai qu’avec la structure du travail telle qu’elle est, les gens meurent et souffrent de l’absence de créativité, d’initiative, d’imagination, et pas que les individus, les collectivités qui voient s’effondrer tous les jours un monde qu’elles portent comme Atlas sur leur dos. Il ne faut pas s’étonner de voir ici ou là nombre d’initiatives anonymes à la recherche de l’autonomie ou parce qu’il n’y a plus de service public. Ce choix n’est pas une lubie d’écolos ou d’anarchistes, ou alors ceux-ci se trompent eux-mêmes, la cause à des têtes toute pleines de représentations des luttes passées qui connaissent si peu leur histoire. Le temps n’est plus à la reproduction, à l’imitation de la force des luttes ouvrières ou autres, forme de refuge quand ça va trop mal, c’est comme d’ouvrir trop de livres pour mettre des fictions entre soi et les drames du réel. La reproduction et l’imitation, et même si je ne parlais que d’art, sont des formes reflexes d’un engourdissement dans la révolte. Une nature morte : s’assimiler à la mort, façon de payer à vie son tribut à la pérennité d’une représentation, alors qu’il faut du mouvement.

Il y a une chose merveilleuse dans l’invention de la perspective de Brunelleschi, bien différente du système de projection mathématique dominant jusqu’au XIXe. La merveille ne se trouve pas dans la projection de lignes convergentes en point de fuite, dit aussi le point de l’œil, mais dans un badigeon d’argent bruni pour tout ciel sur la tablette de bois. Pour démontrer que la représentation est à l’exacte mesure et proportion du Baptistère de Florence, l’architecte-peintre place un miroir à distance, entre la représentation et le bâtiment octogonal et symétrique. Si le reflet de la peinture, vu par l’observateur, regardant au dos de la tablette de bois superposée à l’édifice réel, se trouve à l’image du réel, la vérification se fait là où passent au présent des nuages sur l’argent bruni. Ainsi le miroir rectifie le champ de vision de l’observateur, donnant l’illusion d’une continuité parfaite malgré les bords de la tablette. Le champ de vision ne se clôt pas, il s’ouvre, il s’ouvre à l’infini. C’est le mouvement des nuages qui assure l’invention de la perspective. La merveille est dans le badigeon, l’expérience d’un espace réel par l’entremise de l’art. Comment s’étonner que cet espace soit resté la norme pendant cinq siècles. Or, ce qui est le plus mobile est le plus oublié du système, c’est le caché sous les yeux, les nuages. Ce mouvement, il faut l’appeler la morale de l’art : quelque chose se fait à travers quelque chose qui se défait. Les nuages transgressent des lignes droites convergentes. Il faut ainsi œuvrer pour remettre à l’endroit ce qui est à l’envers. « La provocation c’est remettre la réalité sur ses pieds », belle formule que laisse Brecht, à notre époque. L’économie nous a mis la tête en bas, et la politique nous la maintient sous l’eau. Il faut donc trouver le moyen de passer d’une contre-plongée à une plongée. Changer la représentation de l’espace, c’est changer la vision, et avec elle nos vies. Être en mouvement, cesser de conserver des places « quoi qu’il en coûte ».

Raison pour laquelle l’usage du mot « syndicat » n’est pas satisfaisant, et celui de « travailleur » paradoxalement romantique dans le contexte actuel. Les mots sont des pièges quand ils dessinent des histoires dont nous n’avons écrit aucune page. Ils accordent certes des places quand on les dit comme il faut dans la grande entreprise de normalisation : parler comme il faut, sans critique, toujours abstraitement avec un projet, un programme, des idées plein la tête, sagement alignées sur les opinions majoritaires, ressassées par les médias jusqu’à la nausée, et jamais d’alternative, jamais. Ne réveiller personne du rêve des mots, voilà le cauchemar ! Sauf que le présent mérite ses mots, et qu’il faut les arracher coûte que coûte à la mort de notre époque. Des mots déjà là, comme les nuages sur la tablette de bois de Brunelleschi, comme les mots de William Morris [2] : nous n’avons pas besoin de réforme, mais de révolution, au sens d’une entreprise de modification des fondations de la société. Il n’y a là aucune contradiction. Une révolution n’a pas d’autre mot que la coopération. Qu’est-ce que la coopération au-delà de sa forme horizontale ? Faire au présent, former l’agir sans tergiverser sur les idées, bonnes ou mauvaises, prenons-les pour ce qu’elles sont, des ruades. Il faut entrer par le milieu, de travers, n’importe comment s’il le faut, pour que notre appétit grandisse, que la table ne soit plus renversée comme les barrières dans les rues, que l’industrie culturelle s’assèche au lieu de nous engraisser virtuellement. Il faut en finir avec les mots « projet », « programme », parce que penser dans des mots qui ne sont pas ceux de l’art, c’est accepter qu’on dise aux artistes quoi faire, et encore comment. Un projet, un programme, c’est toujours la promesse d’une finalité, et après la promesse, l’apocalypse, et la ritournelle des nouvelles finalités, des nouveaux droits à conquérir sur la faim qui affame. Nous voulons reprendre la main, redevenir les artisans qui donne l’appétit aux alternatives, à ce qui peut l’être, simplement. Mais à une époque où règles et lois limitent les plus saines utopies, le présent est asphyxié. La pensée d’Ernst Bloch [3] est pourtant encore à notre portée, « Tout ce qui existe a son étoile utopique dans le sang ».
Si le mot de travailleur sert à manifester l’idée de lutte, alors il faut la nommer sans se tromper de temps ni d’ennemis. Quant au syndicat d’artistes et d’auteurs, qui est un regroupement d’individus en partage d’intérêts, aucun de ses membres ne pourra contester que des intérêts d’artistes ou d’auteurs, même en collectifs, sont des intérêts éclatés au sein de l’art et de la culture, comme on le voit à l’émergence de toutes les avant-gardes. S’il est invraisemblable qu’un groupe de citoyens ne puisse bénéficier de protections sociales, je persiste à dissocier le statut des personnes, leur demande légitime de droits, des moyens de travailler en tant qu’artistes et qu’auteurs.

Travailler à ne pas travailler comme les autres, cela signifie se libérer du travail en travaillant. Ça peut en agacer, il faudrait s’en réjouir. Se libérer du travail en travaillant ne se fait qu’au présent, là où est aussi possible la coopération de gestes sans dénomination. Car toute attention portée aux gestes conduit à se taire. Les artistes-auteurs ne sont pas au-dessus des autres, comme feignent de le croire les anciens occupants de la rue de Valois lorsqu’ils évoquent un New Deal de la culture. Le New Deal a d’abord été une façon de regarder le présent en face, en l’occurrence la misère, à preuve la part qu’y tiennent les photographies documentaires, comme celles de Dorothea Lange.
Les misères d’aujourd’hui ont le masque des illusions du progrès et de la prospérité, désormais défini comme la projection permanente de nos vies, incapables d’autres vies sous la menace d’une normalisation forcée. Chez les législateurs libéro-progressistes « va-t-en guerre des temps modernes », disait en prophète William Morris en 1884, qui voyait déjà en eux la relève des vieux conservateurs « qui ne jurent que par l’honneur et par la gloire et qui voyaient dans la guerre, à supposer qu’ils y vissent quelque chose, une bonne occasion d’étouffer les cendres de la démocratie ». Un syndicat d’artistes et d’auteurs vient naturellement s’objectiver dans ce contexte telles les séries de réparation réclamées à tour de bras et de unes de journaux, alors que la vulnérabilité et la solitude la plus enragée attendent des coopérations qui ne renoncent pas à l’humilité des gestes du quotidien. La réparation, autre mot de notre temps, ne dit la blessure que pour y mettre dessus un baume d’empathie. Mais empathie n’est pas appétit, tout au plus le dîner de ceux qui la dispensent. Pour réparation elle n’offre qu’une suture, autant dire un bâillon. Après le quart d’heure de célébrité, le quart d’heure de souffrance, et basta. L’appétit vient avec la faim de possibles. Ne jamais perdre de vue ce qui pourrait être, ferrailler sans cesse au lieu de regarder là où il n’y a rien plus rien à voir, du côté de l’économie à combattre jusqu’à l’épuisement, des clichés pour toute réalité, des mythes du passé comme si avait été perdue la capacité d’inventer. Je m’inquiète d’un syndicat d’artistes et d’auteurs, parce que je crains qu’après d’autres, réparateurs et programmateurs en tous genres fassent peser leur autorité sur une vulnérabilité que je ne suis pas prête à céder pour tout l’or, le confort et le placebo d’un monde comme celui-ci, même meilleur, c’est-à-dire pire dans la novlangue de l’époque. Faire en coopération et au présent, même si ce n’est rien, ou avec toute la colère qu’impose le travail de la faim en m’empêchant de faire mon métier, construire une parole, énoncer une position plutôt que penser à demain, pour faire de demain un avenir sans programme. Car dans un présent programmé aucune colère ne survit, et le présent même est un mot vide de substance. Docilité qui pointe depuis des années dans l’acceptation successive d’« états d’urgence », et maintenant dans une culture chez vous, devant la prison d’écrans quand elle vit DEHORS. La culture c’est ce qui nous fait sortir de chez nous pour regarder autrement. Il y aura toujours une différence entre des intérêts communs et une coopérative d’intérêt éclatés. L’entreprise de l’art est toujours, toujours, de travailler à un métier – non un emploi, ou une profession, mots d’une administration gestionnaire – dont l’établi est misérable. Qu’est-ce que ce misérable-là ? Notre présent, encore une fois ! Et qu’est-ce qui nous empêche d’en prendre possession pour que l’avenir soit possible, sinon ce que nous faisons au présent ?

Cela me renvoie à cette opinion encore qu’on entend à propos des artistes-auteurs, leur « invisibilité ». Certes on peut se demander pourquoi un syndicat n’a pas vu le jour avant, si tel était leur désir. On nous dit, d’autres le reconnaissent, ils sont individualistes. Je préfère utiliser le mot de solitude, que j’ai déjà employé. Ceci afin d’éviter des glissements sémantiques, sans parler d’euphémisation, si prolifique par les temps qui courent, parce que les artistes-auteurs, qu’ils se nomment ou pas travailleurs, travaillent toujours à la pointe du désir, du possible à ne pas confondre avec un manque de besoins concrets. Même associés, ils demeurent des solitudes, et pour une raison simple, c’est que la condition de leur travail ne peut être qu’excentrique et/ou excentré jusque et y compris entre pairs. Un syndicat d’artistes et d’auteurs est un nouveau symptôme de la centralisation et de la verticalité surtout lorsqu’il ostente un besoin de visibilité des artistes et des auteurs qui consonne avec la visibilité du marché, la visibilité de ceux qu’on interviewe dans les médias dominants. La visibilité du business. Ce qui me semble terrible, c’est que ceux qui s’organisent pour leurs droits aujourd’hui se qualifient d’invisibles, comme si c’était une tare, comme si l’invisibilité n’était pas aussi la puissance d’espaces intermédiaires, fussent-ils étroits comme un intercalaire, à l’heure du tout visible et de la toute transparence ! Comment cela peut-il nous satisfaire sinon de reconduire une situation famélique ? Pour plier sa force à celle de l’ouvrier, appartenir à une classe de lutte, alors que le présent nous somme d’inventer avec un travail qui n’est pas du travail. Comment retrouver les limites d’un langage, d’une parole, d’une position, et non une petite place à soi dans le langage propret, fonctionnel, de la communication, comme disait Victor Chklovski [4], assigné à une place dictée par le marché ? Comment inventer avec peu sans être pauvre, pour échapper aux stratégies financières ? Alors même que nombre de ces dits invisibles associent leur force à de simples citoyens pour créer des situations inattendues de collaboration, voire de coopération. Car la solution est là, notre présent c’est la misère qui donne de l’appétit à un travail libéré du travail, c’est par elle que tout commence. Parce que ça manque, il faut inventer sans avoir à se plier à la flexibilité du Capital dont la visibilité à outrance est le vice constitutif et la fascination.

A-t-on besoin de se montrer quand on existe ? Je parle ici du travail que l’on engage individuellement ou en groupe. La solitude avec laquelle on œuvre n’est-elle pas suffisante ? Si l’horizon utopique de la démocratie était dès le XIXe de rompre avec l’injustice de l’exploitation pour en faire l’état d’urgence et de guerre, il faut reprendre là où nous n’avons pas encore commencé, là où règne toujours un intolérable en cessant d’en être les héritiers bon an mal an, à quitter nos maisons et nos vies invivables pour créer des coopérations où chacun pourrait dire, on a fait un beau travail pour une époque qui n’en voulait pas. Notre pouvoir est sain, et nous n’avons pas eu besoin de nous emparer des pouvoirs législateurs, nous avions autre chose à faire, nous avons regardé les nuages, levé la tête. Ce sera là une révolution, non une énième réforme. Ce serait invention, non imitation. La peur doit changer de bord : votre misère gestionnaire ne nous fait plus peur, elle est la matière de notre bonheur, non notre affliction. Le travail commence par une coopération des colères.

Commençons :
« Et je chalumais dans mon chalumeau,
Le monde voulait dans son voulumeau.
M’obéissant, les astres roulaient en harmonieuse ronde.
Je chalumais dans mon chalumeau, fixant le destin du monde. »
Velimir Khlebnikov (1908)

 

Notes

[1] STAA, mai 2020. https://cnt-so.org/Lancement-du-Syndicat-des.
[2] Penseur politique, artiste & artisan, fondateur du mouvement Arts & Crafts, et théoricien de l’Art Nouveau. Sa pensée est influencée par la théorie de l’interdépendance des arts de John Ruskin.
[3] Philosophe allemand, auteur du Principe espérance, rédigé entre 1938 et 1947.
[4] Écrivain russe et théoricien de la littérature.

 
Texte également publié sur les sites des éditions de l’éclat et de la revue Offshore :

http://www.lyber-eclat.net/

http://offshore-revue.fr/site/

 

Sur la page ouverte d’un atlas, par Emmanuel Fouché

À qui veut…

 

Le 18/05/20, par Emmanuel Fouché

Sur la page ouverte d’un atlas

Le 15 avril 2020, un bateau de pêche ramenait 56 personnes qui avaient quitté le territoire Libyen sur une embarcation de fortune partie cinq jours plus tôt, 56 personnes, hommes, femmes, et enfants, reconduits au centre de détention Taril Al-Sikka, en Libye. Dans ce centre de détention, un jeune somalien s’était immolé par le feu en 2018 [1], il y était détenu depuis neuf mois, n’avait aucune perspective de sortie ou de fuite. Il était pris dans les accords de 2016 qui entérinaient une collaboration accrue entre les garde-côtes libyens et Frontex, cette araignée de fer qui circonscrit les frontières de l’obscurité [2].

Un article [3] édifiant paru sur le site en ligne Alarmphone détaille le parcours de cette embarcation. Frontex connaissait la position de détresse de ces gens, elle a choisi de fermer les yeux sur la mer quatre jours durant et de les laisser aller à leur sort. Douze personnes en sont mortes, quelques-unes en essayant de rejoindre à la nage un cargo qui se tenait non loin de là, d’autres de faim et de soif, à même la dérive. Mais ce grincement macabre dans l’éthique de la mer ne s’est pas arrêté là. Les survivants, eux, ont été ramenés dans ce pays en guerre qu’ils étaient parvenus à quitter, pays déchiré entre les troupes du maréchal Haftar proche du régime syrien et russe, et le Gouvernement d’union nationale à Tripoli soutenu par la Turquie et l’UE. Pays dans lequel l’Europe là aussi joue sa partition d’obscurcissement. Cette Europe lustrale fière de ses 75 dernières années de paix a permis que l’on renvoie ces gens dans un régime de terreur où les civils sont matière à chantage, viol et marchandisation. Comme en 2011, alors que près de 800.000 exilés tentaient de fuir le pays soumis à d’intenses combats, beaucoup choisiront la traversée périlleuse. Ils n’auront certes pas le choix. L’Europe participe à ce conflit en mobilisant ses frontières extérieures, en maintenant l’illusion d’une guerre sans la guerre qui ne produirait pas l’exode, une guerre abstraite de sa réalité profonde, suspendue à des causes sans effets. Pour cela, elle n’a d’autres choix que de créer localement (les fameux hotspots) les conditions d’une impossible advenue du monde, et de ses responsabilités. Face à la guerre, on ne saurait employer d’autres moyens que ceux de la guerre, et c’est pourquoi certains pays recourent à du mercenariat. Quelques jours plus tard, en effet, une enquête du New York Times nous apprenait que Malte avait engagé des chalutiers privés pour repousser les embarcations de réfugiés. Il ne faut plus être surpris.

Las, nous n’invoquerons pas le respect du droit international, ni les Conventions de Genève, mais nous rappellerons les paroles de Robert Fico, l’ancien premier ministre slovaque, paroles tenues lors de l’inauguration de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, le 6 octobre 2016 : « Avec la mise en place de ce corps européen de garde-frontières, nous créons une nouvelle réalité à nos frontières extérieures [4] ». Les paroles des intervenants qui suivaient appartenaient toutes au registre de la guerre. La question est donc posée à partir d’un plan de bataille destiné à produire la « réalité ». C’est contre cette réalité que cette embarcation est venue se fracasser, et non contre la part d’errements et de chaos présents dans tout groupe et toute structure, et qui peut aussi produire des drames plus hasardeux. Le « réalisme » qui est à chaque fois invoqué par ces officiels n’est pas celui d’une description qui viendrait objectiver un ensemble de faits relatifs à la complexité du monde contemporain, mais bien la production d’une réalité martiale dont nous connaissons les cibles et les victimes. En 2011 encore, une embarcation de même type avait dérivé dans la Méditerranée neuf jours durant sous les pales des hélicoptères, à proximité des forces militaires françaises engagées en Libye qui patrouillaient dans ces eaux-là, et malgré les appels de détresse répétées, 63 des 72 occupants avaient trouvé la mort. Une plainte contre X fut déposée par les survivants. Mais combien y en a-t-il eu depuis ? La guerre se lit aussi dans les marges qu’elle dessine autour d’elle, hors la vision positiviste et forclose des terrains militaires et des combats, qui ne constitueront jamais à eux seuls l’horizon des événements où la lumière des faits – et des conséquences de la guerre – disparaissent. À partir de cette logique d’invisibilisation, l’UE a même pensé trouver la parade en reléguant dans l’outre-monde les plateformes de tri, en sous-traitant le droit d’asile directement sur place, en Afrique du Nord notamment, c’est dire que ses fantasmes de toute-puissance ne connaissent pas de frontière. L’idée est la suivante : envoyer des agents de l’OFPRA sur le terrain (imaginons 5 secondes la tête du voyage) pour qu’ils puissent se livrer in situ au tri entre les aspirants. Bien sûr, ces derniers seraient forcément pris dans un dispositif d’enferment, donc déjà suspects, et coupables, voués à l’élection ou au refoulement. L’enjeu est d’intégrer le plus tôt possible, presque conjointement au départ et à la fuite de celui ou celle qui se lance dans l’exil, et dans le détail du corps, l’emprise d’une violence contradictoire, d’un pouvoir de contrôle. Le cauchemar technologique d’un dispositif capable d’anticiper la fuite même de l’individu cherchant à échapper à sa situation, à son danger, c’est ce que nous appelons frontières. Dans ce contexte, les frontières n’ont pas à être défendues même a minima depuis le modèle régulateur de la peau [5], ou autres balivernes anhistoriques car on a jamais vu la peau mordre ou mutiler quelqu’un.

Il y a donc cette réalité : le 15 avril 2020, 56 personnes furent ramenées près du sort de ce jeune somalien qui avait mis le feu à son corps, en pleine offensive du GNA.

Terminus : exiler, bannir.

Il se considère comme réaliste, mais personne ne l’est moins que lui [6].

Sécurité, et Humanisme. Ainsi ces hotspots pour enfants nommés « welcome center », ces « zones de transit » qui placent les mineurs entre le mur de la frontière hongroise et l’impossibilité de s’en retourner par la Serbie sans voir leur demande d’asile immédiatement rejetée. Mur de pierre et mur de papier ligués contre l’enfance, enfance traitée avec les méthodes de l’antiterrorisme, jetée dans des conteneurs en métal plus de jours encore que la terre ne met à tourner autour du soleil, « enfance volée » [7], qui, sur décision administrative, se voit brutalement plongée dans l’âge adulte à quinze ou seize ans pour soulager les quotas et la perversion des juges. Il est frappant de voir que ces conteneurs inventés pour le transport international des marchandises, ces biens libres comme l’air, qui ont plus voyagé que Christophe Colomb et Magellan réunis, servent aussi à visser des humains sur les frontières, à les fixer dans une traversée immobile de l’enfer administratif européen. Zone sécurisée, zone de détention, hotspots, ce chapelet d’euphémismes ne cache plus la réalité d’une zone militarisée où l’ennemi est combattu avec les armes de l’oubli, du froid, et de l’attente reconduite éternellement, mais aussi par un laisser-faire favorable à la prolifération des sévices : viol, faim, soif, clanisme, en résumé, les stricts mots de la guerre. Certains rêvent d’une force armée européenne : elle existe déjà. Faut-il attendre que ce gens soient bombardés au chlore ou au phosphore pour que l’on intègre ce lexique pourtant bien à la mode ? On pourra toujours relativiser, relativiser à même la peau des uns et des autres, on peut relativiser jusqu’à ne plus voir que le jour dans la nuit, on peut relativiser jusqu’à trouver le vide, le rien, le néant, au cœur de toute chose et de toute blessure.

Dans Carte Blanche, L’État contre les étrangers, la juriste Karine Parrot traversait, études et travail de terrain à l’appui, ce triste rideau sémantique en rappelant les basses œuvres des pays en question, capables de tout pour éviter d’accueillir ces populations jugées surnuméraires :
« Avec Mouammar Kadhafi à sa tête, la Libye a longtemps été un “partenaire” privilégié de l’Italie – puis de l’Union européenne – dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Après plusieurs accords techniques demeurés secrets en violation du droit constitutionnel italien, celui du 30 août 2008 divulgué par la presse prévoit notamment un contrôle des frontières libyennes géré par des sociétés italiennes “en possession des compétences technologiques nécessaires” et financé à 50/50 par l’Italie et l’Union européenne. À partir des années 2000, la Libye a ainsi monnayé le bouclage de ses côtes méditerranéennes devenues la principale voie d’accès à l’Europe depuis le Sud. Contre de grosses sommes d’argent, elle a autorisé les européens à patrouiller sur ses frontières, construit des camps pour enfermer les exilé.e.s, et récupéré sans broncher ceux que l’Europe lui renvoyait » [8].

Karine Parrot montre ensuite comment ce scénario s’est prolongé dans l’accord conclu entre l’UE et Erdogan en 2016 et qui visait au maintien des populations syriennes en Turquie. Il y avait le feu aux frontières : il aurait fallu se livrer à d’habiles contorsions pour considérer les Syriens comme des « migrants économiques » et les rejeter à la terre, sauf à se glisser en plein jour dans les habits de l’extrême-droite. Bien sûr, il serait facile de ramener l’ensemble des pays européens dans un même orchestre qui jouerait cette partition de mort à l’unisson, sans considérer les particularismes des politiques nationales, mais force est de constater, à mesure que ces drames se répètent, qu’il y a des mécanismes concertés qui en favorisent la production. S’Il y a de la déliaison dans la liaison, il y a aussi – c’est un regret – de l’inopérance dans le fait d’en appeler chaque fois au droit international, droit doublé sur sa droite par des États hors-la-loi qui réaffirment leur puissance dans cet écart même. Il n’y a pas d’attente béate à avoir face à la justice, rarement juste, et rarement juste à temps, mais le feu nourri sur les droits de l’homme favorise actuellement le renforcement réciproque du néolibéralisme et du nationalisme fort, si bien accommodés – « cette mauvaise manière de croire qu’on en a pas » dont parlait Simone Weil dans ses Cahiers à propos des droits est en passe de devenir la règle.

De cette manière, l’Europe accomplit sa « disparition » en logeant son fonctionnement dans une logique de marché qui est à la « communauté » ce que le sel à est la limace : une soude particulièrement corrosive. Comme le rappellent Julie Lacroix (et Jean-Yves Pranchère) dans un entretien sur la question des droits humains [9], ce processus de dégradation n’est pas qu’une muraille hissée sur les frontières extérieures : « le silence assourdissant de l’UE sur les violations de libertés en Hongrie ou en Pologne montre que l’on peut désormais violer les principes de l’ État de droit au sein même de l’UE sans qu’il n’y ait de mesures de rétorsion ». Ainsi, se dessine une ère de droits libres de droits pour des franges entières de populations lâchées dans le vide.

Tout ceux qui ont cheminé un temps soit peu avec les réfugiés dans le dédale administratif ont bien connu cette impression de pénétrer dans un monde sans foi ni loi, un monde de titans, situé bien haut sur la montagne, délivrés de la contingence humaine. La parenté du « jeu et de la juridiction [10] » est bien connue, aussi il est vrai que ça triche beaucoup, que le jeu est profondément idiot, que les stratégies sont pauvres, qu’il s’agit de jeter les dés au bon moment dans la bonne auge de bronze, et surtout, gagner du temps à partir d’une situation quasiment toujours en tout point défavorable ; reconnaissons alors que le jeu ne tient plus ici qu’à sa valeur formelle, d’autant que l’angoisse sur les visages nous rappelle ce qu’il peut en être de la fin de partie.

Restent ces drames insupportables, ce qu’on ne peut pas, ce que nous ne voulons pas imaginer, et ces politiques phosphorescentes qui se détachent de cette obscurité plus construite que native, et qui irradient le crime, encerclent et capturent en se détournant, et organisent par-là même le mouroir d’une « culture » fixée dans ses retranchements. Cette Europe qui a pu dériver jusque dans le désert syrien oriental, bordé par les rives de l’Euphrate, ou une colonie macédonienne en – 300 av. J.-C avait légué ce nom à ce qui n’est plus maintenant que monticules de terre criblés par les ans, et murailles endormies : la Doura-Europos, Doura, la « forteresse » adjointe plus tardivement à cet Europos, comme par anticipation.

Méfie toi, ça ne tient à rien, la culture, une mince pellicule fragilement posée sur un fond solide de barbarie [11].

Cette embarcation est venue se perdre en Europe, en proie à un mal-monde. Toutes les autorités mises en cause dans ce nouveau désastre humanitaire ont prétexté du covid19 pour justifier l’injustifiable. Le virus est le nouveau mot de passe, la causalité manquante à un désengagement actif qui sème la mort là où elle était déjà massivement présente hier. Ces États qui peuvent commettre des crimes « sans ressentir la solitude accablante des criminels » comme l’écrivait Imre Kertész dans son Journal de galère.

Du point de vue des nations, cette disparition de douze personnes n’était qu’un renfoncement de plus dans le visage grêlé de la mer ; une minorité de trajectoires individuelles dilapidées par La question que les États leur rabat sur le corps.

Ces gens qui pour la plupart tentent de quitter la folie de leur pays se trouvent pris dans les mannes d’une expérience infernale où tout est fait pour qu’ils revivent sans cesse ce délitement, cet état morbide, cette unique et trop réelle impossibilité de s’en sortir. Nous ne disons pas qu’il existe en Europe un complot pour laisser mourir des groupes préalablement définis, mais force est de constater qu’un jeu d’emboîtement particulièrement efficace existe entre les dictatures lointaines et les démocraties proches pour empêcher les gens d’exister. Quand le formalisme des dictatures imprègne le buvard de l’Europe…

Tout est fait pour que la pluralité des relations que les pays nouent entre eux ne versent plus que dans la symétrie entre « le marché et la guerre » comme l’écrivait Achille Mbembe [12]. C’est cette absence de monde que nous reconnaissons dans ces images journalistiques mutilées ou coupées qui ne montrent que des foules à nu livrées à la charité ou au rejet, bref aux fantasmes d’un côté et à la réalité invivable de l’autre. Ces masses de gens démis de toute entité juridique et livrés directement aux mains de la police. Police aussi des images, qui, dans leur feuilletage temporel, contribue à fixer des stéréotypes qui savent si bien alimenter la fiction d’une communauté pure libre de choisir ses sujets. On remarque à ce propos, puisque nous aimons les « légendes », comme bon nombre de ces illustrations de presse ne correspondent à la réalité décrite que par les hotspots d’une imagerie fascisante, écrasant le caractère individuel de chaque drame dans le fantasme de l’un, infiniment reconductible : on utilise une photographie d’un drame passé en lieu et place de celui évoqué dans l’actualité décrite. C’est bien qu’on considère qu’une fatalité s’est introduite dans la courbe du temps. Cette fatalité est un des noms du racisme.

Edward Saïd avait déjà montré comment l’Asie, dans Les Perses d’Eschyle, « parle grâce à l’imagination de l’Europe ». Celle-ci est dépeinte comme victorieuse de l’Asie, cet « autre monde hostile, au-delà des mers. À l’Asie sont attribués les sentiments du vide, de la perte et du désastre » [13].

Nous pourrions croire que ce vieux paradigme de l’altérité volée a toujours cours, que l’Europe manipule le corps inventé de l’Orient et de l’Afrique, où tout n’est que blessure, désastre, guerre, donc habitus et habitude du désastre, absence de souffrance, donc négation de la souffrance. L’Europe chrétienne gouvernée par la production d’une « ignorance » complexe, qui n’est même plus capable – fort heureusement – de constituer la moindre rédemption pour son corps plurimillénaire. Ça serait tomber dans des généralisations néfastes et oublier que bon nombre de nos ami.e.s venant de ces continents sont parmi nous, avec nous et que leur histoire dégringole dans la nôtre au point de brouiller ou de nouer les « nous et eux » : c’est à ce jeu-là que nous aimons, que nous voulons nous livrer.

Néanmoins, Frontex, c’est le cauchemar de cette Europe labile qui resurgit armée comme à la guerre. Frontex dédramatise la relation proche/lointain qui nous assimilait à l’Afrique et et au Moyen-Orient au profit d’une désintégration technocratique des lieux mués en espace de la mort anonyme. Frontex, c’est la dérive unilatérale, non consentie, de la thanatopolitique des continents. Et tant que Frontex aura la main sur l’Europe, les cadavres continueront de s’échouer sur les côtes de Djerba.

Puisque personne ne le voit, il peut commettre n’importe quel méfait sans être puni [14].

Un général guatémaltèque avait l’habitude de donner cet ordre à propos des captifs dont on ignorait la culpabilité : « Tuez-les, on vérifiera après ». Les « gardiens » de l’UE disent : laissez-les mourir, personne ne vérifiera ensuite. Ils savent que l’invisibilité de ces procédures de sauvetage, l’invisibilité qui rayonne dans le mot de migrant, et en dernier lieu, l’invisibilité de notre actualité sans cesse démise et reformée par le flux des informations, produit l’invisibilité globale et l’amnésie volontaire qui fait trou noir dans la description de la réalité, et donc dans du tolérable qui pourrait se muer en intolérable. On tolère mieux l’invisible, par définition. Mais nous serons alors toujours hantés par ces fantômes qui gouvernent aussi les vivants.

Démocratie immunitaire [15] de Roberto Esposito, paru en 2008 en Italie, nous paraît si bien inséré dans le temps présent qu’il produit une inquiétante étrangeté. Sa thèse d’une intégration par les démocraties modernes d’une volonté immunitaire est devenue matière courante. Cette volonté est profondément contraire au lexique de la communauté. Elle s’y oppose, en tant que l’immunis est le caractère de ce qui est exonéré d’une quelconque obligation par rapport à l’autre, « et qui peut donc garder intègre sa substance de sujet propriétaire de soi-même », contrairement à la charge de la loi et du don présente dans le munus de la communauté. L’auteur nous prévient que l’on ne peut pas substituer ces deux termes chronologiquement, en les distribuant tour à tour dans un régime progressiste ou réactionnaire, mais rappelle au contraire leur co-implication.

En affirmant l’opposition frontale entre l’immunité et la communauté, l’espace public devient le lieu où les êtres humains entrent en relation les uns avec les autres à partir de leur dissociation, de leur distanciation, selon « le paradigme hobbesien de l’ordre ».
Esposito évoque les thèses de Plessner opposant la communauté à la logique immunitaire du « jeu démocratique » : « Dans un monde où les individus à risque s’affrontent dans une compétition dont l’enjeu est le pouvoir et le prestige, la seule façon d’éviter des catastrophes, c’est d’établir entre eux une distance suffisante pour que chacun soit immunisé par rapport à tous les autres. Contre toute tentation communautaire, la sphère publique est ce lieu où ce qui met les hommes en relation, c’est leur séparation même. D’où la nécessité de stratégies et d’appareils de contrôle permettant aux hommes de vivre “côte à côte” sans se toucher ; c’est-à-dire d’élargir la sphère de l’autosuffisance individuelle, en utilisant des “masques” ou des “armures” qui les protègent du contact de l’autre, qu’ils refusent et qu’ils jugent dangereux. » Nous sommes frappés comme la métaphore passée rejoint la littéralité du présent, frappés par la manière dont ce paradigme sécuritaire devient peu à peu la peau ou la lèpre d’une époque ou d’un cycle, frappés par la réduction du « commun » à sa « sphère intérieure », ou pire encore, son dévoiement en « nouveaux particularismes » emmurés dans des identités froides. Les hotspots, les zones d’attente et de transit, ne sont que les émissaires de ce que nous pourrions appeler l’Immunité européenne, nouvelle citadelle amarrée au désert. Est-il, ne serait-ce qu’un temps, imaginable et possible, d’inverser cette tendance ? Comment traverser l’immunité pour rejoindre ce seul monde que nous avons en commun ?

***

D’une frontière l’autre, le 15 avril, les troupes d’Assad rompaient une fois de plus la trêve internationale en bombardant des villages du sud d’Idleb, et les drones israéliens violaient l’espace aérien libanais pour frapper un officiel du Hezbollah.

We Exist, un réseau de 25 organisations de la société civile syrienne présentes en Europe et dans les pays limitrophes de la Syrie, a produit un long rapport relatant avec précision les effets du virus sur la situation des Syriens, qu’ils vivent dans les zones contrôlées par le régime, dans les camps massés à la frontière turque, ou dans les camps libanais. Ces quelques éléments que nous donnerons s’inscrivent dans la continuité d’un texte paru sur le site GuitiNews le 6 mai 2020, et qui donne un aperçu vertigineux de la situation sanitaire sur place. Si le virus semble relativement bien contenu pour l’instant, son appréhension du point de vue des populations éreintées par neuf années de guerre et livrées au cynisme des mécanismes de protection internationale permet d’entrevoir un nouvel affaissement de la réalité.

Il n’y a pas de liberté sur cette terre [16]

Dans un pays où « tout porte le nom du président » comme le dit le jeune Amir dans Le fil de nos vies brisées [17], il n’est pas étonnant de voir que les autorités du pays ont cherché à inscrire le virus dans le champ tragico-politique du « bacharland ». C’est la pâle fiction, redondante, amère, des dictatures : celle qui ment sur le nombre de contaminés, manipule les chiffres, emprisonne les voix qui débordent le cours du récit sanitaire légitime, bref, musèle tout ce qui pourrait contrevenir à la qaoumiyé, le récit héroïque de la dynastie Assad, ce bloc de marbre tâché du sang de 500.000 personnes. Évidemment, il serait comique d’attendre quoi que ce soit d’un pays qui a organisé la mise à mort d’une partie de sa population, du point de vue du soin et de la prévention médicale. Après avoir détruit 64 % des hôpitaux, réduit en poussière plus de la moitié des centres de premiers secours, et occasionné le départ de 70 % du personnel médical, ne peuvent rester debout que la propagande et la peur de voir perdre ce qui reste de soutiens dans la population. Une médecine en lambeaux réservée à une élite décadente [18] et meurtrière, dans un pays à l’agonie, voilà à quoi le virus pourrait mesurer son potentiel de transmission.

Alors que le temps des moissons arrive, que l’air chargé de poussière augmente les pathologies respiratoires, que la population habituée à prendre des médicaments lourds a vu sa santé durablement éprouvée et fragilisée, l’auto-organisation, comme toujours, a pu suppléer aux carences. Mais toutes les initiatives locales sont visées par le régime, en tant que forme de sédition : à Lattakié, la jeunesse mobilisée pour anticiper la catastrophe a été réprimée par les forces de sécurité.

Comme ce rapport nous l’apprend, sachant que 80% du salaire d’un travailleur informel passe dans l’achat de produits de première nécessité, qu’une journée de 12/h ramène un salaire équivalent à 1,10 euros, on se doute bien que la pharmacie n’est pas prioritaire dans l’économie des familles les plus pauvres. Pire encore, et en vertu du principe selon lequel le diable se loge dans le détail, beaucoup de gens malades ont peur de dévoiler leur symptôme de peur d’être réprimés. Un appel à la délation a d’ailleurs été organisé publiquement par le régime : « Si vous connaissez une personne qui montre les symptômes, informez les installations sanitaires les plus proches. Pour les protéger. Pour protéger votre pays. [19] » Cette menace à peine voilée – qui correspond à l’éternel rictus de mort de la Sécurité Intérieure – est collée sur une image qui montre une chambre d’hôpital « tout confort », image pieuse, hallucinatoire, plus glaçante encore que ce défilé ininterrompu de documents vus ces dernières années, ces chambres d’hôpitaux inlassablement laminées par les bombardements. Il s’agit d’une course : diffuser la peur plus vite que ne le virus ne se diffusera lui-même. C’est avec cet État meurtrier que l’OMS collabore, refusant de travailler avec les régions, et légitimant par là le couteau au dépend de la victime. Une occasion manquée dans la construction d’un rapport inédit entre le singulier et le mondial.

Cette étude, au détour de quelques témoignages, met à nu le délitement psychique caractéristique de ceux à qui l’on ne peut demander un nouveau sursaut, un nouvel élan protecteur, quand quasiment toutes les limites de la destruction ont été franchies sans que personne ne s’en soit ému : « Les gens sont tellement désespérés et ont enduré de si terribles traumatismes qu’ils ne sont pas sensibles à la crise du virus. Pour eux, c’est juste une autre manière de mourir » Ou encore : « Nous mourrons de toute façon, si ce n’est du coronavirus, cela se fera par le froid, la faim, les bombes. Le virus n’est qu’un moyen de plus de mourir ». Un reportage d’Arte [20] montrant l’action préventive de l’ONG Violet dans les camps, rapportait les propos de l’une de ses membres : « Certains pensent que c’est dieu qui a envoyé le coronavirus pour les soulager de toutes ces souffrances », c’est le retour de ce dieu qui protège les hommes en les protégeant des hommes. Cette asthénie apparente signe la continuité d’une expérience de la destruction, sa circularité transversale. En miroir, ces paroles obsédantes du ministre de la santé Nizar Yaziji, qui résumait la stratégie du gouvernement pour lutter contre le virus : « Je voudrais assurer à tous les Syriens, en pleine crise du virus, que l’armée Arabe Syrienne a nettoyé le sol syrien de tous ses germes », phrase qui signe l’accomplissement d’un processus de nettoyage ethnique érigé en modèle de l’auto-immunité de groupe. Les guerres d’extermination sont marquées par la biologisation du lexique qui n’assimile pas un groupe à une bactérie, mais qui la produit comme telle [21].

Pour dire à quel point l’Assadie a su si bien visser la mort dans les esprits, et faire de son pays un grand vautour aux aguets passant le col des frontières, nous lisons dans ce rapport un fait particulièrement significatif. Il s’agit de la grande peur qui a pu courir chez certains réfugiés syriens au Liban : peur de se voir reconduit de force en Syrie dans le cas d’une contamination par le virus, bien que les tests et les traitements s’appliquent, paraît-il, sans discrimination. On préfère échapper à ces tests qui pourraient conduire à la déportation. Plutôt mourir de ça que mourir là-bas, plutôt mourir que mourir. À Akkar, mu par cette angoisse des plus légitimes, un patient contaminé a préféré quitter sa chambre de soin. Il a été ensuite rattrapé et conduit à l’hôpital de Beyrouth.

Ceux qui s’improvisent diplomates, qui professent qu’un retour au pays des Syriens en exil sera envisageable à partir du moment où Assad aura récupéré l’entièreté de son territoire, devraient s’informer de cette peur-là, et de toutes les peurs, et de cette vie qui résiste, depuis le fond, et qui témoigne de cet humain infatigable. De cet humain qui traverse les murs, et qui rêve aussi la frontière.

***

« Et encore des jours et des jours interminables sur le bateau immobile. Un mot mystérieusement chuchoté : “quarantaine”, qui devait donner une explication à cette situation d’impasse, à ce statu quo qui assombrissait le visage des adultes. » Ces phrases nous les lisons dans un texte méconnu de la poétesse Kumiko Muraoka, Mémoires d’une somnambule [22], un texte qui bouillonne comme la surface des flots, dont le geste inaugural est l’ouverture d’un atlas sur la ville d’Harbin. Nous sommes ramenés au temps de l’« État des 5 nations ». Le Mandchoukouo, c’est cette médaille de terre gagnée par l’empire du Japon sur la Chine, un pays resté en enfance (1932-1945), qui fut aboli par les soviétiques, un État « fantoche » qui n’était reconnu par personne, ou presque. La poétesse est fille de ce pays perdu. Depuis cette mémoire hantée par l’exil et prenant la forme du rêve, elle s’entremet dans le souvenir d’Harbin avec la célérité de la lumière, épousant la vision qui la sépare d’elle-même. C’est par l’espace qu’elle devait sortir de cette prime enfance, en 1946, alors qu’un bateau ramenait les mandchous-japonais dans l’empire du Soleil Levant, ce pays rouillé pour qui elle n’éprouvait que « rancune », « peur » et « révolte ». À bonne distance des côtes, le navire qui déchire le tissu du temps, est soumis à un confinement en règle. Les passagers sont pris dans un sas de l’histoire, sur une mer vue comme le « palimpseste de l’espace, de la distance, du temps », telle la mémoire…

Dotée de cette force-enfant [23] bien figurable dans le film que Chris Marker lui a adressé [24], ce texte déploie l’énergie spécifique d’Harbin, modèle d’une vie cosmopolite, une Babel en papier de riz, comestible, une ville primitive, utopique et violente, une « interminable succession de spectacles », un carnaval sans carême, un « brouhaha » des langues : « Les rues de Harbin avaient deux noms : le nom russe et le nom chinois. Et ce nom chinois, les Japonais le prononçaient à la japonaise. Ils avaient accès à l’écriture chinoise introduite au Japon quinze siècles plus tôt. Ils pouvaient lire et comprendre le sens la plupart du temps, mais ils prononçaient souvent si différemment que cela faisait comme trois noms pour chaque rue. (…) Tchourine, le grand magasin russe se trouvait au croisement de Guishu gaï et de Daitchoku gaï, mais pour les chinois il se trouvait au croisement de Yizhou jie et de Dazhi jie, et pour les Russes, celle de Novotorgovaïa oulitsa et Bolchoï prospekt. » C’est depuis le fond de cette ville enfouie que ressurgit le modèle reconnaissable de la ville moderne, faite d’une langue-mosaïque percluse de mots comme de petits clous rares, fixés ici dans le bois du texte. C’est une langue ouverte au comique de situation, ce comique qui peut-être nous fait un peu plus défaut que les autres, quand on finit par se situer dans les rets d’une seule langue qui accapare toutes les situations, et qui n’aboutit plus – en fin de règne, à bout de souffle – qu’à sa propre coquille.

À l’instar de cette maison de poupées japonaise en shoji dans laquelle Kumiko se glisse pour la première fois avec l’appréhension des géants, où la poudre du soleil ne pénètre pas, où elle mesure comme « l’espace a été renversé », le fil des Parques qui déroule ce texte est noué autour d’un vide primitif, d’un rapt, d’un espace « incroyablement précaire, sans axe, sans repère, sans mur », qui n’est pas celui de la communauté perdue telle la maison invivable, mais peut-être le rayonnement fossile de toute communauté, dont la mémoire-somnambule produit les vibrations. « Contre quoi m’appuyer ? contre le vide ? » Question qui montre la chute ou le suspens, mais aussi la motilité de la poétesse élevée dans la culture de l’exil, et dont la part d’idéalisation qui lui est indissociable peut être comprise à l’aide de cette formule antique : « les aveugles ont oublié leur ténèbres et les bossus leur bosse », puisqu’il en va de retrouvailles avec un corps perdu.

Nous nous prenons à rêver avec elle depuis cette fosse des langues, et dans le nœud d’une tradition vieille comme Héraclite qui nous montre que l’on peut être unis par la distinction et la pluralité, quand on a rompu l’enchantement de l’un avec le sortilège de l’autre ; cette différence qui ne s’énonce pas dans « le langage universalisant du pouvoir » [25], mais dans le tissu vivant de la cosmopolis ; en pensant aussi, qu’il en allait de l’enfance d’un pays fauchée en plein vol, dans ses premiers balbutiements, condition pour passer du royaume au chant, à la poésie.

Écoutons-la encore un peu formuler le matériau de la fuite :

« Nous étions perpétuellement environnés des langues des autres, différentes de la nôtre et différentes aussi les unes des autres. Oui, à Harbin, il y avait dans l’air de perpétuels bruissements de plusieurs langues : différents sons, différentes tonalités, différentes mélodies. Nous les entendions, nous les respirions, nous les vivions, nous évoluions à travers ces langues, ces musiques, les musiques du quotidien. Nous comprenions ces langues que nous ne comprenions pas. Nous parlions ces langues que nous ne parlions pas. La langue parsemée de mots pris à toutes les langues, à tous les peuples, à toutes les sources, à toutes les imaginations ; la langue sortie d’une tête que l’on s’était creusée (le derniers recours !), une langue d’ignorance effrontée, pétrie de tous les ingrédients imaginables et possibles, une langue hybride, anarchique, chaotique, langue badigeonnée à outrance de couleurs, d’accents, de mélodies inattendues. Désastreuse ! Mais elle circulait, s’envolait comme des milliers de papillons bariolés, hardis, joyeux, insouciants. Elle désignait, elle indiquait, elle négociait, marchandait, et elle obtenait tout ce dont elle avait besoin. Elle dégotait même l’introuvable. »

Peut-être faut-il se garder de confondre le pays perdu avec celui de l’enfance, ou de la communauté, mais pour se donner la possibilité de « dégoter l’introuvable », comme par un voyage autour de soi qui a pu, à un moment, recouper celui d’un voyage dans le monde, encore fallait-il avoir pu trouver refuge quelque part, d’avoir pu déchirer la frontière, en rêvant sur les cartes.

 

Notes

[1] https://www.infomigrants.net/fr/post/12951/desespere-un-migrant-somalien-detenu-en-libye-s-immole-par-le-feu
[2] Dans Exterminez toutes ces brutes ! un voyage à la source des génocides, Les Arènes, 2007, Sven Lindqvist rappelle que « le mot « Europe » vient d’un mot sémitique qui signifie précisément « obscurité ».
[3] https://alarmphone.org/en/2020/04/16/twelve-deaths-and-a-secret-push-back-to-libya/
[4] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/10/06/launch-ebcg-agency/
[5] Cette analogie est devenue un lieu-commun. Régis Debray en fait l’armature conceptuelle de son Éloge des frontières, Gallimard, 2013.
[6] Stig Dagerman, Automne allemand, Actes Sud, 1980.
[7] https://www.mediapart.fr/journal/international/110520/migrants-au-pays-d-orban-ces-prisons-maternelles-remplies-d-enfants
[8] Karine Parrot, Carte Blanche. L’État contre les étrangers, La Fabrique éditions, p.72.
[9] https://esprit.presse.fr/article/jean-yves-pranchere-et-justine-lacroix/pour-une-politique-de-l-egaliberte-entretien-39479
[10] Johan Huizinga, Homo Ludens. Essai sur la fonction du jeu, Gallimard, 1951.
[11] Mouloud Mammeri, L’opium et le bâton, La Découverte, 1992.
[12] Achille Mbembe, Politique de l’inimitié, La Découverte, 2016
[13] Edward W. Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Seuil, 1978.
[14] Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes !, op. cit.
[15] Roberto Esposito, Communauté, Immunité, biopolitique, Les Prairies ordinaires, p. 95.
[16] Orwa Al Mokdad, 300 Miles, 2016, 95 minutes.
[17] Cecile Hennion, Le Fil de nos vies brisées, Points, 2020
[18] https://www.liberation.fr/planete/2020/04/25/cadeau-a-27-millions-d-euros-pour-asma-al-assad-scandale-en-syrie-apres-des-accusations-russes_1786315 Peut-on se demander ce qu’un criminel de masse peut bien trouver dans le tableau de David Hockney ? L’idéal d’un monde sans témoin, où les guerres ne sont que des bigger splash à peine plus réelles que ces jets laiteux vaguement électriques ? Ou plus simplement le désir d’intégrer ce que la bourgeoisie inculte produit comme modèle d’appartenance à partir de quelques fétiches, ce qui ne peut-être regardé au-delà de quelques secondes, l’irregardable…En tout cas, le marché est bien ce milieu de vie où peut se déployer ce type de relations barbares.
[19] www.sana.sy
[20] https://www.arte.tv/fr/videos/097002-000-A/syrie-idleb-la-course-contre-l-epidemie/
[21] On se souvient d’un passage du grand poème Holocaust de Reznikoff où les nazis nommaient « chien » le déporté et « homme » leur chien.
[22] Nous pouvons lire ce texte en ligne : https://www.persee.fr/doc/slave_0080-2557_2001_num_73_2_6722
[23] Nous volons cette formule à Pasolini.
[24] Le Mystère Koumiko, 1965, 46 minutes. En réalité, c’est elle qui a offert ce film à Marker.
[25] Ne crois pas avoir de droits. La librairie des femmes de Milan, La Tempête, 2017.

 

Actu 140 – Diario Forcalquier

26 mars 2020


Projection du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” au cinéma Le Bourguet de Forcalquier, en présence de Federico Rossin. Dans le cadre du festival NUMERO ZERO, et en partenariat avec la librairie La Carline. / Annulé pour cause de COVID

Plus-d'informations-ici

Actu 141 – Diario La Clef

19 mars 2020


Projection du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” au cinéma La Clef, Paris en présence de Sandra Alvarez de Toledo et Federico Rossin. Organisé par l’association Home Cinema. / Annulé pour cause de COVID

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Actu 142 – Réel Deligny

13-22 mars 2020


Le Cinéma du Réel programme un ensemble de films (anciens et récents) autour de l’oeuvre de Fernand Deligny, ainsi qu’une exposition au Forum-1. Programme des films dans la section “Front(s) populaire(s)” / Annulé pour cause de COVID

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Actu 141 – Diario institut culturel italien

4 fév. 2020


Projection du 1er épisode du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” et présentation du livre-DVD à l’institut culturel italien de Paris, en présence de Goffredo Fofi et Sandra Alvarez de Toledo, à 19h. Entrée libre.

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“A propos de UEINZZ”, rencontre avec Peter Pal Pelbart, 1/02/2020

À propos de UEINZZ, rencontre avec Peter Pal Pelbart

1er février 2020 à 19h

Nous sommes heureux de vous inviter à une soirée exceptionnelle consacrée à la Compagnie de Théâtre brésilienne UEINZZ, présentée par Peter Pál Pelbart, ami, philosophe et membre de la compagnie depuis sa création (dans un hôpital psychiatrique de jour à São Paulo en 1996).

La présentation aura lieu le samedi 1 février à 19h, au 10 rue St-Luc, dans le nouvel atelier des éditions L’Arachnéen (Paris 75018, métro : Barbès-Rochechouart ou La Chapelle).

La compagnie de théâtre Ueinzz a débordé des murs de l’institution psychiatrique. Chaque semaine ses membres se sont retrouvés, et se retrouvent encore, pour faire l’expérience de ce qui pourrait être appelé une esquizocenia (schizoscène) : une répétition de théâtre perpétuelle pensée comme une forme singulière de soin et de socialité. Pas de lieu ou de communauté fixe, mais un agencement toujours mobile de relations entre usagers des services de santé mentale, thérapeutes, acteurs, patients dits psychotiques, soignants, philosophes et individus dont la vie tient parfois à un fil. Animés par une conception radicale du soin, ils pratiquent ensemble cette socialité, l’expérimentent, la réinventent : les mouvements et visions du monde produits dans certains états supposés « pathologiques » sont alors amplifiés et projetés dans un théâtre capable de retourner le biopouvoir pour en faire un potentiel de vie. En révélant la dérangeante « normalité » qui nous entoure dans le quotidien. »

Cie Ueinzz, document de travail pour Zero Gravity, 2016. Photo : João Caldas

Peter Pál Pelbart est philosophe et essayiste. Il est professeur à l’Université Catholique Pontificale de São Paulo. Il a traduit des ouvrages de Gilles Deleuze en portugais (brésilien). Il a écrit sur la folie, le temps, la biopolitique et la subjectivité. Parmi ses publications récentes, Cartography of Exhaustion – Nihilism Inside Out (2015) / O avesso do niilismo. Cartografias do esgotamento (2017). Il est membre de la Compagnie Théâtrale Ueinzz depuis sa création. Il est également éditeur à n-1, maison d’édition domiciliée à São Paulo.

 

Actu 139 – Evreux

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4 et 5 déc. 2019


Projection du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” au Festival du film d’éducation à Évreux: en deux fois, mercredi et jeudi soir, de 20h45 à 23h30, en présence de Federico Rossin et Philippe Meirieu.

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Actu 140 – Deligny – Marseille

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28-30 nov. 2019


“Cinéastes arpenteurs. Qu’est-ce qu’un territoire cinématographique ?” Trois jours de colloque, rencontres et projections à Marseille ; organisé par l’IMéra, l’université Aix-Marseille et Vidéodrome 2. Programme détaillé ci-dessous.

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Actu 138 – Cité philo

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13 nov. 2019


Rencontre Citéphilo à Lille : “Avec Fernand Deligny : à propos de la Correspondance des Cévennes – 1968-1996”, en présence de Pierre Macherey et Bertrand Ogilvie, à 14h à l’auditorium du Palais des beaux-arts.

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Actu 137 – Diario à PEC

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25-26 oct. 2019


Rencontre de 2 jours “Cinéma documentaire et éducation populaire” organisée par Peuple et Culture Paris. Projection et analyse collective du film “Journal d’un maître d’école” de Vittorio De Seta, et traversée des pédagogies nouvelles en Italie, par Federico Rossin.

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Actu 136 – Rio de Janeiro

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23-26 oct. 2019


Rencontres internationales “Fernand Deligny. Gestes poétiques et pratiques politiques transversales” à Rio de Janeiro.

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Actu 134 – Varan

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13 et 20 oct. 2019


Aux ateliers Varan (Paris 11e) : histoire et fabrique du film de Vittorio De Seta, Journal d’un maître d’école, par Federico Rossin. Au fil de deux dimanches, dans le cadre des Dimanches de Varan / cycles de réflexion sur le cinéma.

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Actu 135 – CND Deligny

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11-12 oct. 2019


“La tentative Deligny” se poursuit au Centre national de la danse (Pantin). Détail des rencontres et ateliers ici.

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“Manteau pour Kiepja”, exposition de Violette a, du 12/10 au 21/12/19

Manteau pour Kiepja, une exposition de Violette a

Livret de l’exposition
https://www.violette-a.info/k

12 octobre – 21 décembre 2019
Kiepja (performance, durée : 30 min) à 19h30 les samedis 12 octobre et 9 novembre.

« La mort comme anéantissement de la diversité des formes de vie, est une définition possible de la colonialité. Mais la mort est aussi le lieu de la survie. La survie, c’est la vie qui migre sur d’autres plans (chant, récit).

Les chants de Kiepja se trouvent facilement sur internet. Carlota Guerra me les a fait écouter un soir. Ils sont présentés par la maison de disque Folkways comme “les chants traditionnels Selk’nam”.
Le peuple Selk’nam a été massacré par des colons à la fin du XIXe siècle en Terre de Feu (Patagonie). Kiepja a survécu. À plus de 90 ans, en 1964, elle rencontre l’anthropologue Anne Chapman. Cette dernière lui demande de chanter pour son enregistreur et pour son “patron” (Claude Lévi-Strauss). Elle a alors chanté, chanté, jusqu’à épuiser Chapman, les bandes magnétiques et sa propre bave (1966).
Aujourd’hui les spécialistes considèrent que Kiepja est une source impure : dans cette société patriarcolonilocolinéaire, elle n’était pas censée connaître, en tant que femme, les mystères et les chants de la cérémonie du Hain. Il est vraisemblable qu’elle les ait en partie inventés, la vieille espiègle.

À Kiepja je dédie cette exposition. Je fais entendre quelques-uns de ses chants, je chante, je lui fabrique un manteau. À son panier en joncs de Magellan tressés je substitue la “réplique confidentielle” du Bicho Monument à toutes les situations (1964) de Lygia Clark. »


Violette a, Le panier, l’anthropologue et le Bicho, détail d’un montage de huit photographies, 384 x 56 x 3 cm, 2016-2018. Photo : Florian Fouché

Biographie de l’artiste
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Actu 133 – Limoges

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7 oct. 2019


À Limoges : projection de Journal d’un maître d’école de Vittorio De Seta à l’Ecole des beaux-arts (ENSA), de 9h30 à 18h. Débat à propos du film et discussion sur l’édition du livre-DVD. Entrée libre.

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Actu 132 – Tarnac

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6 oct. 2019


À Tarnac : projection de Journal d’un maître d’école de Vittorio De Seta à la salle des fêtes. 14h30 : projection des épisodes 1&2, 17h : pause, 17h30 : épisodes 3&4, 19h45 : échanges et casse-croûte tiré du sac. En partenariat avec Peuple et Culture et le Magasin général

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Actu 131 – Tulle

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5 oct. 2019


À Tulle : projection de Journal d’un maître d’école de Vittorio De Seta au cinéma Veo de 14h à 19h, suivie d’un débat avec Federico Rossin et L’Arachnéen. En partenariat avec Peuple et Culture Corrèze, la librairie Préférences, et l’OCCE.

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Actu 130 – Videodrome2

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26-27 sept. 2019


À Marseille : présentation de Journal d’un maître d’école. Le film, un livre par Federico Rossin à la librairie L’histoire de l’oeil jeudi 26/09 à 19h, suivie de la projection des épisodes 1&2 à Vidéodrome 2 à 21h, puis des épisodes 3&4 vendredi 27/09 à 20h.

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Actu 129 – Lussas

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22 août 2019


À Lussas : présentation de Journal d’un maître d’école. Le film, un livre par Federico Rossin à l’espace librairie (L’histoire de l’oeil) des États généraux du film documentaire, à 18h.

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Actu 128 – Mellionnec

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28 juin 2019


À Mellionnec : “Journal d’un maître d’école. La fabrique d’un film” par Federico Rossin : projection du film de Vittorio De Seta au Festival du film documentaire, de 10h à 17h30.

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Actu 129 – Pataut Jeu de Paume

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18 juin – 22 sept. 2019


“Marc Pataut, de proche en proche” : rétrospective de l’oeuvre de Marc Pataut au Jeu de Paume (Paris). Un beau programme de rencontres tout au long de l’exposition !

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Actu127-Deligny-Weimar

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12 juin 2019


“Ce gamin, là. Fernand Deligny and the cinema of drifting lines”. Projection et discussion organisée par Marlon Miguel et Elena Vogman, à Weimar, au Lichthaus Kino, à 18h.

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Béliers, par Florian Fouché et Adrien Malcor

À qui veut…

Le 31/05/19, par Florian Fouché et Adrien Malcor

À l’occasion d’un chantier de restauration des boiseries de l’église d’Ahun et de l’abbaye de Moutier-d’Ahun (Creuse), La Métive et la DRAC Nouvelle-Aquitaine ont invité Florian Fouché à mener un projet artistique avec les élèves de la classe de CM2 de l’école d’Ahun (trois séquences d’une semaine chacune). L’expérience s’est conclue par l’exposition Béliers, présentée à La Métive du 3 au 14 mai 2019. Florian Fouché s’est entretenu avec Adrien Malcor le soir de l’ouverture, dans l’exposition.

Adrien Malcor : Comme c’est joli, Moutier-d’Ahun. Nous sommes à La Métive, devant les Béliers que tu as faits avec les enfants d’Ahun. Tu m’as fait venir en me disant qu’il s’était passé quelque chose…

Florian Fouché : Oui, une restauration puis une destruction, imaginées par des enfants.

AM : Raconte.

FF : La Métive m’a invité à faire un atelier avec des élèves de CM2 de l’école d’Ahun, à l’occasion de la restauration des boiseries de l’abbaye bénédictine. Il se trouve que l’atelier a commencé le 3 décembre de l’année dernière, deux jours après la grande manifestation des Gilets jaunes et la « bataille » des Champs-Élysées. Moi j’arrivais de Paris avec l’idée de proposer aux élèves de faire eux-mêmes une restauration du portail de l’abbaye, très connu dans la région pour ses niches vides (rires). Mais, comme tu sais, les enfants parlent en travaillant et le sujet des émeutes parisiennes est vite apparu. Ils avaient vu et revu à la télé les « dégradations » de l’Arc de Triomphe, et ils s’adressaient à moi comme si j’y avais assisté. J’ai fait le rapport avec le destin de l’abbaye, et, pendant la deuxième semaine de travail, en février, j’ai proposé aux enfants d’imaginer ce qui avait pu se passer dans cette abbaye pendant la Révolution. D’où l’idée des béliers, qui a permis aussi de sortir de l’échelle individuelle des niches. Moi, c’est ça que je voulais, faire faire de la sculpture collectivement, à des échelles qui dépassent un peu leurs corps d’enfants. On pouvait articuler des formes et un récit simple, celui de ce moment supposé de destruction. Des groupes se sont constitués, qui devaient travailler à une forme (de bélier). Au fond, je leur ai proposé de jouer à la guerre, même si, je crois, le mot n’est jamais apparu pendant l’atelier. Je voulais faire en sorte qu’ils se décalent par rapport à l’actualité médiatique, à ces images qui tournaient en boucle, en s’appropriant localement l’Histoire.

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AM. On a utilisé des béliers dans l’abbaye à la Révolution ?

FF : En fait, c’est surtout pendant les guerres de religion, à la fin du seizième siècle – en 1591, je crois –, que la destruction a été la plus importante, liée à une bataille entre un groupe de la Sainte Ligue et l’armée d’Henri IV. Mais on ne sait pas quand et comment les statues ont disparu des niches. Je me suis dit que cette vacance pouvait stimuler l’imagination des enfants. Voilà, il y a ces enfants de la campagne qui sont sensibles à une violence plus ou moins lointaine et très dramatisée par les médias, et puis ces vestiges, avec une destruction patrimonialisée, pacifiée. La nef détruite de l’abbaye est aujourd’hui un joli jardin. C’est joli, Moutier-d’Ahun.

AM : Très. Quand je suis arrivé tout à l’heure, les enfants étaient en train de présenter leurs sculptures installées dans le portail. Il y avait ce rapport visuel immédiat : c’était des enfants d’aujourd’hui, avec des vêtements multicolores, et ils se détachaient sur la roche tout comme leurs sculptures peintes. Chaque enfant a indiqué la statuette dont il était l’auteur, en la nommant. Le rapport s’est individualisé. Je trouve du coup que vous auriez pu formaliser la petite procession, de l’église au lieu d’exposition, quand ils ont rapporté leurs objets, chacun le sien.

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FF : Tu as raison, mais je ne savais pas que les enfants viendraient aussi nombreux, en dehors du temps scolaire. Ce que nous avons mis en scène, c’est l’usage des béliers sur la place de l’abbaye. Tu as vu les photos. C’était la première fois que j’utilisais un grand-angle, comme un photojournaliste.

AM : Oui, les photos montrent que les grandes sculptures sont en fait des accessoires, des faux béliers. Comment s’est passé l’accrochage, puisque tu l’as fait avec les enfants ?

FF : Je ne l’ai pas fait avec les enfants. Les enfants ont fait des plans. Je voulais voir ce qu’ils avaient en tête si je leur parlais d’exposition. J’ai regardé leurs plans, c’était intéressant, mais j’ai fait à ma façon (rires).

AM : Et donc ?

FF : J’ai ajouté quelques éléments, avec ce que j’ai trouvé sur place. J’ai surélevé un des béliers avec un bidon d’huile de moteur et une paire de bottes fortifiées avec des bouteilles de jus de pomme vides, si tu veux tout savoir. Et puis ces deux exemplaires de La Montagne de l’hiver dernier, qui titrent « Ça bloque encore ».

AM : Je les trouve importantes, ces bottes. C’est une façon de rappeler la mise en scène devant l’abbaye, de dire l’accessoire de théâtre, et ça donne une échelle pour tous les béliers, qui sont aussi des déguisements, des armures, ou des corps transformés. Il y a une mise en scène dans l’espace : les béliers sont « en formation », tous perpendiculaires aux murs, face aux fenêtres. Tu sais à quoi ça me fait penser ? Aux Fous du volant de Hanna et Barbera.

FF : Voilà. On est juste après le départ, on est tout juste sorti des starting-blocks.

AM : Ça fait longtemps que ça t’intéresse, la sculpture qui attaque le mur, qui pourrait passer à travers.

FF : Dans le Tronc de la révolution, il y a aussi une autre direction : l’angle fait qu’elle semble ployer sous son propre poids. C’est pour ça que le tréteau était nécessaire…

AM : Là où « ça bloque encore ».

FF : Là où « ça bloque encore encore » !

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AM : Parle-moi de la surface de ce Tronc. Je trouve l’ornementation assez belle, mais très abstraite pour du dessin d’enfant.

FF : Bon, c’est clairement l’objet le plus dirigé. Ça se voit, non ? (Rires.) Je leur ai proposé de souligner les facettes, les ombres portées, et de s’inspirer de la graphie qui couvre les cartons blancs. J’ai aussi attiré leur attention sur les troncs des bouleaux qu’on voyait par la fenêtre de la salle d’arts plastiques.

AM : Les couleurs vives dominent dans tous les autres objets.

FF : Oui, j’ai simplement voulu qu’on préserve le matériau brut sur un objet au moins. Je leur ai dit et répété que le carton avait une belle couleur, lui aussi !

AM : Et ces constructions suspendues…

FF : Ah, je sens que tu me suspectes d’avoir encore donné des consignes constructivistes, mais pas du tout. C’est un groupe de trois enfants qui n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur une idée. Quand je suis venu les voir, ils avaient l’air défaits. Je leur ai simplement demandé de quoi ils avaient envie, et ils m’ont montré la visseuse. Alors je leur ai donné des planches et ils ont vissé, ils ont fait chacun un assemblage, ou plutôt ils se sont entraidés pour se faire un assemblage chacun. Ils se les accrochaient au corps, ils passaient leurs têtes, leurs bras à travers. Un des enfants, un garçon, voulait faire une flèche, il a fait une flèche. Le deuxième garçon a d’abord fait une sorte de collier, puis il a peu à peu ajouté des planches. Ces deux-là avaient l’habitude de bricoler. La fille a fait cet objet plus ramassé, centripète. La spatialisation montre ces différences, je crois.

AM : Les statuettes en carton peint sont elles aussi assez « construites », plutôt par plans.

FF : Tu remarques, on a vraiment fait avec les matériaux types de l’art à l’école, des matériaux de recyclage : carton, papier journal, bois, colle et peinture. C’est tout ce que je m’étais interdit dans mes précédents ateliers. Cette fois je voulais tester l’hypothèse de la « toutité » de Iliazd et Ledentu, l’idée que l’on peut utiliser et combiner toutes les formes d’art connues dans le passé.
Alors les statuettes sont un peu cubistes, oui. Elles sont faites pour les niches, mais elles s’intègrent mal au portail, aux frises en haut-relief du tympan. Au début, je trouvais que ça ne marchait pas du tout. En tout cas, ça ne se fond pas. Mais le décalage permet de voir autrement le travail de la pierre.

AM : Tu as mis les photos de l’attaque du portail sur les portes de l’espace d’exposition, un peu en vrac. Je n’aurais pas fait comme ça.

FF : C’est un parti pris. Il n’y avait pas l’espace pour les confronter vraiment aux sculptures, selon moi. Elles sont restées sur le seuil. Ce sont les enfants qui les ont collées sur les portes.

AM : Tu n’as pas imaginé une projection, par exemple ?

FF : Si, mais j’y ai renoncé, peut-être à tort. Aujourd’hui je la « vois » mieux : la course, le cinéma… Après, ça ne me dérange pas que ça bouge moins. Tu as entendu, quand j’ai pris la parole après le maire, j’ai rappelé la définition de la sculpture par Beuys : une « action statique ».

AM : Ce n’est pas une définition très originale si on ne sait pas ce que Beuys entend par « action ». J’aurais dû faire la remarque tout à l’heure, on aurait peut-être pu parler de sculpture sociale… Pour revenir à l’activité, le bélier, ça a suscité des choses dans les paroles des enfants ?

FF : Plus ou moins. Des histoires de superhéros surtout. Quant à la sculpture sociale, ça reste pour moi l’idée que « le changement viendra de l’art ». Une école, c’est un bon milieu pour commencer. Je ne suis pas un superhéros politique comme Beuys. Et quand tout le monde devenait militant, Beuys n’a jamais arrêté de faire de l’art. L’action de la sculpture, c’est aussi ça.

AM : En regardant ce bélier-là, où il y a des trous pour les têtes, je repensais à ce que je lisais cet après-midi, un texte de Jean-Claude Schmitt, le médiéviste, sur ce que les folkloristes appellent la « danse des chevaux-jupons ». Au Moyen Âge, un certain jour du printemps, les jeunes gens se glissaient dans des costumes de chevaux, et mimaient des sortes de tournois de chevaliers dans les cimetières et les églises ; ça ne plaisait pas beaucoup à l’Église, qui a dû requalifier ces danses comme des profanations, en détournant la structure du rite sous-jacent. Les prêtres racontaient que Dieu avait foudroyé le chef des jeunes, ou bien ouvert les enfers sous ses pieds, mais ils réinterprétaient la descente dans le monde souterrain, qui était le vrai sens, initiatique, des chevaux-jupons. Mike Kelley a d’ailleurs fait des spectacles comme ça, avec des costumes de chevaux, à la Judson Church notamment.

FF : J’y pensais en t’écoutant. Je suis sûr que Kelley a pu avoir vent du folklore dont tu parles. C’est le genre de choses qui l’intéressent, les rites d’initiation et les contre-mythes de la culture officielle.

AM : Schmitt rappelle que c’est un rite de printemps, donc de renaissance, donc une danse des morts. Pour peu qu’on projette ce terreau folklorique sur votre atelier, je me demande comment ça pourrait croiser tes intérêts, disons muséographiques, autour de la vie et de la mort des objets, tout ce que tu as trouvé au musée du Paysan roumain. Tu restes timide sur ces questions culturelles et magiques. Je ne suis pas certain que vos allusions, ici, aux révoltes en cours fassent vraiment récit. Tu t’apprêtes à travailler sur Deligny, tu ne pourras pas esquiver la question de la « légende ».

FF : J’ai plutôt pensé en termes de « coïncidences », pour employer un autre mot de Deligny. Coïncidences ou tout simplement événement : rappelle-toi ce 1er décembre ! J’ai été marqué par l’événement, et par ce qui a suivi au moment où je menais cet atelier.

AM : C’est un contexte, oui. Un mot sur La Métive, pour ceux qui ne sont pas avec nous ?

FF : C’est un ancien moulin, aujourd’hui une résidence de création et un centre culturel très polyvalent, important à la fois pour les artistes qui viennent d’un peu partout et pour les habitants des villages alentour. Ce n’est pas un centre d’art contemporain. On ne montre pas les sculptures dans une « salle d’exposition ». Ça a ses avantages, dans la vie du bâtiment. Cette salle, on doit la traverser pour aller à la bibliothèque.

AM : Et trébucher sur ces clefs anglaises ?

FF : En février, j’ai rêvé de ces deux clefs anglaises. C’est mon commentaire onirique de l’exposition, dans l’exposition.

AM : C’est une « clef » pour comprendre le rapport à ton propre travail ?

FF : Oh je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que mon travail sur les matériaux s’est asséché depuis quelques années, et que, là, les enfants ont fait ce que je ne me permets pas dans mon atelier. Comment on trouve des idées avec les enfants ? Parfois on apporte ce qu’on ne veut pas ou plus faire seul. Au fond, le Tronc de la révolution, je leur ai un peu « commandé ». J’en avais eu l’idée il y a quelque temps. On pourrait dire que la sculpture est de moi, fabriquée par eux, avec leur complicité, pas forcément avec leur assentiment, car ils étaient quand même un peu frustrés par le coloris. Est-ce que c’est du travail déguisé ? Je ne suis pas Charles Ray, qui fait sculpter son arbre au Japon… Bon, je plaisante, mais je ne mens pas quand je dis que je n’aurais pas fait cet objet sans eux. En tout cas, c’est le plus fort de l’exposition et on explose le cadre, ça n’est pas de l’art enfantin, je compte le montrer ailleurs.
Après, j’aime beaucoup ces Cornes diaboliques aussi, que je n’ai pas « dirigées ». J’y vois des choses qu’ils ne voient pas. Voilà, je me pose la question : un artiste dans mon genre, est-ce qu’il travaille avec les enfants pour exorciser ses propres tendances au maniérisme ? Je me demande comment j’influence moi-même le travail des enfants, même involontairement.

AM : Ce sont pour une part des questions psychologiques, mais elles se posent, oui. Par ailleurs, tu connais mon critère : a-t-on respecté l’« animation groupale indéterminée » ?

FF : Tu sais, c’était d’abord une sorte de test sur la vie des formes, sur la mémoire des formes. Les enfants ont commencé par observer les boiseries de Simon Bouer, qui sont exceptionnelles : au-delà de la fantaisie baroque et du contexte religieux, il y a toutes ces figures complètement énigmatiques qui les ont beaucoup frappés. Je voulais ensuite qu’ils puissent apporter leurs propres références. Je leur ai laissé la place pour cela, je crois. Je me suis contenté de leur donner les outils, disons, de l’assemblage, et j’ai attendu de voir quel type de figuration allait en sortir. Les colonnes torses, le lutrin aux lions, le christ biface, l’atlante, les têtes sous les stalles : comment ces motifs allaient resurgir dans une production faite avec des matériaux et des outils qui n’ont rien à voir avec la taille directe ? Au même moment, il y avait à Paris la grande exposition sur le cubisme, mais je ne leur en ai pas parlé, ni d’art contemporain d’ailleurs. Je voulais voir comment la migration des formes allait opérer, et j’estime aujourd’hui qu’elle a bien eu lieu, qu’il y a eu hybridation avec leur propre monde, leurs propres références. On le voit bien dans leurs titres : L’Escalier infini, Chat-sirène, Speederman – avec deux e, comme speed

Catalogue Journal d’un maitre d’école

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Journal d’un maître d’école
(livre-DVD) Vittorio De Seta, Federico Rossin…
2019

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Actu125-Diario au Forum des images

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11 juin 2019


“Quand Vittorio De Seta réinventait l’école” : projection des 4 épisodes de Diario di un maestro (Journal d’un maître d’école), 4h30′, 1973, au Forum des images à 18h et 21h15. En présence de Federico Rossin, auteur du livre-DVD paru aux éditions L’Arachnéen.

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Actu126-

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9 juin 2019


Festival de l’histoire de l’art de Fontainebleau : interventions de Florian Fouché “Le musée antidote : à propos du musée du paysan roumain (Bucarest)” à 14h, puis du groupe RADO “Échafauder des situations artistiques” à 15h30.

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Actu124-Marché de la poésie

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5-9 juin 2019


L’Arachnéen participe au Marché de la poésie, place Saint Sulpice, Paris 6è, stand 104, aux côtés des éditions La Barque et Harpo &.

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Actu123 – Diario Monte en l’air

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4 juin 2019


Présentation de Journal d’un maître d’école. Le film, un livre par Federico Rossin à la librairie Le Monte-en-l’air, Paris 20è, à 19h.

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Actu126-Coréennes ROSSIN

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3 juin 2019


Une conférence de Federico Rossin à propos du livre de Chris Marker, Coréennes, paru au Seuil en 1959 et réédité par L’Arachnéen en 2018, aux Maisons du voyage, Paris 6è, à 18h30.

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Actu 126- Po&sie

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18 mai 2019


Entretien de Po&sie : « (in ?)hospitalités d’aujourd’hui » à la Maison de la poésie, Paris 3è, à 16h. Avec Michel Deguy, Martin Rueff, Gisèle Berkman, Claude Mouchard & autres invités. Projection de photographies d’Ahmad Ebrahimi

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Diario-Descriptif-Synopsis

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30 €


DVD (4h30’) avec sous-titres français
Livre de 132 pages
avec 143 images et documents
Format : 23 x 17 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-015-8
Date de parution : 7 juin 2019

Livre-DVD publié avec le soutien
du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
et de l’École nationale supérieure d’art (ENSA) de Limoges

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Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école
Le film, un livre

Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
Livre-DVD conçu sur une idée de Federico Rossin

 

Épisode 1

Un jeune maître d’école d’origine napolitaine, Bruno D’Angelo, est nommé en cours d’année à l’école élémentaire de Tiburtino, une banlieue populaire de Rome. On lui confie la classe la plus difficile, avec des garçons turbulents et presque tous redoublants. Beaucoup d’élèves manquent à l’appel. Contre l’avis de la direction (le directeur vient rarement, et l’assistante de direction considère qu’il n’y a rien à faire de ces élèves) et des autres enseignants, D’Angelo part à leur rencontre sur leurs lieux de vie : la plupart vivent dans des baraquements et passent leurs journées dehors, à vendre de l’ail au marché et à jouer dans des carcasses de voiture. Peu à peu, les élèves reviennent en classe. D’Angelo cherche à instaurer un climat de travail collectif, en privilégiant la compréhension sur la discipline et en partant des faits de la vie quotidienne plutôt que de notions abstraites. Les élèves ont pour habitude d’attraper et tuer des lézards ; le maestro leur propose d’en ramener un en classe, de lui fabriquer un vivier et l’observation se transforme en un débat sur la torture. Le lézard devient le sujet de textes et de dessins libres, rassemblés sur un grand panneau documentaire. Le jeu cruel se transforme en leçon de sciences naturelles et de morale.

Extrait de l’épisode 1

Épisode 2

Le maîtres et les élèves s’entendent pour aller chercher les garçons manquants. Lors de cette sortie, un élève est blessé au visage. De retour en classe, le directeur fait irruption et cherche le coupable. D’Angelo objecte qu’il n’est pas nécessaire de faire un procès. Irrité, le directeur le convoque ; l’incompréhension s’installe entre le maître d’école, partisan d’une pédagogie nouvelle, et le directeur, attaché aux valeurs traditionnelles de l’école. Quelques jours plus tard, un incident grave a lieu : un élève a pris une voiture devant l’école et a failli renverser des passants. D’Angelo tente de reconstituer l’incident et engage une discussion sur le vol. Il invite en classe un ancien voleur, Raffaele, dont le récit captive les garçons. À la suite de cette scène, ils composent un deuxième panneau documentaire intitulé « Contre la loi ». La classe est transformée : les tables sont rassemblées en îlots, D’Angelo renonce à son estrade et ils en font une bibliothèque. La construction de la bibliothèque est l’occasion d’une leçon de mathématiques et de travaux manuels. L’épisode se termine par la création d’une caisse commune à laquelle chacun contribue selon ses possibilités, afin de payer des fournitures pour la vie collective de la classe.

Épisode 3

À proximité de l’école, une pelleteuse démolit des logements tandis que les habitants délogés manifestent. Les élèves assistent à la scène. En classe, une discussion s’engage sur le logement social, les élèves se révélant très concernés par la question. À la fin du débat, D’Angelo leur propose de dessiner ou de peindre la scène de démolition. Après avoir débattu collectivement de chacun des dessins, ils décident de se lancer dans une enquête sur le logement. Le résultat est un autre panneau documentaire pour le titre duquel les enfants inventent un mot : « Les mal-aisés », ceux qui vivent mal. D’Angelo propose d’organiser une rencontre avec des parents d’élèves. Il apparaît de plus en plus manifeste que sa méthode pédagogique consiste à partir de l’observation des choses et de la réalité pour en tirer dans un second temps des concepts et un savoir. Ils visitent des lieux historiques de Rome (le Colisée, la Piazza Venezia…) afin d’aborder des événements de l’histoire ancienne et récente. Mais D’Angelo est isolé, ses collègues voient d’un mauvais œil ses innovations pédagogiques et son investissement excessif auprès de ses élèves.

Épisode 4

Les élèves de la classe de D’Angelo sont de plus en plus actifs et impliqués. Le maestro aborde l’histoire de la seconde guerre mondiale en les invitant à interroger leur famille, parents et grands-parents. Avec tous les récits collectés, repris et corrigés en classe, les élèves composent et impriment un journal de classe intitulé « Ne pas tuer ». Puis ils s’attaquent à la question du travail des enfants. Les élèves se transforment en enquêteurs ; munis de stylos et d’appareils photos, ils parcourent le quartier en interrogeant les enfants : pourquoi as-tu quitté l’école ? quel métier fais-tu ? pourquoi celui-là ? combien d’argent gagnes-tu ? Les murs de la classe se couvrent rapidement des portraits et des réponses des petits travailleurs… mais la fin de l’année approche et le directeur veut vérifier que les élèves sont prêts pour l’examen de fin d’année. Il les interroge. Le résultat est désastreux : à ses questions tirées des manuels scolaires, les garçons donnent des réponses vagues, partielles ou incorrectes. S’ensuit une longue confrontation entre D’Angelo et le directeur, au terme de laquelle D’Angelo décide de quitter l’école. Il passe quelques jours dans le Sud, dans sa famille, et réfléchit à la situation. Le film se termine sur les retrouvailles chaleureuses de D’Angelo et des garçons, juste devant l’école (on ne sait pas s’il va reprendre sa place ou non).

 

 

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30 €


DVD (4h30’) avec sous-titres français
Livre de 132 pages
avec 143 images et documents
Format : 23 x 17 cm
Couverture souple avec rabats
ISBN : 978-2-37367-015-8
Date de parution : 7 juin 2019

Livre-DVD publié avec le soutien
du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
et de l’École nationale supérieure d’art (ENSA) de Limoges

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Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école
Le film, un livre

Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
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Nathan Letoré, “Cinéma de maître”, Le Courrier, 13 novembre 2020
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Interview de Federico Rossin par Serge Hulpusch, L’écho Corrèze, 2 octobre 2019
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Gianluca Pulsioni, “La scuola secondo De Seta arriva in Francia”, Alias (hebdomadaire culturel du journal italien, Il Manifesto), 21 septembre 2019.
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Marcos Uzal, “L’école est redéfinie”, Libération, 27 juillet 2019
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Natacha de la Simone (librairie L’Atelier, Paris 20è), chronique dans l’émission “À livre ouvert” sur France Info, samedi 29 juin 2019 (dernière des quatre chroniques).
Écouter

Charlotte Garson, chronique dans l’émission “Plan large, l’encyclopédie vivante du cinéma” d’Antoine Guillot, sur France Culture, à la 50e minute de l’émission du samedi 22 juin 2019.
Écouter

Émile Breton, “Méthodes nouvelles, cinéma nouveau”, L’Humanité, 12 juin 2019.
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Mathieu Macheret, “Une classe hors les murs”, Le Monde, 12 juin 2019.
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Cyril Béghin, recension dans les Cahiers du cinéma, n°756, juin 2019.
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Bernard Eisenschitz, “‘Journal d’un instituteur’ de Vittorio De Seta”, Trafic, n°110, mai 2019.
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Date de parution : 7 juin 2019

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Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
Livre-DVD conçu sur une idée de Federico Rossin

 


Rencontres à venir :

Samedi 24 et dimanche 25 avril à 18h30
Projection virtuelle du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” à Xcèentric – el cinema del CCCB (Barcelone), avec une présentation de Federico Rossin et Sandra Alvarez de Toledo.
http://xcentric.cccb.org/es

Traduction du texte de Federico Rossin, “Histoire d’un film”, en espagnol :
Historia de una película


Rencontres passées :

jeudi 19 mars 2020, de 18h à 23h
Projection du film de Vittorio De Seta “Journal d’un maître d’école” au cinéma La Clef, Paris en présence de Sandra Alvarez de Toledo et Federico Rossin. Organisé par l’association Home Cinema. 18h-23h. Annulée à cause du COVID.

jeudi 26 mars 2020, de 18h à 23h
au cinéma Le Bourget de Forcalquier, projection des 4 épisodes en présence de Federico Rossin, en partenariat avec la librairie La Carline. Annulée à cause du COVID.
https://festivalnumerozero.com/programme/jeudi-26-mars-2020/

dimanche 3 mai 2020,
au cinéma Le Spoutnik à Genève, projection des 4 épisodes en présence de Federico Rossin, en partenariat avec la librairie La Dispersion. Annulée à cause du COVID.

mardi 4 juin 2019, à 19h
librairie Monte-en-l’air, Paris 20è
présentation du livre par Federico Rossin
Flyer

mardi 11 juin 2019, à 18h
projection du film lors d’une séance Doc & Doc // Forum des images, Paris 1er
“Quand Vittorio De Seta réinventait l’école”
avec Federico Rossin et Sandra Alvarez de Toledo
Site de Documentaire sur Grand Écran

vendredi 28 juin 2019, de 10h à 17h30
projection du film lors des Rencontres du film documentaire à Mellionnec,
“Journal d’un maître d’école : la fabrique d’un film”, avec Federico Rossin
Site du festival

dimanche 30 juin 2019, à 10h
présentation du livre-DVD par Federico Rossin à la librairie Le temps qu’il fait (Mellionnec)
Site de la librairie

jeudi 22 août 2019, 18h
présentation du livre-DVD par Federico Rossin dans l’espace librairie des États généraux du film documentaire, Lussas

jeudi 26 septembre 2019, 19h, et vendredi 27 septembre, 20h
présentation du livre-DVD par Federico Rossin à la librairie L’Histoire de l’oeil, Marseille, suivie, à 21h, de la projection des épisodes 1&2 à Vidéodrome2, puis des épisodes 3&4 le lendemain à 20h

samedi 5 octobre 2019, 14h-20h
projection-débat au cinéma Véo de Tulle, en présence de Federico Rossin, Peuple et Culture Corrèze et L’Arachnéen
Flyer

dimanche 6 octobre 2019, 14h-20h
projection-débat à la salle des fêtes de Tarnac, en présence de Federico Rossin, Peuple et Culture Corrèze, le Magasin général et L’Arachnéen
Flyer

lundi 7 octobre 2019, 9h30-17h
projection et journée d’étude à l’ENSA de Limoges, en présence de Federico Rossin et L’Arachnéen
Site

dimanche 13 et dimanche 20 octobre 2019
2 dimanches de Varan (Paris) : fabrique et histoire d’un film, par Federico Rossin
Flyer

vendredi 25 et samedi 26 octobre 2019, 10-18h
Peuple et Culture (Paris) : cinéma documentaire et éducation populaire, par Federico Rossin (projection et analyse collective du film ; traversée des pédagogies nouvelles en Italie et en Europe).
Renseignements et inscription auprès d’Élodie Davoust : 01 49 29 42 80 / davoust(at)peuple-et-culture.org

mercredi 4 et jeudi 5 décembre 2019
Projection du film au Festival du film d’éducation à Évreux en deux fois, mercredi et jeudi soir, de 20h45 à 23h30, en présence de Federico Rossin et Philippe Meirieu.
Projection 1/2
Projection 2/2

mardi 4 février 2020 à 19h
à l’institut culturel italien de Paris, projection du 1er épisode du film de Vittorio De Seta, en présence de Goffredo Fofi et Sandra Alvarez de Toledo.
Plus d’informations

 

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Livre de 132 pages
avec 143 images et documents
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Date de parution : 7 juin 2019

Livre-DVD publié avec le soutien
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Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école
Le film, un livre

Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
Livre-DVD conçu sur une idée de Federico Rossin

 

Entre 1953 et 1959, Vittorio De Seta (né en Sicile en 1923 et mort en Calabre en 2011) réalise un ensemble de dix courts métrages intitulé Il mondo perduto : seul, équipé d’une caméra 35 mm et d’un enregistreur, il filme les vestiges des cultures populaires en Italie du sud. Banditi a Orgosolo (1961), son premier long métrage – tourné en Sardaigne – décrit le destin d’un berger pris entre les lois de l’État et les règles non écrites de la communauté sarde. Ses deux films suivants, Un homme à moitié (Un uomo a metà, 1966) et L’Invitée (L’invitata, 1969) – coproduits par la France – sont des films de fiction largement inspirés par son expérience de la psychanalyse. Après Diario di un maestro et Quando la scuola cambia, il retourne au documentaire et réalise quatre films dont deux, La Sicilia revisitata (1980) et In Calabria (1993) ont pour thème, dit-il, la « “superstition” du progrès ».

Federico Rossin est historien du cinéma, critique et programmateur indépendant dans de nombreux festivals, en France et en Europe (Italie, Chypre, Portugal). En France, il conçoit notamment chaque année plusieurs programmes de films pour les États généraux du film documentaire à Lussas, pour le Cinéma du Réel à Paris et les Rencontres du film documentaire de Mellionnec, la Décade cinéma et société à Tulle, le festival Filmer le travail à Poitiers. Il a publié de nombreux essais, sur le cinéma documentaire et d’archive, sur le collage au cinéma, sur le cinéma polonais, sur Jean-Luc Godard, Wang Bing, Joseph Losey, etc.

Francesco Grandi est historien, spécialiste de l’histoire de l’antisémitisme, du sionisme et de l’antifascisme libertaire. Il a mené pendant dix ans des recherches sur les questions d’immigration et sur les politiques éducatives dans les contextes de précarité économique. Il est actuellement responsable de la recherche et du développement à la Fondation Giangiacomo Feltrinelli à Milan.

 

 

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Le film, un livre

Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
Livre-DVD conçu sur une idée de Federico Rossin

 

p. 13-41 : Histoire d’un film
par Federico Rossin
Extrait

p. 42-75 : Quando la scuola cambia (Quand l’école change, 1978)
Transcription des commentaires et propos des quatre films de Vittorio De Seta :
1. Partir de l’enfant
2. Travailler ensemble ne fatigue pas
3. Tous les citoyens sont égaux sans distinction de langue (Constitution italienne)
4. Les « différents »
Extrait

p. 77-119 : Pour une imagination pédagogique. Éducation, activité politique et éditoriale en Italie, 1945-1980
par Francesco Grandi
Extrait

p. 121-126 : Post-scriptum : l’œuvre collective selon don Lorenzo Milani
par Sandra Alvarez de Toledo

 

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Diario di un maestro / Journal d’un maître d’école
Le film, un livre

Film en 4 épisodes de Vittorio De Seta (1973)
Livre-DVD conçu sur une idée de Federico Rossin

 

L’édition de Diario di un maestro, inconnu en France, appelait un livre. L’Arachnéen en a confié le choix des textes à l’historien du cinéma Federico Rossin. Dans son propre texte, intitulé sobrement « Histoire d’un film », celui-ci décrit la conception-fabrication de ce qu’il appelle un « essai pluridimensionnel » (la formule renvoie à la complexité de sa structure, narrée et improvisée, jouée et vécue, réelle et représentée) et analyse le dispositif antiautoritaire et critique mis en scène en référence aux préceptes de l’école nouvelle italienne inspirée en grande partie de Célestin Freinet. L’auteur propose de voir dans le film une proposition de réformer l’école en « communauté ouverte », en « service social ouvert à tous », et d’y entendre l’apologie d’une possible invention institutionnelle, contre les tenants de l’abolition de l’école ou des projets autogestionnaires des années 1970. Au passage, l’auteur apostrophe le « décadentisme » et le « désespoir apocalyptique » de Pier Paolo Pasolini, lui préférant la croyance de De Seta dans la survivance de la culture dialectale et populaire, dans la valeur émancipatrice des pratiques collectives et dans la résistance des individus au pouvoir par le bricolage d’espaces alternatifs. Diario di un maestro, film éminemment moderne, est à l’image même de ce bricolage, réalisé dans l’élan des réactions contingentes des adolescents, de leur vitalité débridée par l’empathie du maître d’école. L’omniprésence à l’écran de leurs corps en mouvement, la tension de leur engagement dans la classe, que Federico Rossin apparente à une « performance », soutiennent le film et vibrent de l’enjeu politique d’une telle expérience, qui est ni plus ni moins de leur éviter la délinquance ou la prison – comme le dit le maestro à la fin du film.

Le débat, soulevé par les enseignants qui ne voulurent pas « croire » à une telle école, suggéra à Vittorio De Seta l’idée de réaliser quatre films-enquêtes, Quando la scuola cambia (Quand l’école change), de moindre ambition formelle que Diario di un maestro. Les deux premiers se déroulent dans des classes-type de l’école moderne ; le troisième pose la question de la survivance de la langue et de la culture albanaises dans un village du Sud, et celle du plurilinguisme à l’école ; le dernier décrit plusieurs expériences d’intégration d’enfants handicapés à l’école. Les transcriptions des propos (commentaires, dialogues), accompagnées de photogrammes des films, sont à considérer comme des documents.

Ces expériences sont inscrites dans l’histoire, et dans des territoires : nous sommes en Italie, après les années dites du « miracle économique », dont le prix à payer fut le déplacement de millions de paysans du Sud vers les usines de Turin et du Nord. Dans le contexte de la reconstruction, la « question de l’école » fut cruciale. Des associations de militants de l’école nouvelle se mobilisèrent – hors partis – et le Mouvement donna lieu à de multiples expérimentations qui visaient à remettre l’enfant au cœur du système scolaire et à réduire les inégalités sociales creusées par le multilinguisme (la coexistence de l’italien, « langue de culture », et des dialectes). Ces efforts furent complétés par un intense travail d’enquête sociale et ethnographique, et s’appuyèrent sur l’engagement d’un réseau de maisons d’édition indépendantes qui publiaient le matériel issu de ces expérimentations (voir l’extraordinaire revue Biblioteca di lavoro de Mario Lodi), mais aussi des manuels scolaires alternatifs ou des comptes rendus d’enquête. Dans son texte, Francesco Grandi dresse une cartographie des énergies militantes déployées dans l’ensemble de l’Italie, avec le concours des grandes figures du monde intellectuel italien (Carlo Levi, Ernesto de Martino, Alberto Moravia, Pier Paolo Pasolini, Danilo Dolci, Danilo Montaldi, Umberto Eco, etc.).

Diario di un maestro s’est inspiré d’Un anno a Pietralata, le journal d’Albino Bernardini (Pietralata est situé dans la banlieue de Rome, non loin de Tiburtino III où fut tourné le film). Mais il ne pouvait qu’être touché, comme tous les Italiens le furent à l’époque, par le livre emblématique de don Lorenzo Milani et de ses élèves de Barbiana, Lettera a una professoressa. Composé d’aphorismes tranchants, pensé comme « œuvre d’art » collective (sur le modèle des « mosaïstes chrétiens »), « invitation à s’organiser », l’ouvrage est évoqué et cité dans un post-scriptum de Sandra Alvarez de Toledo comme le modèle le plus plausible d’un film qui se voulut « révolutionnaire » et sans auteur.

 

122 – Deligny / Maison de la poésie

ACTU 16-DELIGNY_CONF_MARSEILLE
13 avril 2019


Entretiens de Po&sie : Fernand Deligny.
Lecture par Claude Mouchard, Sandra Alvarez de Toledo, Sami El Hage, Anaïs Masson, Bertrand Ogilvie, à la Maison de la poésie (Paris).

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121 – Deligny / espace En cours

ACTU_62_MG_064
5-6 avril 2019


Projection de films de Fernand Deligny, à l’espace En cours (Paris 20è) : Ce gamin, là ; A propos d’un film à faire ; Le Moindre Geste

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120 – Salon de L’Autre Livre

ACTU 120_palaisdelafemme
8-10 mars 2019


L’Arachnéen participe au salon de L’Autre Livre, qui se tient cette année au Palais de la femme, 94 rue de Charonne, Paris 11è. Stand A12. Entrée libre. Consultez le programme

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118 – Deligny St Etienne

ACTU 118 ICONO
19-20 fév. 2019


Colloque pluridisciplinaire Fernand Deligny à Saint-Étienne et Lyon. Téléchargez le programme

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119 – L’Asie de Marker

ACTU 199 - Marker Koumiko
16-24 fév. 2019


“L’Asie de Chris Marker” : projection de 5 films de Chris Marker au Musée Guimet (Paris). Consultez le programme

Photogramme du Mystère Koumiko, 1965.

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Schwarze Spiegel, par Yves Belorgey et Lana Damergi

À qui veut…

Le 04/01/19, par Yves Bélorgey et Lana Damergi

Entretien d’Yves Bélorgey par Lana Damergi*, à l’occasion de son exposition Schwarze Spiegel, qui aura lieu du 26 janvier au 17 mars au Kunstverein d’Heilbronn.

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Lana Damergi : ton exposition s’appelle Schwarze Spiegel (Miroirs noirs), cela fait penser à camera obscura. Peux-tu nous parler de ce titre et de ton éventuel souhait de souligner le lien entre tes œuvres et la photographie ?

Yves Bélorgey : Oui, les miroirs d’une chambre noire sont noirs. Les dessins et tableaux exposés au Kunstverein – chambre blanche et généreusement éclairée – ne sont que des illusions, mais ils reflètent « un amour de la vérité » analogue à l’image des miroirs. Oui je pensais aux dessins photographiques lorsque j’ai proposé ce titre. Pourquoi ce besoin du noir et blanc ? Ou pourquoi ce passage au dessin ? Pour distancier ? C’est la réponse la plus raisonnable, mais qui dit bien peu des mouvements opérés, du doute parfois de parvenir à finir un tableau, et que c’est plus rapide direct et simple en noir et blanc. La présence dans l’exposition de quelques tableaux montre aussi que la frontière entre les dessins et les tableaux n’est pas insurmontable et qu’ils forment un espace commun. En tous cas lorsque j’ai opté pour un dessin de Rot-Buche (hêtre pourpre), je lisais Miroirs noirs de Arno Schmidt – je le lis ces temps-ci assidûment. Un homme est seul survivant rescapé d’une troisième Guerre mondiale dévastatrice qui aurait eu lieu dans les années 1960. Au milieu de ce qui reste il va continuer à écrire …sans doute pour survivre, se souvenir…
C’est un fait que je n’aurais pas pensé à ce titre sans cette lecture, mais que je l’ai tout de suite associé au caractère noir des dessins, lui-même lié à la photographie noir et blanc. Ce titre me paraît idéal tant par sa couche poétique, par le lien avec la lecture d’Arno Schmidt que pour mettre l’accent sur l’arrière-plan photographique des dessins et sur la préséance que je veux donner aux dessins. Car il n’y a pas dans mon travail de hiérarchie entre dessin et peinture, les dessins ne sont pas une esquisse ou une étude préparatoire. Les tableaux font autant office d’étude que les dessins. Il y a donc eu ce concours de circonstances, mais Arno Schmidt parle de photographie et l’a beaucoup pratiquée.
Page 8 de Scènes de la vie d’un faune, je lisais :
« Ma vie ?! : n’est pas un continuum ! (pas seulement qu’elle se présente en segments blancs et noirs, fragmentés par l’alternance jour et nuit ! Car même de jour, chez moi c’est pas le même qui va à la gare ; qui fait ses heures de bureau ; qui bouquine ; arpente la lande ; copule ; bavarde ; écrit ; polypenseur ; tiroirs qui dégringolent éparpillant leur contenu ; qui court ; qui fume ; défèque ; écoutelaradio ; qui dit “monsieur le Sous-préfet” ; that’s me!) : un plein plateau de snapshots brillants.
Pas un continuum, pas un continuum ! tel est le cours de ma vie, tel celui des souvenirs (de la façon qu’un spasmophile peut voir un orage la nuit) :… »
Et dans la note afférente : « A.S., parlant du souvenir, rejoint Schopenhauer parlant de la discontinuité de la conscience et de la pensée lorsqu’il dit (dans Le Monde comme volonté et représentation, IIe volume) que “notre conscience pensante est, de par sa nature même, nécessairement fragmentaire.” »

J’ai été très touché par ce passage et sa note, qui me renvoient au statut du tableau dans l’exposition, mais aussi à une façon de concevoir l’image elle-même comme une mosaïque (ou un puzzle), un ramassis organisé de pièces fragmentaires qui ne sont pas arbitrairement unifiées par un grand geste homogénéisant. Ce qui unifie l’ensemble est la volonté de décrire un objet ou une situation, une tentative de se souvenir ou au moins de garder une trace.

L.D. : Et de quoi souhaites-tu garder une trace ?

Y.B. : De ce qui reste. C’est à dire que ce n’est pas mon travail qui change. C’est le monde autour de moi. En France tout particulièrement, mais pas seulement, le mouvement est tout aussi planétaire que l’a été la forme d’habitat populaire et collectif sur laquelle je travaille ; partout, les immeubles modernes sont détruits. Étrangement c’est un mouvement de table rase analogue à celui qui avait parfois dominé leur construction, et il semble qu’ils ne doivent pas s’enraciner. Par exemple une des principales critiques sur les grands ensembles était qu’ils n’intégraient pas la rue, et cette vie sociale si particulière à l’appartenance à une rue, celle où je tu il elle habite, or la rue met du temps à prendre, et la rénovation des grands ensembles aurait pu aller dans le sens de permettre la prise de la rue, de l’espace social particulier de la rue et prolonger cette lente sédimentation. L’art de l’observation demande une adaptation constante dans le temps du présent. Le travail de l’art est une méditation actuelle sur le (les œuvres du) passé proche ou lointain.

L.D. : Pourrais-tu nous parler du choix des œuvres pour cette exposition et de leur sujet ?

Y.B. : Plutôt que du choix des œuvres, je pense qu’il faut parler du choix des motifs. Il s’agit essentiellement de répondre au lieu, la ville, le Kunstverein et de répondre à cette situation particulière du Bundesgartenchau 2019. D’où la sorte de jardin intérieur, les arbres… Mon intérêt pour Atget trouve sa juste conséquence dans une forte dimension historique (la pharmacie dont le blason laisse à penser qu’elle continue une tradition remontant à 1359, le bâtiment des archives de la ville, plus proche de nous, l’écluse). La reconstruction apparaît aussi clairement dans les dessins montrant des immeubles d’habitation, avec des boutiques en rez-de chaussée, l’un d’eux se situe presque en face du Kunstverein. Il y a aussi quelques dessins et un tableau de Cologne, et c’est la situation de mon atelier puisque je travaille beaucoup sur cette ville.

L.D. : Les œuvres que tu as choisi de montrer associent des dessins et des tableaux au pigment sur toile appliqués sans liant. Comment distingues-tu les secondes des premières ?

Y.B. : La principale distinction qui saute aux yeux du spectateur est la couleur. Les tableaux pigmentaires seraient des dessins colorés. J’ai voulu adapter la technique des dessins au graphite à la couleur. Ces tableaux pigmentaires sont une application directe du pigment sec –sans liant – ni huileux ni aqueux, sur toile.

L.D. : On connaît bien l’école de photographie de Düsseldorf, où tu as fait deux séjours durant les années 1990, et où l’utilisation du médium de la photographie varie. Ici avec ces tableaux au pigment, tu romps avec une pratique de peinture qui a été la tienne durant plusieurs décennies. Qu’est-ce que cette nouvelle méthode t’apporte pour ton langage esthétique ?

Y.B. : J’utilise des photos comme documents de travail depuis plus de vingt ans quand j’ai commencé à réaliser des tableaux que j’appelle tableaux d’immeubles qui concernent essentiellement les immeubles d’habitation collectifs. Ces tableaux avaient un caractère documentaire, et je me devais d’être précis et pour cela de partir d’un reportage photographique. Ensuite j’ai commencé à faire des dessins, du même format que les tableaux. Les dessins ont pris de plus en plus de place dans l’ensemble de mon travail. Je voulais depuis quelque temps appliquer plus directement au domaine des tableaux et de la couleur ce que je trouvais en dessin. Depuis que les dessins se développent à côté des tableaux, il y a en effet une sensation qu’ils ne se rapportent pas aux mêmes motifs. Dès le début dans les dessins je me rapprochais plus du seuil, le sujet était plus fragmentaire, un détail de façade. Maintenant la distinction est de moins en moins facile à établir, parce que je cherche à faire évoluer ces frontières. D’autant plus qu’à l’intérieur du corpus des tableaux j’ai eu besoin de faire évoluer la distance avec mon motif principal, reconnaissable dans l’immeuble d’habitation ; j’ai parfois élargi le cadre, jusqu’à la dimension du paysage, inversement j’ai commencé à faire des tableaux d’intérieurs.
Je crois que tout peintre doit se poser la question du dessin dans la peinture – de même qu’il y a des formes ou des effets picturaux dans les dessins. J’ai donc simplifié mon organisation, et j’ai l’impression d’aborder un nouveau terrain de jeu.

L.D. : Comment définirais-tu ces nouveaux tableaux ? La peinture a plusieurs définitions, mais nous en choisissons volontairement deux, issues de la lexicographie du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) : « Matière colorante composée d’un pigment et d’un liant, utilisée pour recouvrir une surface, pour la protéger ou l’orner », et « Art de peindre ; moyen d’expression qui, par le jeu des couleurs et des formes sur une surface, tend à traduire la vision personnelle de l’artiste. » Le liant semble être inclus dans la définition de la peinture comme matière, mais ne semble pas clairement nécessaire pour la définition comme médium. Comment penses-tu que l’on puisse considérer ces tableaux ? S’agirait-il de dessins ?

Y.B. : Je les ai appelés très vite tableaux pigmentaires et pour l’instant je m’y tiens (on parle aussi de tirages pigmentaires en photo). Le spectateur se demande comment c’est fait, comment la matière est déposée, quels outils sont utilisés. La technique est analogue à la façon dont j’utilise la poudre de graphite. J’ai adapté cette technique et ces outils – cotons, mousses, pochoirs faits maison – au tableau sur toile. La poudre des pigments remplace le graphite. Le va et vient du dessin à la couleur est aussi très sensible dans la compréhension du contraste simultané ou interaction des couleurs comme opératoire dans le monde du dessin noir et blanc. Le blanc intense se fait par le noir et les gris, dans des rapports proportionnels de masses et de quantités.
Le spectateur est surtout décontenancé parce qu’il n’y a pas à proprement parler de « touche » de pinceau. La surface du tableau, mate et régulière est très fluide, ou diffuse, il y a des effets de transparence qui paraissent liés à une liquidité, alors que la technique est complètement sèche, tout cela est étonnant parce que le spectateur est habitué à juger de l’habileté par la touche du peintre alors qu’en réalité c’est la couleur qui structure (de même que le dessin ne se définit pas par le contour). Quand je les compare aux tableaux à l’huile, je suis surpris tout autant par les différences que par le fait qu’il n’y a finalement pas tant de différence. Je ne suis pas attaché à une fidélité au médium, une pureté de l’expression du médium, une sorte d’ontologie ou d’orthodoxie du rapport au médium, comme une fin en soi. Par exemple, les dessins de Seurat qui sont pour moi exemplaires montrent un artiste qui domine complètement ses moyens, dont les dessins déclarent l’espace sans contour aucun. Ces dessins ont, tout particulièrement à la fin de sa vie, des rehauts de pastel, blanc ou blanc cassé, effet d’accentuation ou d’augmentation qui pourrait presque passer pour maladroit. Donc malgré une technique parfaitement exécutée il peut ajouter un élément hétérogène par besoin de vérité augmentée. (De même Mike Kelley par exemple corrigeait ostensiblement ses dessins à la gouache ou au tip-ex…)

L.D. : Parmi les autres changements intervenus avec ce nouvel ensemble, on trouve de nouveaux sujets, comme l’arbre pour lui-même, mais aussi des figures humaines. Alors que tu as l’habitude de traiter tes tableaux en laissant pour seule humanité les traces de vie que les habitants ont laissées (ex. du linge qui sèche comme indice d’une présence). Que penses-tu de ce changement ? Est-ce que ton sujet, l’architecture moderne urbaine et péri-urbaine, est en mutation ?

Y.B.: Je dirais plutôt que ces ouvertures sont constantes. Depuis que je mets en avant les dessins, les tableaux en profitent. Je n’ai jamais vu les immeubles isolés, ou isolément du reste du monde. Le travail du cadrage, ou de sélection, est indissociable du hors-champ. L’activité des habitants et ce qui en reste a pris de plus en plus de place, de même la végétation, puis je me suis consacré à ce que l’on ne peut voir à partir de l’espace public, l’intérieur des appartements, que je considère comme secret, intime, féminin, expression du vernaculaire. J’ai profité de l’occasion qui m’a été donnée par les habitants des Avanchets à Genève, qui m’avaient proposé d’exposer les tableaux dans leur cité, pour leur demander s’ils voulaient m’inviter à faire des intérieurs. Et depuis ce moment j’ai compris que je pouvais peindre des intérieurs. Tout ce parcours est une sorte de réflexion sur ce que serait la dimension du « local », lié à l’« intime » et j’ai la sensation qu’il y a là une frontière. Jean-François Chevrier, à propos du travail de Marc Pataut, parle d’intimité territoriale, mais je préfère local à territorial. Cela me permet de préciser l’importance du travail sur les proportions, de travailler sur le seuil entre intérieur et extérieur… L’année dernière je trouvai cette phrase sur les murs de la maison de Freud à Vienne : « Dwelling – then as now – is not a private activity but also a social set-up that allows us to learn and test social behavior » Pour reprendre ta question je dirais que ce mouvement dans le travail est permanent, pas linéaire, ce mouvement est un ralenti. Le livre que j’ai fait pour la rue des Pyrénées avait déjà intégré beaucoup de ces éléments. Aussi paradoxal que cela puisse paraître ma référence majeure ne vient pas de la peinture, mais de la photographie, et d’un intérêt qui s’est précisé pour l’œuvre d’Eugène Atget. Par exemple : comment, dans ses photos, des passants ou des personnes dans leur activité sont non pas portraiturés mais s’intègrent aux images comme accidentellement ? 1. Le fait qu’il a laissé entrer des personnages dans ses photos. Que l’on peut ou doit le relier avec son expérience d’acteur, avant d’être photographe. Donc il les a intégrés comme des acteurs – acteurs de leurs propres rôles – dans leurs métiers. 2. Que ce que l’on remarque dans ses vues c’est sa capacité à sélectionner ses motifs et à cadrer par conséquent. Donc selon mes calculs ces deux aspects se complètent remarquablement : d’une part il n’a pas forcément besoin de personnages dans ses photos, d’autre part leur présence est possible parce que ce sont de vrais acteurs de leur vie propre. Ses images sont le fruit de la sélection plus que de la composition narrative, mais il y a un indice d’une dimension temporelle et vécue.

* Lana Damergi est diplômée en droit et termine son master en d’histoire de l’art à l’université de Fribourg (Suisse). Spécialisée en histoire de l’art contemporain, elle rédige actuellement un mémoire sur les échanges entre la scène artistique du sud de la France et celles de Düsseldorf et Cologne dans les années 1990, dans lequel l’étude du travail d’Yves Bélorgey occupe une grande place.

117 – IMEC Lainé-Deligny

ACTU 117
24 janv. 2019


L’IMEC (bureau parisien) organise une rencontre autour de Fernand Deligny & Tony Lainé à 19h. Avec Sandra Alvarez de Toledo, Franck Chaumon, Geneviève Haag, Alexandra De Seguin, Kathleen Kelley-Lainé, Anne Lainé, Martin Pavelka, et François Bordes.

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Furia, par Violette Astier

À qui veut…

Le 03/12/18, par Violette Astier.

À propos de FÚRIA, mis en scène par Lia Rodrigues, dansé et créé en étroite collaboration par : Leonardo Nunes, Felipe Vian, Clara Cavalcanti, Carolina Repetto, Valentina Fittipaldi, Andrey Silva, Karoll Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier (théâtre national de Chaillot, 30 nov.-7 déc.)

GOYA_Los_DesastresdelaGuerra_N39_Grande_hazaña_con_muertos

Francisco de Goya, Los Desastres de la Guerra, n°39, Grande hazaña! con muertos!, 1810-1815. Gouache, gravure, pointe sèche sur papier, 15,6 x 20,8 cm, Museo del Prado.

 

« Ce qui s’est produit hier soir au théâtre Chaillot n’était pas un spectacle de danse mais la mise en corps du cortège de l’immondice, le grand retour des reines noires assassinées, poudrées et parées pour la vengeance.

Le sol est vivant. Dans le sillage d’un porteur de drapeau (GREVE), un gros tas d’ordures amoncelées dans un coin de l’espace, s’anime, et amorce une lente ascension cassée. Des groupes et des êtres se distinguent, ils se remettent d’une violente cuite.

Une rumeur croissante, approche la troupe invisible des chevaux décapités et contremaîtres stériles, bruits sourds de sabots claquant au sol et claquements de langue, cadence du travail esclave. OCO CAVALO LOCO. On les entend parcourir les vastes terres volées. Le son de la cavalcade ne cessera plus de rythmer la longue succession des apparitions nocturnes.

Un clochard, les yeux rivés au sol, traîne à ses pieds un gros nuage échoué. Somptueuse, une petite tour de manège rouge le précède. C’est là qu’il commence à prendre forme le vilain cortège. La gaité féroce illumine de l’intérieur ces figures naissantes. Sur le visage d’une petite diablesse se fige l’affreux rictus moqueur : yeux écarquillés sans pupilles, touffe de cheveux noirs rugueux, de nature BOMBRIL pour vous ripper la face. Les globes oculaires sont des dents et le féminin de GOYA est GOIABA. Il est venu ici pour partager sa haine le vieux maître sourd (avec les couleurs de sa jeunesse).

Il n’y a ni danse ni danseurs, Béatrice est une multitude noire.

Les visions se succèdent : sexes béants, viols, supplices. Méthodiques, jouissives et répétées mises à mort : QUI A TUÉ MARIELLE FRANCO ? disent chacun de ces gestes.

ALE C. TO TI SIPH ONÉ MÉG È RE, roulent leurs yeux diaboliques, fières furies à dos de mulets, tour à tour dominatrices et suppliciées. Cirque magnifique et violent d’enfants furieux. Chairs rousses, culs cambrés, têtes chevalines, danse de tables de cuisine et cuisses peintes pour Ku Klux Kan Kan. Antéros aux seins bleus. Les dents de dragons sont des pétards qui explosent joyeusement sur le sol stérile. Passe Sa Majesté, femme de manège à la couronne-balai, sur son valet de chambre, porteur indigne ; puis un petit général qui empoigne sa jument par les cheveux. Un homme pris dans un filet s’agite désespérément, le piège est l’aura de son âme prisonnière.
Les cercles de l’enfer, les bracelets à la cheville du prostitué en transe. La Ménine torse nue, dans une robe d’apparat noire en sac poubelle, tourne et tourne, hautaine, autour des corps malades d’inquiétude, pris de folie, ne pouvant plus s’arrêter de vibrer, de trembler :

QUI A TUÉ MARIELLE FRANCO ?

Plus vous nous écraserez et plus nos corps renaîtront forts beaux luisants. Nous sommes tenaces et immortels comme la race des cafards et des comètes.

Tout s’incorpore, tout se digère et même la haine abjecte de l’ennemi. Nous nous transformerons pour l’accueillir. Nous nous referons encore et encore et avec nous la terre.

La ménine fait sa ronde autour du vide, on n’entend plus que le frottement de la robe royale contre le sol.

Silence maintenant pour un suicidé. Il est sa propre potence, Francisco de Golado. Le noir sans visage invente une langue entre deux morts, la crache, langue rapiécée de trous badours, vulgaire et majestueuse. »

115 – De la distraction…

ACTU 115b
11 déc. 2018


“De la distraction… ou comment
(et pourquoi) risquer de rencontrer l’inconscient”, conférence de Sophie Mendelsohn à l’ENSAD (Paris 5è) le mardi 11 décembre de 10 à 13h.

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116 – Parole errante

ACTU 29-SALON
9 déc. 2018


L’Arachnéen participe au Salon du livre et des revues de la MER (Maison des écritures et des revues) à la Parole errante (Montreuil) de 14h à 20h.

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114 – Matricule des anges

ACTU 114_matricule
nov.-déc. 2018


Dans le numéro de novembre-décembre consacré à Borges, Le Matricule des anges publie un article sur Coréennes de Chris Marker et sur la Correspondance des Cévennes de Fernand Deligny. A lire.

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Actu 112 – KO Atelier

ACTU_132_KO
29 nov. 2018


La librairie L’Atelier (Paris 20e) organise une rencontre à l’occasion de la Correspondance des Cévennes, 1968-1996 de Fernand Deligny. Programme détaillé sur le site de la librairie.

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Actu 112 – EO Bruxelles Par chemins

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23 nov. 2018


Rencontre autour des Enfantillages outillés avec Adrien Malcor (co-auteur du livre avec Fanny Béguery), Sandra Alvarez de Toledo (L’Arachnéen) et Mathieu Guinot, à la librairie Par chemins (Bruxelles) à 19h.

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Actu 111 – KO Tropismes

Actu_109
22 nov. 2018


Dialogue entre Sandra Alvarez de Toledo, Adrien Malcor, Antoine Janvier et Sami El Hage autour de l’oeuvre de Fernand Deligny, à la librairie Tropismes (Bruxelles) à 19h.

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Actu – 114 Deligny Metz

ACTU 114
14 nov. 2018


Conférence de Marlon Miguel à propos de Fernand Deligny à l’école supérieure d’art de Lorraine, à Metz

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Actu 110 – Moindre geste Forum des images

Actu_109
6 nov. 2018


Documentaire sur Grand Écran organise un projection du Moindre Geste de Fernand Deligny, Josée Manenti et Jean-Pierre Daniel, au Forum des images. La projection sera suivie de l’avant-première du film de Henri-François Imbert, André Robillart, en compagnie.

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Actu 109 – INHA Deligny

ACTU 111_ KO
18 oct. 2018


Jean-François Chevrier et Adrien Malcor dialoguent à propos de Fernand Deligny, à l’occasion de la parution de la Correspondance des Cévennes, 1968-1996, à l’INHA, salle Labrouste, de 19h30 à 21h. Entrée libre sur réservation.

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Actu 110 – Repubblica

Fernand Deligny et Janmari 1973
17 août 2018


La Repubblica publie un article sur Fernand Deligny : “L’uomo che parla ai bambini che non parlano” . Lire l’article.

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Catalogue Correspondance Deligny

FDO_reprint_210
Correspondance des Cévennes
Fernand Deligny
2018

en-savoir-plus

Catalogue Coréennes

Coréennes
Chris Marker
2018

en-savoir-plus

DEL-Correspondance-Descriptif-Presse

KO_couv_500
45 €

Livres-apparentes


1320 pages
175 documents
Format : 23,5 x 16,5 cm
Couverture reliée souple avec rabats
ISBN : 9782373670134
Parution : 12 septembre 2018

Livre publié avec le soutien du Centre national du livre

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Correspondance des Cévennes, 1968-1996

Fernand Deligny

édition établie, présentée et annotée
par Sandra Alvarez de Toledo

 

Michel Plon, “L’homme des Cévennes”, En attendant Nadeau, 06/11/2018.
Lire l’article

Éric Dussert, “Babillardes pour les potes”, Le Matricule des anges, nov.-déc. 2018.
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